Smart retail: quelle expérience d'achat dans le magasin de demain?
Avec la montée en puissance de la vente en ligne, le point de vente physique ne peut plus se contenter d'être un lieu de transaction. Bienvenue dans le smart retail, où la technologie est au service d'une expérience client qui conjugue services personnalisés, praticité et émotions.
Les services offerts sur les parcours on line (click-to-tchat, click-to-community...) ont habitué les consommateurs à un traitement quasi instantané de leurs interrogations. Par conséquent, réaligner le niveau de service in-store sur ces critères issus de l'écosystème digital s'impose aux retailers. Leur mission: proposer une expérience de shopping augmenté. "C'est l'exemple d'une grande chaîne européenne de distribution électrodomestique, qui révolutionne l'expérience client en magasin grâce à des "e-services in-store", témoigne Loïc Oumier, communications manager du groupe SES-imagotag. À son arrivée en magasin, le shopper est informé qu'il peut bénéficier du wi-fi gratuit. S'il s'est déjà identifié lors d'une précédente visite dans n'importe quel magasin de l'enseigne, il est immédiatement connecté et accueilli par un message de bienvenue. Dans le cas contraire, il peut s'identifier en renseignant simplement son numéro de mobile et accéder aux bonnes affaires du moment ainsi qu'à toute la gamme des e-services disponibles: recherche produit géolocalisée, contenu enrichi instantané (vidéo, avis consommateurs), SMS pour l'informer qu'il peut passer en caisse, coupons de réduction personnalisés..."
"Pour faire face à la mutation du consommateur et répondre à ses nouvelles attentes, les retailers ont dû se réinventer et ouvrir de nouveaux canaux dans le parcours d'achat", Emmanuel Isnard (Smart Traffik)
Voilà un exemple de parcours simplifié et surtout personnalisé. Qui répond aux exigences d'un client pressé et connecté. "C'est la principale problématique des retailers aujourd'hui, rappelle Emmanuel Isnard, directeur business development et cofondateur de Smart Traffik, éditeur de solutions omnicanales. Pour faire face à cette mutation du consommateur et répondre à ses nouvelles attentes, les retailers ont donc dû se réinventer et ouvrir de nouveaux canaux dans le parcours d'achat (store locator, click and collect, e-réservation, prise de rendez-vous, etc.). Tout en conservant une relation forte avec lui." Avec, comme expérience ultime, l'échange avec un robot? C'est un scénario de plus en plus fréquent.
De là à penser que le magasin du futur se passerait de personnel humain... il y a un pas vite franchi par des chercheurs d'Oxford, qui ont estimé que 92% des vendeurs en magasin pourraient être remplacés par des machines en 2023. Ce chiffre paraît très exagéré, surtout à l'heure où les clients sont de plus en plus exigeants sur le service, et restent très attachés à un contact personnalisé avec un vendeur. En revanche, intégrer des robots comme compléments des hommes en magasin, certainement. Pour créer des expériences inédites, comme Carrefour avec Nao. Bilan des courses: le nombre d'interactions se révèle 30 fois supérieur au nombre d'interactions devant une borne digitale, peut-on lire dans une étude du cabinet de conseil Roland Berger. Preuve que le robot séduit le public.
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Le vendeur "augmenté" et l'"augmented retail"
Néanmoins, cela reste limité: les robots d'accueil ne font finalement que copier, en mieux, les hommes. Finalement, pour converser, rien de mieux qu'un humain. Et assisté par la technologie, celui-ci va pouvoir conseiller plus efficacement et nouer une relation à la fois conviviale et utile avec le consommateur.
Dans les magasins Sephora, les conseillers de vente connaissent leurs clients sur le bout des doigts grâce à l'application MySephora sur iPhone. Cette dernière permet aux vendeurs de proposer un service personnalisé aux détenteurs de la carte de fidélité Sephora. Le moteur de recherche croise même les habitudes d'achats des clients pour faciliter le travail des vendeurs en temps réel. Résultat? "74% des clients considèrent le dispositif comme un élément différenciant", déclare Thomas de Crécy, chief digital officer chez Kiss The Bride, agence de marketing client.
