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«La formation continue va être de plus en plus individualisée»

Dans le cadre de sa démarche qualité, l'Association française des centres de relation client (AFRC) a mis en place un Observatoire de la formation. Le point avec son responsable, Philippe Riveron, par ailleurs l'un des pionniers en France du e-learning à destination des centres de contacts.

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L'Observatoire de la formation de l'AFRC a été créé en janvier 2003. Un peu plus de deux ans après, quel est le bilan de cette initiative ?


Philippe Riveron : Notre première mission était de mieux connaître l'offre de formation existante. Et nous sommes heureux de publier, à l'occasion du SeCA 2005, le premier Guide des métiers et des formations. Qui comprend trois parties : une première consacrée à l'explication du marché de la relation client, suivie de fiches consacrées à neuf métiers décrivant leurs missions, les outils liés, les évolutions possibles, les conditions d'accès, les compétences et le comportement requis, leur rémunération. La troisième partie recense 120 formations proposées en France, classées par régions. C'est un outil qui était très demandé et qui va servir à la fois aux jeunes voulant entrer dans ce métier, aux demandeurs d'emploi, aux salariés mêmes des centres de contacts, dans une perspective d'évolution, aux responsables de formation... Nous allons en premier lieu le diffuser aux membres de l'AFRC et nous cherchons à monter des partenariats avec des structures publiques pour une diffusion plus large.

Comment se répartissent les 120 formations répertoriées ?


P. R : 80 % environ concernent les téléconseillers, 15 % les superviseurs, le reste étant consacré aux responsables, aux fonctions support... Ces formations sont présentes un peu partout en France, avec cependant des régions surreprésentées, telles que la Picardie, les Pays de Loire, le Centre... et d'autres sous-représentées, pour l'instant, telles que l'Alsace, la Bourgogne…

D'où émanent ces formations ?


P. R : A la fois de structures publiques et privées. Il existe un réseau qui marche très bien: celui de l'Afpa (Association nationale pour la formation des adultes, ndlr), qui est très présente sur ces professions. Et des structures privées qui bénéficient d'une volonté économique et politique de faire progresser ces emplois sur des territoires ; ce qui est, par exemple, typiquement le cas d'Amiens, qui dispose de plusieurs formations privées ou consulaires.

Si, quantitativement, l'offre existe, qu'en est-il qualitativement ? Ces formations répondent-elles bien aux besoins des entreprises ?


P. R : C'est la grande question. Il est vrai que l'on voit un peu de tout. Quand une entreprise va vers un organisme de formation, il faut qu'elle lui pose des questions assez classiques : “Combien de personnes ont été formées à ces métiers dans les deux dernières années ?”, “Existe-t-il des formateurs spécialisés sur ces métiers ayant eu une expérience en centre de contacts ?” Les programmes de formation se ressemblant, la différence se fait au niveau de l'expérience, de la compétence des formateurs et de l'équipement. Parce que, si l'on ne fait que du cours magistral, on a de grandes chances d'avoir de bons théoriciens mais très peu de praticiens. Or, nous sommes dans un métier très opérationnel et c'est avec la pratique que l'on acquiert une certaine aisance au téléphone et une expertise. Il faut donc avoir la capacité de faire des campagnes réelles telles que l'on peut en faire au sein des entreprises. Si les centres de formation n'ont pas cette capacité, un bon moyen de l'acquérir est de passer des partenariats avec des cen-tres de contacts, pour faire de l'alternance ou mettre en place des systèmes d'utilisation des plateaux lors de périodes creuses.

Votre première mission accomplie, vers où orientez-vous vos actions ?


P. R : Nous voulons mettre en place un “Référentiel”, pour valoriser les métiers et formations. Nous connaissons maintenant les diplômes émanant du ministère de l'Education ou de celui du Travail, et nous souhaitons aujourd'hui pouvoir les valoriser avec la création d'une co-labellisation ou d'une labellisation faite par l'AFRC. C'est notre projet “Campus”, sur 2005 - 2006, qui permettra à des professionnels de labelliser des formations. Avec pour but d'aller vers une filière d'excellence ; notre volonté étant d'améliorer, toujours, l'image de ce métier. Nous avons bien conscience que c'est par la qualité que l'on peut y arriver. C'est une démarche qui est en complète adéquation avec l'accord-cadre mis en place par le ministère du Travail.

