Le prédictif au chevet de la productivité
Le prédictif a eu son heure de gloire. En effet, dans les années quatre-vingt-dix, la naissance des opérations de télémarketing a contribué à favoriser l'adoption de moteurs a appels sortants et à prouver l'utilité de ces derniers. Aujourd'hui ces moteurs trouvent toujours leur place au coeur des centres de contacts internalisés et outsourcés. Et permettent de réaliser de la prise de rendez-vous, de la qualification de fichiers, du recouvrement ou encore des missions de vente. Dans ces différents contextes, les outils améliorent la productivité des agents. «Ils assurent une industrialisation de V activité», atteste Gil Monin, directeur commercial de Vocaloom. Pour autant, tous les fournisseurs s'accordent à dire que le prédictif n'entre pas en conflit avec la qualité des appels. «Il faut jouer sur la productivité et sur la satisfaction client. L'enjeu est de trouver un équilibre et de concilier ces paramètres», affirme Gabriel Fransconi, responsable des ventes applications chez Avaya. L'objectif premier des solutions prédictives est de diminuer les durées d'attente entre deux communications téléphoniques. Ces temps peuvent être réduits à environ quinze secondes.
Gil Monin (Vocaloom)
«Les outils prédictifs assurent une industrialisation de l'activité .»
Trouver quelqu'un au bout du fil reste l'exception; peu d'appels aboutissent, par exemple en journée pour le B to C. Il faut donc générer en simultané plus d'appels que les agents ne pourraient en prendre s'ils aboutissaient tous. Avec un système de numérotation prédictive, le téléopérateur est constamment en communication. Et il ne prend pas le risque de tomber sur un numéro occupé, sur un fax ou encore sur un répondeur. L'outil effectue un filtrage de sorte que l'attention du conseiller n'est jamais perturbée par des éléments inutiles. «Ce système optimise le temps de travail des agents. Nous sommes capables de détecter les répondeurs et de récupérer uniquement les appels qui vont décrocher», assure Thierry le Floch, directeur associé de PGS. Une vision que partage Gil Monin: «Le prédictif intègre un algorithme de numérotation qui va permettre d'anticiper - grâce à des statistiques portant sur la durée de communication, les temps entre les appels, le nombre de lignes disponibles... la quantité d! appels devant être émis pour obtenir un décroche.» Sur les mobiles, cette identification est d'autant plus essentielle qu'il n'y a pas de NRP (ne répond pas). L'analyse des premiers mots suivant le décroché assure la plupart du temps de distinguer les répondeurs des appels pris. En outre, le recyclage des fiches (pour les personnes absentes ou en communication) garantit de ne pas perdre d'opportunités. L'outil planifie la date de rappel «idéale». Le conseiller se concentre alors sur sa tâche. En émission d'appels, ce rythme s'avère important. De cette manière, l'agent se trouve sans cesse en action et une mécanique dynamique s'enclenche. «Il est évident qu'en vente, le succès appelle le succès», intervient Claude Biton, P-dg de CBC Développement..
Claude Biton (CBC)
«L'outil permet entre autre, d'effectuer des relances dans un délai court et de balayer rapidement le nombre de numéros qui ne répondent pas.»
Quelle utilisation?
Au final, les retours sur investissement sont plutôt rapides à obtenir et importants si les solutions sont bien utilisées. Elles assurent à chaque conseiller de prendre au moins deux fois plus d'appels qu'en numérotation manuelle. Sans moteur, l'agent passe environ 25 minutes par heure à converser. Avec le prédictif, son temps de parole atteint, dans la majorité des cas, 50 minutes et peut même aller jusqu'à 57 minutes. Vodafone utilise, en Espagne, le dialer d'Avaya pour gagner des parts de marché. Avec le prédictif, le groupe est parvenu à convaincre dix fois plus de clients.