Encore faut-il motiver le vendeur à utiliser ces nouveautés. "Pour ce faire, nous organisons des ateliers, des programmes ambassadeurs, pour récolter les idées et les faire participer à nos réflexions. C'est primordial de passer par cette étape et cela fonctionne. Dans notre projet concernant les revendeurs de produits de coiffure, lancé il y a un an et demi, 80 % déclarent leurs ventes sur l'appli. L'adhésion est quasi totale, preuve que les vendeurs y trouvent leur compte. Cela montre l'importance de la conduite du changement", souligne Thomas de Crécy. Quant au taux de transformation des vendeurs utilisant MySephora, il est passé de 20 à 80%!
Reste que pour demeurer attractifs, les points de vente physiques peuvent jouer sur le renouvellement de l'expérience client, mais à condition d'avoir parfaitement traité les attentes clients: gagner du temps, faire des économies et trouver tout de suite l'article recherché. "Ce n'est pas pour rien qu'il ressort, dans notre baromètre annuel, que le magasin préféré des Français, après Amazon, est... un drive! Celui d'Auchan en l'occurrence", spécifie Jean-Marc Mégnin, dg de ShopperMind (Altavia Group).
Sachant que l'irritant majeur est l'attente aux caisses, il est capital pour les distributeurs de proposer en magasin des solutions automatisées qui fluidifient les passages. "Self check out, scanning libre-service, shopping mobile ou paiement aux vendeurs sont autant de systèmes qui permettent aux clients de diminuer le temps passé à la caisse", énumère-t-il. Les technologies d'encaissement associées aux puces RFID permettent également de fluidifier le processus d'encaissement, comme chez Nespresso ou Decathlon.
Une avalanche d'expériences ludiques
Accueillant, collaboratif, pratique, le magasin peut désormais passer à l'étape supérieure en offrant des expériences inédites. La marque de lingerie Undiz a ainsi réussi à sortir du lot en imaginant la "Machine" dans laquelle lingerie et homewear, après avoir été commandés sur une borne, arrivent directement de la réserve via des capsules aéropropulsées dans des tuyaux transparents. Né d'une contrainte, cet outil permettait à des petits magasins de n'exposer qu'une petite partie de la collection mais d'offrir la totalité des références à l'achat. "Dans notre flagship de Rivoli, qui présente l'intégralité des produits, près de 40% des paniers sont réalisés via la Machine", témoigne Chloé Ortiz, creative technologist chez Undiz Machine. Alors que les clientes pourraient tout simplement se servir en rayon, ce succès est la preuve que le concept attire et séduit la clientèle, des millennials avant tout.
D'ailleurs, d'autres développements sont en cours. "Nous travaillons notamment sur la possibilité d'amener le tuyau de la machine jusque dans la cabine d'essayage. Ce qui ajouterait un aspect ludique et pratique, confie-t-elle. Par ailleurs, nous testons actuellement dans les boutiques parisiennes du Passage du Havre et du Faubourg Saint-Antoine l'utilisation systématique de la Machine pour 100% des achats. Pour peut-être, à terme, envisager deux réseaux, Undiz Classique et Undiz Machine."
L'émotion, vecteur de l'expérience client
Friands de nouveautés, les nouveaux consommateurs ne demandent qu'à être bluffés par de nouvelles sensations. À ce petit jeu, la réalité virtuelle se révèle impressionnante et plébiscitée... Une récente étude Opinium révèle que 72% des 25-34 ans ont envie qu'on leur propose des expériences de réalité augmentée ou virtuelle dans les points de ventes physiques. Comme dans le nouveau concept parisien Audi City, qui embarque ses clients dans un voyage virtuel pour leur faire découvrir en 3D ses derniers véhicules. Émotions fortes garanties... et un panier en hausse de 20%.
"Nous sommes partis du postulat qu'une grande majorité de nos consommateurs avait un smartphone. Comment alors leur simplifier la vie, en particulier dans les Monop', prisés par des clients pressés?", s'interroge Pierre-Marie Desbazeille, directeur marketing client de Monoprix. La réponse tient en deux mots: monop'easy. Cette application, réalisée en partenariat avec la start-up Snapp', supprime l'irritant le plus important l'attente en caisse, notamment durant la pause déjeuner. Le consommateur se sert de son smartphone pour scanner ses produits et payer ses achats en un clic, et reçoit la facture par e-mail.
