Paroles de conseillers & de managers – Bernard
« L’IA permet de se concentrer sur l’interaction avec le client. » Sébastien GREBERT, Responsable Relation Clients chez Bernard
Les interviews croisées sont réalisées dans le but de mieux connaitre les acteurs de la relation client chez les entreprises Élu Service Client de l’Année 2025. Aujourd’hui, place à Bernard, récompensée dans la catégorie Fournitures et équipements pour l’entreprise.
Sur les promesses de l’IA par rapport à votre quotidien de conseiller(e), quel était votre a priori et finalement, quelle est votre réalité ?
Nadia BOLCAEN : Notre a priori au départ était que l’IA et toutes les évolutions de l’informatique allaient remplacer les conseillers téléphoniques, et que ce métier allait disparaître. La réalité est tout autre, puisque grâce au traitement automatique des commandes électroniques, les conseillers sont plus concentrés sur la satisfaction du client. L’I.A. est beaucoup plus rapide sur les tâches fastidieuses. Il y a toujours des actions que l’ordinateur ne pourra pas faire, car la relation client a besoin d’empathie. De plus, les formulations et questions complexes nécessitent une interprétation. Ces qualités sont du ressort du conseiller.
IA pour fliquer, IA pour aider. Entre ange et démon, c’est quoi l’expérience de l’IA dans votre métier ?
Sébastien GREBERT : Ma première réaction face à l’IA date des premiers chatbots dont certains sont toujours actifs et utilisés. J’avoue que mon sentiment était au moins dubitatif. Ensuite, comme utilisateur, vient la frustration de ne pas être compris ni correctement assisté. Notre mission est de servir et de fidéliser nos clients, pas de le modéliser. D’où l’importance de l’échange humain qui peut interpréter la question et tenir compte d’un contexte. Les progrès récents m’obligent à réfléchir et examiner soigneusement les forces et les aides que l’IA va apporter à notre métier. Loin de déshumaniser notre activité, l’IA permet de se concentrer sur l’interaction avec le client, personnaliser la prise en charge, se focaliser sur l’écoute qu’il mérite et le soin de la réponse à lui apporter. En facilitant la reconnaissance du client qui nous contacte, en le dirigeant vers le conseiller pertinent pour solutionner sa problématique, l’expérience client sera améliorée, fluidifiée et optimale. Nos conseillères et conseillers vont pouvoir se concentrer davantage sur des tâches à valeur ajoutée, gagner du temps pour identifier la ou les réponses/informations appropriées. Cela permettra d’apporter la meilleure expérience client possible. Pour le moment, nous n’avons pas forcément l’impression d’être opérationnellement avec l’IA au quotidien. L’IA est loin d’être aussi chaleureuse, empathique et compréhensive que les humains qui composent nos équipes, nous sommes encore loin de Shyrka, l’IA de l’Odysseus dans l’animé « Ulysse 31 », pour les geeks de ma génération. Nous devons dans un premier temps, nous investir dans la création d’outils assistés par l’IA afin de l’utiliser comme aide pour nos conseillers, tout en garantissant des usages éthiques et bienveillants. La formation et l’accompagnement de nos équipes seront le second pivot d’une réussite d’intégration de l’IA dans notre quotidien.
Depuis que vous exercez ce métier, la perception de votre entourage sur vos missions, vos enjeux, vos défis, a-t-elle évolué et si oui, comment ?
NB : Notre entourage n’a pas conscience de ce qu’est réellement le métier de conseiller ni de la façon dont il a évolué au fil des décennies. Les améliorations techniques permettent d’être plus dans le contact, dans la relation client. Au démarrage de la vente à distance, il s’agissait principalement de prendre des appels et de saisir des commandes. Face à une concurrence croissante, il faut accueillir le client de la meilleure façon possible, lui proposer une gamme de plus en plus large (que nous devons connaître !), le conseiller, négocier les tarifs, suivre son dossier, et veiller à sa satisfaction complète pour le fidéliser. Dans ce nouveau cadre, l’avis des conseillers compte plus qu’auparavant au sein de l’entreprise.
Des idées reçues sur les clients, vous en aviez ? Vous en avez encore ?
S : Plus jeune, j’ai pu penser que « le temps investi dans la relation avec nos clients doit être en relation avec le chiffre d'affaires généré ». En plus d’être erronée, cette idée a vite été balayée par la réalité. Bien que nos clients professionnels soient plus enclins à comprendre que tout ne se passe pas dans l’idéal dans la « vraie » vie, ils n’en restent pas moins exigeants lors des échanges que nous pouvons avoir avec eux. Nous nous efforçons de les satisfaire à chaque étape : la qualité de nos conseils, l'exactitude de nos devis, la rapidité d'expédition et la bonne réception de la commande. L’idée reçue que je garde en tête parce qu’elle est correcte dans la majorité des cas, c’est que « La résolution qualitative des insatisfactions & litiges est un puissant vecteur de fidélisation ». Quelle victoire pour nos conseillères et conseillers de finir un échange client avec un grand sourire et des remerciements, quand l’appel a commencé au mieux par des remontrances et une manifestation de mécontentement bruyante (souvent justifiée !). Le client est « roi » : on l’entend souvent surtout dans la bouche de clients. Si chaque client peut légitimement attendre d’être traité « comme un roi », son comportement et ses demandes doivent rester à un cadre respectueux et réaliste.
À votre avis, quelle idée reçue sur les métiers de la relation client sera encore présente dans 10 ans et quelle sera celle qui aura définitivement disparue ?
NB : Avec la situation économique actuelle, l’idée reçue que les plateaux téléphoniques sont installés à l’étranger va se renforcer. Peu d’idées reçues vont disparaître dans les 10 ans à venir, sauf peut-être : « Les téléconseillers ne savent que prendre des commandes, car la majorité des commandes arriveront via Internet. ». Le terme même de « téléconseiller » est désormais inadapté à la réalité de notre métier et participe aux idées reçues sur le métier. Le nom devrait désormais être : ASSISTANT COMMERCIAL ET ADMINISTRATIF, cela donnerait une image précise de l’ensemble de nos tâches.
Manager dans 15 ans ? Ce sera quoi la meilleure et la pire des idées reçues sur la relation client ?
S : La pire : L’IA aura remplacé l’humain dans les services de relation clients. Elle suggère qu’au mieux l’émotion humaine et la prise en compte du contexte pourraient être remplacée par celle des machines, voire qu’elles ne sont pas nécessaires dans une relation commerciale. Elle suppose également une déshumanisation totale de la relation client et néglige l'importance de l'empathie, de la compréhension contextuelle et de la créativité humaine dans la résolution de problèmes complexes et la gestion de situations délicates et conflictuelles. La meilleure : les intelligences ont « fusionné » ! L’intelligence artificielle au service de l’intelligence humaine est très séduisante. Déchargés des tâches automatisables et sans valeur ajoutée, les conseillères et conseillers pourront se consacrer à l’expérience client et à l’amélioration continue de nos processus. Le manager pourra facilement détecter les besoins et les solutions pour former et monter en compétence nos collaborateurs/trices.
Merci à Nadia BOLCAEN et Sébastien pour leur témoignage.