A travers votre Observatoire avez-vous senti que les entreprises avaient pris conscience de l'importance de la formation en tant qu'élément clé de la qualité de leurs prestations ?


P. R : Oui. Tout le monde a pris conscience que nous sommes dans un métier dont le contexte est en pleine évolution. Il existe une diminution des tâches à faible valeur ajoutée. En raison de deux phénomènes : leur délocalisation et, sans doute le plus fort, leur remplacement par les nouvelles technologies : Internet ou les SVI, de mieux en mieux faits. Il existe donc un besoin de compétences nouvelles. Il n'est pas rare aujourd'hui, par exemple, de demander à des hot liners, qui avaient hier des compétences purement d'assistance, de réaliser des actes commerciaux. Ces deux phénomènes montrent que l'on a besoin aujourd'hui d'un plan de développement des compétences individuelles dans l'entreprise. Autre évolution intéressante : auparavant, on n'évaluait que des compétences orales ; désormais, il faut aussi évaluer des compétences écrites, en raison de l'e-mail. Ce qui est un vrai problème dans nombre d'entreprises car, quel que soit le niveau de diplôme, tout le monde fait à peu près le même nombre de fautes d'orthographe. Ces éléments de contexte vont amener au développement des compétences, donc à la formation. On va rechercher des gens ayant une pluricompétence, en termes de fidélisation et de vente, d'oral et d'écrit. Soit on les trouve après leur formation initiale, soit on les forme en entreprises à travers de vrais programmes.

Quels sont les secteurs qui vous paraissent les plus avancés en la matière ?


P. R : Tous ceux qui ont déjà une certaine maturité : les banques, les télécoms... Et les outsourceurs qui, pour des démarches commerciales, doivent démontrer leur capacité à faire évoluer les personnes. Ces démarches de formation sont prises en compte depuis environ quatre - cinq ans.

Ce qui n'empêche pas ces métiers d'avoir toujours une aussi mauvaise image ?


P. R : Il y a dix - quinze ans, la grande distribution avait aussi une très mauvaise image. Aujourd'hui, les diplômés d'écoles de commerce rêvent d'aller y travailler parce que c'est une formidable carte de visite et un complément à leur scolarité. Cela pourrait vraiment être la même chose pour les centres de contacts. Il existe des responsables d'équipe qui ont des compétences managériales, commerciales, de gestion de budget, de reporting... Pourquoi cette profession est-elle aussi mal vue, alors que c'est un superbe outil d'intégration et que les compétences peuvent évoluer ?

Là, vous évoquez les fonctions d'encadrement, mais pas la majorité des salariés de centres d'appels ?


P. R : Il est vrai que 80 % des employés sont des conseillers clientèle. Mais c'est un peu la même chose. Aujourd'hui, on est en train de prouver, dans la banque par exemple, que des gens qui ont commencé, ou sont passés, dans un centre de contacts sont aujourd'hui très demandés dans les agences. Parce qu'ils savent gérer des contacts à distance et prendre des rendez-vous.

En matière de formation, on parle beaucoup de “piqûres de rappel”. Qu'en est-il ?


P. R : Les formations initiales aux produits et services de l'entreprise, aux techniques d'entretien... durent entre une et trois semaines. Et l'on se rend compte, au bout de quelques mois, qu'il ne reste souvent de cette formation que les aspects techniques sur les produits et services, que la bonne manipulation des outils informatiques... et qu'il existe des choses à revoir au niveau des compétences de langage, d'expression, de communication... C'est là qu'entre en jeu la formation continue, qui a un rôle très important dans la qualité des centres.

Est-ce là qu'interviennent les techniques d'e-learning ?


P. R : Précisément. Il y a beaucoup de formation continue en présentiel. Mais, quand vous formez dix personnes en même temps, soit vous les remplacez, soit vous baissez votre qualité de service. Si on y ajoute les 35 heures, l'absentéisme, des rythmes de travail de plus en plus aléatoires..., il devient très compliqué d'avoir une vraie souplesse dans la durée de formation. Avec le e-learning, on trouve une réelle souplesse, en choisissant les creux d'activité. On peut aussi individualiser la formation par rapport à des besoins réels, détectés par le superviseur, et maîtriser le rythme, qui n'est plus celui du formateur ou du moins bon stagiaire, mais celui du clic de la souris. En fait, le e-learning est complémentaire du présentiel. Il le renforce parce qu'il l'optimise.