Pour autant, toutes les situations ne justifient pas d'utiliser le prédictif. Disposer d'un outil de numérotation prédictive présente des avantages lorsque le centre de contacts constate trop de déchets entre le nombre de tentatives d'appels et les communications. Si, dès que le conseiller téléphone, il tombe sur une voix humaine, les solutions sont inadaptées. En conséquence, pendant longtemps, on a estimé qu'en B to B, les gains réalisés grâce à un outil prédictif s'avéraient insuffisants. Ce principe tend à s'assouplir puisque les entreprises artisanales et unipersonnelles sont nombreuses et que les joindre relève parfois du parcours du combattant. Autre paradigme à prendre en considération, les solutions prédictives visent l'accompagnement d'une production de masse. L'outil est amorti sur des volumes importants. «Il permet, entre autres, d'effectuer des relances dans un délai court et de balayer rapidement le nombre de numéros qui ne répondent pas», soutient Claude Biton. En outre, les appels téléphoniques brefs (moins de cinq minutes) sont aussi garants de gains de productivité élevés associés à l'utilisation du prédictif.
La machine donne la cadence
En termes de dimensionnement, les moteurs fonctionnent de manière optimale avec des plateaux de taille importante. Pour les aspects techniques, il faut disposer d'un nombre minimum de lignes. «Pour surnuméroter, il faut une fois et demie plus de lignes que d'agents», indique Claude Biton. Et puis, bien sûr, le fichier, matière première des moteurs, détermine aussi la réussite des campagnes. Le volume de contacts doit être suffisant. L'aspect quantitatif joue certes un rôle, mais le qualitatif aussi. «Le système est pénalisé par des fichiers de mauvaise qualité. Il n'arrive pas à combler le nombre défiches incorrectes. Cependant, en manuel, la situation serait encore pire», explique Thierry le Floch.
Si les gains sont, certes, indéniables pour l'entreprise, il convient aussi de prendre en considération le point de vue des conseillers. Avant d'utiliser une solution dédiée, les entreprises doivent rassurer leurs collaborateurs en expliquant que les outils sont un moyen de «donner le maximum de confort à l'utilisateur final, à lui faciliter la vie», précise Claude Biton. Ensuite, elles veillent à ce que les conseillers tirent au maximum profit de la technologie. Mais, pour y parvenir, un temps d'adaptation est parfois nécessaire. Avec la numérotation prédictive, l'agent doit rapidement commencer la conversation alors que, parfois, il n'a pas pu entendre les premiers mots de son interlocuteur.
Autre point noir: la machine donne la cadence même si le conseiller peut se mettre, par exemple, en pause quand il le souhaite ou encore terminer son travail en back up. En revanche, pouvoir parler le plus souvent possible a de l'intérêt surtout pour les vendeurs rémunérés avec une partie variable. «Moins de temps au téléphone, c'est moins de revenus attendus par l'agent», affirme Gabriel Fransconi.
L'adoption d'outils n'est pas anodine. En effet, il faut veiller à ce que l'intégration de solutions n'entre pas en conflit avec les procédures métiers de la société. En outre, elle implique en parallèle de repenser l'organisation en termes de formation, de supervision... En revanche, la connaissance de l'outil s'acquiert à l'utilisation. Si, au démarrage, les éditeurs se chargent du tunning progressif de leurs applicatifs, les clients doivent par la suite s'approprier la solution. «Souvent, trois mois suffisent pour former les équipes et mettre en production», indique Gabriel Fransconi. De plus, avec la numérotation prédictive, les centres de contacts adoptent un mode de management dînèrent, par exemple pour formaliser les temps de pause.
Gabriel Fransconi (Avaya)
«Il faut jouer sur deux tableaux: la productivité et la satisfaction client. L'enjeu est de trouver un équilibre et de concilier ces paramètres.»
Bonnes pratiques
Une fois le moteur mis en place, son réglage nécessite de procéder à tâtons. En effet, si le législateur n'est pas intervenu, en France, pour encadrer les phénomènes nuisibles (notamment les effets de décrochés raccrochés), une jurisprudence existe. Outre-Atlantique, où des débordements ont été constatés, des lois strictes ont été instaurées, obligeant les éditeurs à rendre leurs outils compatibles avec ces règles.
