[Tribune] L'entreprise libérée libère-t'elle vraiment l'initiative?
Pascal Mioche est un patron bienveillant. Dirigeant d'une PME de 100 salariés spécialisée dans l'ingénierie, il est un adepte du management libéré. Un système managérial qui se traduit par une responsabilisation des salariés, tant au niveau de leur autonomie que de leur pouvoir de décision.
Les défenseurs du modèle d'entreprise hiérarchique voient l'entreprise dite libérée comme un système "open bar" où l'on pourrait faire ce que l'on veut, quand on veut. Ou, au contraire, qui constituerait l'antichambre du burn-out. C'est devenu un terme vaste, un concept flou, ou idéaux et paranoïas s'affrontent dans une volonté de toujours tout modéliser.
Quels sont les objectifs d'une entreprise ? C'est avant tout de créer de la valeur pour assurer son développement, celui de ses collaborateurs et d'assurer sa pérennité. C'est aussi assurer son rôle sociétal et citoyen avec éthique. C'est rémunérer justement tous ses acteurs : salariés, actionnaires, partenaires. C'est également s'inscrire et contribuer au dynamisme de son territoire.
Dans une entreprise comme la mienne, et avec le recul de plus de 20 ans de management, force est de constater que la plupart des salariés ont besoin de se sentir soutenus et d'avoir un horizon de travail défini. Il s'agit donc tout en délimitant le terrain de jeu, de libérer l'initiative, la créativité, l'autonomie au coeur de l'entreprise et de réduire toutes les inerties, les blocages, les "baronnies" et les verrous n'allant pas dans ce sens.
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Pour moi l'entreprise libérée s'inscrit dans ce cadre. Mais entreprise libérée ne veut pas dire entreprise laxiste. Libérer l'initiative ne veut pas dire abandonner ses collaborateurs, bien au contraire. C'est idéalement permettre à chacun de construire son chemin à son rythme dans une vision partagée par tous.
Privilégier la compétence
Libérer, se construit surtout dans la durée, par la transparence, le droit à l'erreur, le sens et la vision. Franchir une étape passe souvent par du contrôle, des écrits, des processus rigoureux qui accompagnent, donnent le sens et l'objectif pour mieux les oublier ensuite quand ils seront assimilés.
Le contrôle s'il est bienveillant et apporté aux moments opportuns devient tutorat. Il s'agit d'instaurer une confiance mutuelle et de faire en sorte que tout le monde se sente impliqué, autour d'un projet commun.
Libérer, c'est privilégier la compétence plutôt que le grade, le diplôme ou l'ancienneté mais en gardant au premier plan que c'est le client qui nous fait vivre et que la qualité et le niveau du service sont essentiels. Et de la responsabilité de tous. C'est donc effacer la notion d'organisation hiérarchique de l'entreprise pour une organisation fonctionnelle par projet en laissant jouer son équipe, sans autoriser, toutefois, le hors-jeu ! La hiérarchie dans l'entreprise ne devenant que la façade lisible à l'extérieur d'une organisation beaucoup plus agile à l'intérieur.
Libérer, c'est admettre que le boulot est, pour la plupart d'entre nous, avant tout "alimentaire", mais que nous travaillons mieux si nous le faisons avec plaisir. C'est donc tenir compte des contraintes, des individualités et des envies personnelles tout en développant le sens du service client et du projet collectif. C'est aussi comprendre et accepter que des problèmes personnels puissent impacter par moment la performance et adapter si nécessaire l'organisation des projets pour soutenir ses équipes dans ces moments.
Libérer, contrairement à ce que les détracteurs du modèle affirment, c'est lutter contre l'isolement et réguler les pressions. C'est favoriser l'apprentissage et la transmission des savoirs. C'est cultiver la solidarité.
Cela commence par le recrutement d'hommes et de femmes ayant une culture de la communication, de la transmission et sachant partager leurs compétences. Des personnes qui contribueront à l'évolution de leurs collègues, à la bonne ambiance générale et, in fine, à la croissance de l'entreprise.
Libérer, enfin, c'est aussi donner leur chance à des profils atypiques, moins techniques de rejoindre son équipe. C'est mettre le salarié au centre de son entreprise et le faire évoluer autant que possible en fonction de ses souhaits et de ses capacités. En conclusion, c'est se donner les moyens de privilégier l'autonomie et la responsabilisation. C'est surtout reconnaitre et valoriser la qualité plutôt que la quantité du travail, réduire le présentéisme autant que l'absentéisme.
L'auteur
Pascal Mioche est dirigeant d'Automatique & Industrie, une PME d'origine iséroise, spécialisée dans l'ingénierie industrielle et le logiciel en automatisme de 100 salariés qui réalise un CA estimé à 9,4 millions d'euros en 2018. Depuis sa création en 1995, Automatique & Industrie s'est imposée comme un acteur majeur en France et à l'international dans la conception et l'intégration de solutions automatisées complètes et innovantes pour les infrastructures et l'industrie.
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