[Tribune] Attention aux traitements de faveur qui peuvent être mal perçus par les clients
Les traitements préférentiels accordés aux clients fidèles peuvent parfois générer méfiance ou frustration. Un ciblage erroné des programmes de fidélité qui ignore la fidélité perçue du client peut conduire à trop ou pas assez récompenser certains clients par rapport à leurs attentes.
Les entreprises consacrent des ressources importantes pour identifier et récompenser leurs clients les plus importants afin de maintenir et développer la relation avec ces derniers. Les clients identifiés comme étant les meilleurs selon des critères objectifs pour l'entreprise comme le RFM (Recency, Frequency, Money) ou la CLV (Customer Lifetime Value) reçoivent des avantages particuliers comme des cadeaux, réductions, invitations personnelles, sur-classements, etc. Cependant, ces programmes de fidélisation n'ont pas toujours les effets escomptés et peuvent même parfois être contre productifs.
Un problème de ciblage des bénéficiaires des traitements préférentiels
Nous démontrons par deux études (19 entretiens suivi d'une enquête auprès de près de 200 clients) qu'une des causes des effets négatifs de certaines récompenses est un problème de décalage entre la fidélité perçue par le client et la fidélité mesurée par l'entreprise. Ainsi, certains clients qui se considèrent comme tout à fait fidèles sont frustrés de ne pas être reconnus comme tel par l'entreprise parce que les critères objectifs de l'entreprise ne permettent pas de les considérer ainsi. À l'inverse, certains clients qui ne se sentent pas fidèles s'interrogent sur les intentions de l'entreprise s'ils reçoivent trop d'avantages.
Comprendre la perception de leur fidélité par les clients
Pour éviter des problèmes de ciblage, nous avons étudié la façon dont se forme le statut perçu du client. Lors de nos entretiens, nous avons demandé aux répondants de choisir une marque dont ils se sentent fidèles, puis de décrire les "marqueurs" de leur fidélité. Les résultats montrent que les clients se catégorisent comme fidèle selon une perception subjective liée à la part de portefeuille dépensée pour cette marque; la longévité perçue de la relation; leur activité de promotion autour de la marque; le fait de s'informer sur la marque et le suivi de son actualité. Nous avons ensuite mené une enquête complémentaire pour mesurer les effets du décalage, dans les signes de reconnaissance, entre la fidélité perçue et la fidélité mesurée par l'entreprise. Nos résultats montrent de façon intéressante que la situation la plus problématique est celle dans laquelle un traitement de faveur est octroyé à un client qui se sent peu fidèle. Être trop récompensé semble suspect et peu légitime.
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Vers un meilleur alignement des bénéfices et des attentes
Pour mieux aligner la fidélité perçue subjective et la fidélité mesurée par l'entreprise, il est essentiel de compléter les critères de sélection traditionnellement utilisés par les entreprises en y ajoutant ceux de la fidélité perçue. Cela permet d'attribuer des bénéfices aux clients qui contribuent objectivement aux performances de l'entreprise (fidélité mesurée par l'entreprise) mais également qui pensent mériter un geste de la part de l'entreprise (fidélité perçue par le client). Lorsque la fidélité mesurée est faible mais la fidélité perçue forte, la marque peut donner des signes d'attention qui demandent peu de ressources (par exemple une lettre de remerciement) et peut augmenter la fidélité mesurée par exemple en offrant notamment des coupons à valoir sur de prochains achats. Lorsque la fidélité mesurée est forte mais la fidélité perçue faible, la marque peut améliorer l'appréciation des bénéfices: en communiquant sur les raisons pour lesquelles le client est considéré comme fidèle, en présentant les bénéfices comme une attention de grande qualité portée à tous les clients et non comme réservés à quelques privilégiés.
L'auteur
Après avoir occupé les fonctions de directrice marketing au sein de grands groupes, en France comme à l'étranger, Gwarlann de Kerviler enseigne désormais le marketing, la gestion de marque, la gestion de la relation client et le marketing de luxe à l'IÉSEG School of Management en Master, en MBA et dans les 'Executive Programs'. Elle est directrice du département marketing et ventes. Elle axe ses recherches et ses expertises d'enseignement sur quatre domaines (stratégie de marque, gestion de la relation client, marketing du luxe et médias sociaux) et publie ses travaux dans les principales revues françaises et internationales.
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