Franck Couenne (Aspect Software)
«Le choix de I'outil se fait souvent en faveur de solutions unifiées, pour une question de coûts de possession et d'intégration.»
Les Américains ont d'une part mis en place des «donotcalllists»(70à80% sont inscrits sur ces fichiers). D'autre part, ils ont limité le taux d'abandon à 3% des appels émis et invité les acteurs à fournir un agent en moins de deux secondes dès qu'un interlocuteur décroche. «Les agents n'ont pas la même performance tout au long de la journée. On observe, sur certaines plages, que la durée des appels varie. Il faut s'adapter en temps réel pour diminuer le nombre de déchets», intervient Christian Kebitre, responsable avant-ventes hurope du Sud chez Aspect Software. Pour les outils qui ne s'adaptent pas d'eux-mêmes au flux, les reportings servent à identifier les nuisances et à revoir les campagnes en les rendant plus ou moins agressives. Au final, les acteurs doivent se conformer aux bonnes pratiques utilisées dans la profession. Par ailleurs, les statistiques sont aussi un moyen de repérer les campagnes et/ou produits qui marchent ou ceux qui échouent.
La compatibilité avec les engagements de services (SLA) entre également en ligne de compte. «La machine accélère ou ralentit, règle sa vitesse pour être au plus près des objectifs de service définis avant la campagne. Cependant, ces SLA peuvent être modifiés en cours d'opération. Dans tous les cas, on cherche à optimiser la vitesse de numérotation», atteste Gabriel Fransconi.
Différentes architectures
Sur le marché, les acteurs se différencient sur le plan technologique. Certains disposent de modules de serveurs propriétaires ACD. D'autres de plateformes dédiées à l'émission d'appels. Il faut aussi compter avec les solutions reposant sur un PCBX ou sur IPBX (Vocaloom, CBC, PGS...) ou encore avec les modules des serveurs CTI (Genesys, Altitude Software...). Aujourd'hui, les outils interfaces avec un PCBX gagnent du terrain. Ils doivent alors parvenir à se loger dans n'importe quel type d'architecture téléphonique.
Thierry le Floch (PGS)
«Le système est pénalisé par des fichiers de mauvaise qualité. Il n'arrive pas à combler le nombre de fiches incorrectes. Cependant en manuel ce serait encore pire.»
Ainsi, le moteur a une vision précise, à chaque instant, de l'état des lignes. «Le choix de l'outil se fait souvent en faveur de solutions unifiées, pour une question de coûts de possession et d'intégration. Même si parfois encore, il existe une demande pour des solutions ponctuelles», estime Franck Couenne, responsable support des ventes UnifiedIP chez Aspect Software.
Effectuer de l'entrant et du sortant depuis la même plateforme (call blending) n'est pas sans intérêt. «Plus la solution est capable de traiter des interactions, plus on optimise le coût des ressources humaines. Il est important de ne pas dédier des équipes et de les manager sur une seule plateforme», précise Franck Couenne. D'ailleurs, beaucoup de cahiers des charges indiquent un besoin d'effectuer du call blending. Pour autant, il est parfois maladroit d'alterner trop vite émission et réception d'appels. «Pour être rentable, le téléopérateur doit passer trois ou quatre heures sur une seule opération. Il faut chercher une organisation positive», note Claude Biton. Le souci d'économie conduit aussi les éditeurs à proposer des mix entre appels sortants et SVI. Une fois l'appel émis, le serveur prend la main. Ce concept séduit beaucoup les Anglo-Saxons alors qu'en France, il existe une frilosité face à ce type d'automatisation.
Autre tendance forte soulignée par les éditeurs: l'engouement pour le mode ASP n'épargne pas les solutions prédictives. Le locatif a ses avantages que les constructeurs ne peuvent ignorer. Autant devancer les attentes du marché. «La virtualisation et l'ASP donnent au prédictif une dimension nouvelle», atteste Gil Monin. Il devient alors possible d'équiper des petites structures. Pas forcément des centres d'appels mais des équipes pour qui le prédictif a une grosse valeur ajoutée.
alerter, informer promouvoir grâce au prédictif
Si le prédictif est souvent assimilé au télémarketing, des acteurs l'utilisent aussi à des fins de diffusion d'informations et de renseignements, de fidélisation, de promotion... Il assure également une meilleure productivité tout en optimisant le besoin en ressources humaines.