"Il existe déjà deux autres applis, rappelle Pierre-Marie Desbazeille. Celle dédiée à l'e-commerce (qui représente environ 10 % du CA de l'enseigne) et celle gérant le compte fidélité (3,8 millions de clients à date).
À terme, l'ensemble de ces fonctionnalités sera regroupé sur une seule et même appli et elles s'activeront en fonction de la géolocalisation du client." Autre innovation, en test celle-ci: la possibilité offerte au client de voir apparaître sur mobile le parcours qu'il devra faire en magasin pour trouver les articles (dotés d'étiquettes intelligentes) préalablement renseignés dans son application. "Là encore, l'objectif est purement serviciel, souligne-t-il. Il s'agit avant tout de faire gagner du temps aux consommateurs et de faciliter l'expérience d'achat."
Les technologies sont aussi mises à profit pour théâtraliser le point de vente avec des parfums. Y compris dans des secteurs peu "récréatifs" comme la grande distribution. "Les hypermarchés et les supermarchés sont obligés de revoir leur modèle et l'un des axes de réflexion est de créer des expériences positives. Leclerc est le premier à s'engager", témoigne Pascal Charlier, dg de ScentAir. Le distributeur vient d'investir dans la start-up pour développer ses ambiances olfactives et accueillir le client dans les meilleures conditions.
C'est aussi le propos de Mood Media, qui diffuse ses playlists de musique personnalisées dans les chaînes de magasins. "Une étude a prouvé qu'entre une musique d'ambiance en lien avec l'ADN de la marque et pas de musique du tout, le temps passé en magasin augmenterait de 42% quand il y a de la musique", soutient Valentina Candeloro, directrice marketing Mood International. "De plus, toutes ces pratiques qui visent à développer la valeur affective de l'acte d'achat pourront demain être confortées par l'exploitation en temps réel des "feel data", ces données émotionnelles émises par les clients", ajoute-t-elle.
En effet, les enseignes pourront mesurer et analyser ces informations comme n'importe quel autre type de données marketing. Car l'émotion procurée par l'expérience d'achat deviendra l'élément différenciateur. C'est elle qui attachera le client à une enseigne et le fera rentrer dans une communauté. Voire le fidélisera. C'est, à n'en pas douter, la prochaine étape du smart retail!
1,3 milliard d'habitants, plus de 740 millions d'internautes, des ventes e-commerce dix fois supé rieures à celles réalisées en France, et une énorme envie de consommer... Voilà ce qui caractérise le marché chinois, "qui bénéficie d'un taux d'adoption massif des nouvelles tech nologies centrées sur l'utilisation du mobile", assure Jean-Luc Rossignol, consultant grande distribution. Ainsi, le volume de paiement par téléphone portable en Chine représente, à date, 5,5 milliards de milliards de dollars. Soit 50 fois la taille du marché américain. Une pratique totalement sécurisée, gratuite, efficace: scanner et payer prend seulement quelques secondes! "Surfant sur cette tendance, de plus en plus d'enseignes ouvrent des magasins sans personnel", annonce-t-il.
Citons la supérette BingoBox. "C'est une petite boutique de dépannage ouverte sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Le client, avec son mobile, scanne à l'entrée un QR code qui lui ouvre la porte, puis ses produits. Une fois les courses finies, les produits sont automatiquement comptabilisés par une caisse RFID. Il ne reste plus qu'à payer via WeChat ou Alipay." Autre concept innovant, celui de Suning, le Darty chinois. Les clients pénètrent dans le magasin en laissant la caméra scanner leur visage à l'entrée. Puis ils passent avec leurs articles le long de l'allée de paiement. Leur liste d'achats s'affiche sur un écran et la transaction est effectuée automatiquement à l'aide de la carte bancaire enregistrée. "Très efficace, ce commerce mobile devrait se démocratiser, car l'attente du client, concernant le format supérette de proximité, porte essentiellement sur du service et de la rapidité d'exécution", conclut-il...
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