Déficience visuelle : les idées fausses des employeurs
L'association Valentin Haüy est la plus importante association française
dédiée aux déficients visuels. En vertu de son statut de Centre de formation et
de rééducation professionnelle (CFRP), elle forme des dizaines de stagiaires
(150 cette année) aux quatre activités "historiquement" associées par la
société aux aveugles : cannage-paillage en ameublement,
secrétariat-bureautique, masso-kinésithérapie et standard-accueil. En tant que
chargée d'insertion au sein de l'association, Thérèse Basmadjiev travaille à
l'intégration sociale et professionnelle des promotions de stagiaires formés
chaque année par le CFRP. 18 personnes (aveugles et malvoyants) en 2000 et 7
cette année ont suivi durant dix mois la formation au métier d'agent d'accueil
et de standardiste (diplôme de niveau 5, équivalent BEP). Autre centre de
formation (celui-ci d'Etat) préparant des promotions d'aveugles aux métiers du
téléphone : l'école Vertou, près de Nantes. « Nous souhaitons pouvoir
convaincre les responsables de centres d'appels d'intégrer dans leurs équipes
des déficients visuels ayant suivi une formation aux métiers de l'accueil »,
insiste Thérèse Basmadjiev. En moyenne, 50 % des promotions aux postes
d'accueil et de standard (la prochaine entrera sur le marché du travail en
juillet) ne trouvent pas de travail au terme de leur formation. En France, on
compte moins de 900 standardistes déficients visuels. Et la SDA (sélection
directe à l'arrivée), de plus en plus présente dans le dispositif téléphonique
des entreprises, n'arrange en rien l'insertion des personnes handicapées. Or,
les déficients visuels sont parfaitement en mesure de s'adapter aux postes
développés sur les call centers. Capacité de concentration et de mémorisation
nettement supérieure, attachement sensiblement plus important au poste de
travail. Les observateurs ont constaté que les déficients visuels restent en
moyenne quatre ans en poste. Qu'est-ce qui freine alors les entreprises ? Deux
choses, ici très étroitement liées : l'argent et la technique. Les employeurs
considèrent qu'une personne handicapée fera preuve d'une rentabilité moindre. «
Tout prouve qu'avec un poste de travail bien équipé et une mission adaptée, la
productivité est très vite la même », dément Sylvain Van Wassenhove,
responsable des ventes de TechniBraille. Cette société développe, fabrique et
distribue du matériel et des systèmes permettant d'adapter l'informatique aux
personnes handicapées. 25 salariés, un chiffre d'affaires de 4,6 millions
d'euros, une centaine de logiciels déjà transposés, des accords exclusifs avec
les grands fournisseurs de la téléphonie (Matra, Ericsson, Nortel, Alcatel,
Bosch, Siemens) et des partenariats avec des prescripteurs, comme Steria, Cap
Gemini Ernst & Young ou Cofratel. « En 2001, nous avons vendu 283 plages
braille, dont 90 pour des postes de standard et d'accueil et une cinquantaine
pour des call centers (35 rien que pour la Macif, ndlr) », détaille Sylvain Van
Wassenhove.
Traduction en braille des icônes en ligne
Le travail de sociétés comme TechniBraille consiste à fabriquer et à adapter le
matériel et les couches logicielles afin de les rendre exploitables par des
déficients, non-voyants et malvoyants. Claviers, configuration des écrans,
softs : tous les éléments de l'informatique nécessitent des adaptations
spécifiques. En ce qui concerne l'interface CRM, l'approche de TechniBraille
consiste à épurer au maximum l'écran des niveaux d'informations périphériques
ou annexes afin de n'apporter au téléconseiller que les données utiles à
l'instant T et ne traduire en braille que les icônes véritablement utiles. « Un
aveugle ne peut pas lire plusieurs choses à la fois. Or, la petite horloge sur
l'écran ou le niveau de saturation de la file d'attente, il n'en a pas besoin
», souligne Sylvain Van Wassenhove. Pour ce qui est des logiciels de CRM ou
des CTI, la reconfiguration passe par l'adjonction d'une couche logicielle
permettant de traduire les données. Un travail dont la durée est fonction de
l'ampleur du projet et du parc. « Pour la Macif, il a fallu travailler une
année. Chez IMA, cela a demandé 80 jours, formation comprise », précise le
responsable commercial. Quant au hard, il se compose essentiellement de
terminaux bureautique braille. Un matériel pointu et cher. Sur le marché, il
faudra débourser entre 7 500 et 22 000 E pour un clavier bloc-notes. C'est là
que se trouve l'un des freins majeurs à l'insertion de déficients visuels au
sein des entreprises. Le coût. Or, les dépenses sont prises en charge par
l'Agefiph (voir encadré). Qui a d'autant plus les moyens de financer les
efforts consentis par les entreprises que la demande de celles-ci ne parvient
pas, aujourd'hui, à absorber les 152 ME collectés chaque année (voir encadré).
« Les chiffres montrent qu'un collaborateur handicapé qui gagnerait 1 500 euros
mensuels brut ne coûte rien à l'entreprise les quatre premiers mois », avance
Sylvain Van Wassenhove. Les grandes entreprises peuvent par ailleurs passer des
accords cadres trisannuels avec l'Agefiph. Elles sont 199 à l'avoir fait
aujourd'hui.
Le rôle de l'Agefiph
La loi du 10 juillet 1987 oblige les entreprises de plus de 20 salariés à consacrer au moins 6 % de leur masse salariale à des personnes handicapées. Faute de quoi, elles reversent une contribution à l'Agefiph, fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées. La somme ainsi collectée (152 millions d'euros par an) est reversée aux entreprises (privées exclusivement) au titre d'aide à l'insertion des personnes handicapées : embauche, maintien d'emploi, formation, création d'entreprise ou d'activité, équipement, remboursement du différentiel de prix des matériels adaptés...