En outre, ce modèle d'utilisation prévoit un ciblage important de la base. De cette manière, les utilisateurs de solutions essaient de cerner davantage les besoins et attentes de leurs clients. Dès lors, «ce n'est plus de la sollicitation non voulue», estime Laurent Duc, directeur commercial de Jet Multimédia France.
En pratique
Alice gagne du temps pour maîtriser la qualité
Avec l'outil d'appels sortants d'Avaya, Alice a amélioré la productivité de ses agents et a pu se concentrer davantage sur la manière de traiter les communications.
Lorsque Alice a choisi d'adopter le système d'appels sortants d'Avaya, la construction de cet outil de téléphonie s'est faite par étapes. Le fournisseur d'accès à Internet s'est d'abord doté, en 2006, d'une architecture basée full IP, capable de gérer jusqu'à 8000 appels par heure et 50000 par jour. Ensuite, le groupe a procédé à l'acquisition d'un serveur vocal interactif (SVI) pour faire de l'accueil et du routage intelligent des appels aux bonnes compétences. En 2007, l'ajout d'un outil pour faire de l'appel sortant a bouclé le projet. Le choix d'Avaya, pour l'ensemble des briques, s'explique essentiellement par l'expérience de la maison mère avec les produits de la marque. Et le constructeur répondait à l'attente d'Alice: pouvoir faire du call blending depuis les mêmes postes agents. «A certains moments de la journée et selon les baisses d'activité constatées, on peut être amené à privilégier routbound. En fonction des disponibilités des agents, on effectue une gestion a court terme de la production», explique Carminé Muscariello, directeur outils et méthodes chez Alice. Auparavant, l'opérateur possédait un outil sortant découplé qui engendrait des problèmes d'occupation des agents. De fait, avec le changement, les gains de productivité ont été multipliés par trois, largement grâce à une meilleure détection des répondeurs. Dans ce contexte, Alice a pu se concentrer sur l'adoption d'une démarche axée sur la capacité à délivrer une réponse de qualité.
Différentes activités
Alice réalise diverses missions en sortant. 40% des appels sont dédiés à la vérification de la satisfaction client. 20% sont liés à la politique d'activation client et les 40% restants sont tournés vers la fidélisation. «Nous effectuons également des campagnes d'investigation afin de déceler d'éventuels problèmes techniques», explique Carminé Muscariello. Le système est assez souple et permet de mobiliser des agents en cas de besoin, en renfort, sur des campagnes «simples». Il suffit de réaliser une opération de log, puisque l'ensemble des téléconseillers est formé à l'utilisation de la solution d'émission d'appels. En amont du projet, Avaya a su transférer l'expertise sur l'outil aux équipes du FAI. Le constructeur a également aidé à mener ce changement. «Durant les deux premières semaines d'activité, Avaya s'est chargé de former les agents et de les accompagner lors de l'utilisation de l'outil. Aujourd'hui, nous avons acquis la maturité nécessaire. Nous maîtrisons les règles de gestion des appels sortants», explique Carminé Muscariello. Au départ, les agents appréhendaient un peu et craignaient de gérer difficilement leur stress. A l'usage, ils se sont sentis plus sollicités. «Avant, beaucoup de pauses ponctuaient les périodes d'activité. Il devenait alors plus délicat de maintenir le contact avec le client», atteste Carminé Muscariello. Avec le recul, les agents ont bien accepté l'outil qui leur donne les moyens d'atteindre leurs objectifs de productivité entrant en ligne de compte pour leur rémunération. Ils sont plus sollicités puisque le temps de parole par heure atteint cinquante minutes contre trente-cinq auparavant.
A lire sur www.relation.clientmag.fr
Numérotation prédictive: CBC réalise une avancée