Quand patrons et enseignants sont à même école
La filière des centres d'appels intéresse le patronat nordiste. A condition
qu'elle devienne, justement, une filière. La Cité des Entreprises, lieu de
rencontres et d'expérimentations autour de la vie économique locale, développée
dans le giron du Medef de Lille et de sa métropole, fait aujourd'hui le bilan
d'une initiative lancée durant l'année scolaire 2000-2001 en partenariat avec
le rectorat du Nord Pas- de-Calais. Objet : jeter les bases d'une pérennisation
des "métiers du téléphone". « S'il existe une activité centres d'appels dans la
VPC, il n'existe pas de filière complète et évolutive. Si l'on veut faire que
ce métier devienne un vrai choix de carrière, si on ne veut pas développer des
entrées par défaut, il faut élargir le prisme des réflexions menées jusqu'ici
», avance Serge Bonder, délégué général au Medef.
Concertation avec les professionnels
Pour élargir la réflexion, Entreprises et Cités
a voulu y associer un maximum de responsables d'entreprises exploitant des
services clients ou désireux d'en mettre en place. De manière verticale, au
sein de différents secteurs d'activité très présents localement (distribution,
crédit, assurances...), et de manière horizontale, au sein de prestataires
spécialistes (outsourcers, sociétés d'intérim...). Un groupe de travail s'est
constitué, et un questionnaire a été diffusé auprès d'entreprises de la région.
« Nous avons listé les compétences, identifié les besoins, défini des filières,
souligne Serge Bonder. Après, c'est à la branche de développer des perspectives
concrètes, si elle en a envie. » L'envie devait être là. En octobre 2000, à
l'initiative du rectorat et du monde économique local, une formation en
alternance était lancée, à destination des candidats aux métiers des centres
d'appels. Ce, dans le cadre d'une FCIL (Formation complémentaire d'initiative
locale), mise en oeuvre à la discrétion du recteur d'académie et actée par ce
seul dernier. La FCIL n'est donc pas une formation diplômante en soi.
Néanmoins, elle peut donner lieu à l'institution de mentions complémentaires
(bac + 1), diplômes en cours de validation au ministère de l'Education
Nationale. La première promotion compte 56 étudiants (sélectionnés parmi 146
candidats) de niveau bac ou bac + 1, dont la formation est prise en charge dans
six lycées du Nord- Pas-de-Calais. Il s'agit d'une formation en alternance
étalée sur six mois : quinze jours en entreprise, quinze autres au lycée. «
Cette première expérience nous a conduits à réfléchir sur le rythme de
l'alternance. Plus la formation avance, plus il semble préférable d'augmenter
les temps de présence en entreprise », remarque Bernard Blondeau, proviseur du
Lycée Carnot, l'un des six établissements ayant adhéré à ce projet. Cet été, un
acte estampillé "assistance conseil vente à distance" devait être validé par
l'Education Nationale.
Des amendements restent à apporter
A terme, aucune garantie d'embauche. Mais les promoteurs
de la formule comptent sur les besoins d'un tissu localement très dense en
matière de centres d'appels. « Le dispositif que nous avons mis en place peut
accueillir 90 stagiaires. Bien sûr, il y a une sélection à l'entrée, mais cette
nouvelle conception du commerce via le téléphone se développe tellement vite
qu'il nous faudra sûrement lancer d'autres types de formation », déclarait fin
janvier à la Voix du Nord Christelle Prieur, responsable de la formation à la
Cité des Entreprises. Pour les initiateurs de cette formule, l'objectif est
d'accompagner et de soutenir par les faits une réflexion commune, de créer les
prémices d'une "filiarisation" des professions liées à la relation client, mais
aussi - et tout est lié - de ne pas restreindre la cible des formations à des
populations en total ou véritable échec scolaire. C'est pourquoi des formations
ont été ouvertes à des étudiants en premier cycle ayant échoué à leurs partiels
de février 2001. « Et pourquoi pas un système à entrée et sortie permanentes,
s'interroge Serge Bonder. Certes, pour ce faire, encore faudrait-il que nous
autres, acteurs économiques locaux, employeurs, ayons mesuré notre capacité à
absorber des flux constants. Et nous avons en l'occurrence encore des
réflexions à mener. »
Lycée Turgot : "Pas de formation abattage"
C'est la dimension partenariale entre des acteurs a priori peu proches qui a intéressé le proviseur du Lycée Turgot, l'un des six établissements à s'investir dans cette FCIL. « Je ne voulais pas d'une formation-abattage. Je ne voulais pas travailler avec de grosses sociétés spécialisées dans le télémarketing », explique Bernard Blondeau, qui reconnaît se poser encore des questions quant à la légitimité et la pérennité du travail de téléconseiller comme "métier". Au lycée Carnot, la formation sera délivrée en alternance par des entreprises comme Damart, La Redoute, Cofidis. « Ce qui m'a semblé positif, c'est que les entreprises ont privilégié le savoir-être des élèves sur les compétences techniques », poursuit le proviseur. Dans ce lycée roubaisien, sept personnes ont bénéficié de la FCIL. Contre une moyenne de dix dans les autres établissements. « Malgré l'énorme travail du Medef pour promouvoir cette initiative, malgré l'investissement de tous les acteurs intéressés, il faut bien reconnaître qu'il n'y a pas eu beaucoup de candidats », précise Bernard Blondeau. Il n'empêche, les sept candidats ont tous, au terme de la formation, signé des contrats de travail à durée déterminée. Libre ensuite à leurs employeurs de les intégrer ultérieurement. Quant à la formation en Lycée, elle a été délivrée par des enseignants « choisis sur leur compétence à s'investir dans ce type de projet », note le proviseur. Ceux-ci étant ensuite invités à travailler de concert avec leurs collègues volontaires au sein des autres lycées.