Quelles sont les entreprises qui ont adopté ce type de formation ?


P. R : Celles qui ont commencé, ce sont les banques, les télécoms et les outsourceurs, qui ont bien compris que c'était à la fois un moyen d'optimiser le temps de travail de leurs collaborateurs et de réaliser des économies financières, puisque les coûts sont en moyenne de 30 % inférieurs à ceux des méthodes traditionnelles. Aux Etats-Unis, le e-learning représente aujourd'hui 50 % des budgets de formation, en général, contre 5 à 10 % en France. Il existe donc une belle marge de progression. En 2005, le e-learning a reçu un coup de pouce avec la mise en place du “DIF”, dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle.

Que va apporter ce Droit individuel à la formation aux centres de contacts ?


P. R : Le DIF, c'est un système qui permet, 20 heures par an, à un collaborateur de se former - pendant ses heures de travail ou en dehors, dans l'entreprise ou chez lui - sur des sujets qui l'intéressent ; les plus demandés étant aujourd'hui la bureautique et les langues. Ce qui va permettre aux salariés des centres d'avoir des compétences complémentaires, puis de demander des évolutions de carrière ou d'aller vers un autre type de métier. Les entreprises ont deux choses à faire : effectuer une comptabilité des heures du compte DIF et réaliser un catalogue de formation interne, “spécial DIF”, qui permettra de contrôler la qualité, le lieu et le coût.

Qu'en est-il de l'un des autres aspects de la réforme : la VAE, validation des acquis de l'expérience ?


P. R : Son principe est qu'un certain nombre d'années d'expérience dans le monde professionnel équivalent à un diplôme. Ce qui permet à des personnes qui se sont lancées très tôt dans la vie professionnelle - ce qui est souvent le cas dans les centres d'appels - d'obtenir un diplôme. Pour les entreprises, c'est l'accompagnement de la personne vers une VAE qui va être important. Une fois un diplôme choisi, il existe deux méthodes. S'il s'agit d'un diplôme de l'Education nationale, le salarié doit remplir un dossier qui sera soumis à un jury ; si c'est un diplôme du ministère du Travail, il y a un dossier et une simulation. Pour les conseillers clientèle, nous sommes plutôt favorables à cette deuxième manière d'évaluer. Mais aujourd'hui, on en est au démarrage. Il faut se mettre en ordre de marche.

Quelles sont les autres pistes d'avenir concernant la formation dans les centres de contacts ?


P. R : Aujourd'hui, les contenus vont évoluer pour s'adapter à des besoins de compétences plus expertes, à la fois au niveau commercial et technique. Et il est certain que la formation va être de plus en plus individualisée. Pour la formation initiale, on se dirige vers des diplômes et des certificats de plus en plus adaptés. Actuellement, il existe trois diplômes pour les conseillers clientèle : un certificat de l'Afpa, une mention complémentaire bac + 1 et un BTS. On va assister à la création d'autres diplômes, et ce, sur toutes les strates : superviseur, pour lequel il existe déjà la licence professionnelle, management, pour lequel existent déjà des Mastères... Quant aux contenus, ils vont aussi évoluer. L'e-mail, par exemple, est un nouvel outil qui n'a pas encore été travaillé en formation initiale. Les technologies vont modifier la formation : chat, SMS... et demain, la possibilité de voir son interlocuteur. Ce ne sera plus vraiment de la “distance”, mais un mix de face à face et de distance.

Biographie


Philippe Riveron 32 ans. Etudes supérieures de commerce à Paris et aux Etats-Unis. Débute sa carrière chez Phone Permanence (groupe Atos) en 1997 où il devient responsable de production. Rejoint en 1998 Kertel (groupe PPR) en tant que responsable de la relation client. Cofondateur fin 2001 de Tutor Online. Fondateur en 2004 de Learning CRM. Vice-président de l'AFRC, en charge de l'Observatoire de la formation. Professeur de management au groupe Sup de Co Amiens - Picardie.

Learning CRM


Société de conseil et formation. Trois pôles d'activité : consulting, formation management et formation à distance (e-learning). A conçu la première offre en France de e-learning pour les centres de contacts. Catalogue de plus de 100 heures de formation, réalisé en partenariat avec SupMediacom, avec tutorat à distance personnalisé.

François Rouffiac

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