[Tribune] Grand angle : comment la Chine ouvre la voie au commerce social
Devenant rapidement la nouvelle norme en Chine pour les marques et les spécialistes du marketing, le commerce social fait du shopping une expérience sociale en un clic. Plongée dans les archétypes du commerce social en Chine et les meilleures pratiques marketing et commerciales.
Pionnier dans le domaine du commerce social depuis des années, le marché chinois continue de s'accélérer, puisque 363 milliards de dollars de ventes sont attendus d'ici la fin de l'année, selon un rapport signé Emarketer. Mais à quoi ressemble l'anatomie du commerce social? En fait, le commerce social évolue autour du contenu, du retail et du partage, pour faire du shopping une expérience sociale tout-en-un visant à découvrir, rechercher et acheter des produits en ligne.
La collaboration avec les influenceurs et le liveshopping, les moteurs pour le content social commerce
En Chine, les marques qui s'associent à des groupes d'influenceurs pour créer du contenu original reste une tendance forte. Ses collaborations vont jusqu'à faire participer les influenceurs à la conception des produits. Mais cela ne s'arrête pas là. Le phénomène du livestreaming est en train d'exploser dans l'Empire du Milieu, en réinventant le téléachat pour les jeunes générations.
Les jeunes consommateurs chinois sont en effet fortement dépendants des influenceurs. La culture du créateur y est très forte dans le pays: les influenceurs proposent des séries de contenus impactants pour créer le bouche-à-oreille social. Une aubaine pour les entreprises qui s'associent à un portefeuille d'influenceurs, des méga-leaders d'opinion (KOL) aux nano-créateurs, pour développer la notoriété de leur marque et favoriser le buzz sur les réseaux sociaux.
C'est le cas de la marque de lingerie chinoise Neiwai, qui a annoncé en avril dernier sa collaboration avec le méga KOL de la mode @SavisLook, lequel compte plus de 4 millions de followers sur les réseaux Weibo et RED. Cette collaboration présente une collection de vacances comprenant des robes, de la lingerie et des accessoires, visant à offrir aux consommateurs une "normalité alternative" en période de pandémie. Savis Look a participé à l'ensemble du processus de production, de la conception au tournage. La collection a été vendue très rapidement après sa mise en ligne.
Quant au livestreaming, c'est un modèle en plein essor, qui représentera 15 milliards de dollars d'ici à 2023, avec une croissance annuelle de 12%, selon le rapport réalisé par EqualOcean. Il permet à presque tout le monde, des KOC (key opinion consumers) aux célébrités, de vendre des produits via des plateformes de streaming vidéo.
Le liveshopping offre ainsi une expérience interactive aux consommateurs à partir de laquelle ils peuvent voir des démonstrations des produits et poser des questions en temps réel. En décembre 2020, le livestreaming en Chine a atteint une audience impressionnante de 617 millions d'utilisateurs, selon le 47e rapport statistique sur le développement d'Internet en Chine. L'été dernier, la grande marque de luxe Piaget s'est associée au livestreamer Austin Li et a atteint un tiers de ses ventes annuelles en une heure avec plus de 4 millions de vues, 6 millions d'engagements et 1021 diamants vendus!
Mais la créativité dans le contenu social va encore plus loin, avec des collaborations en propriété intellectuelle entre les marques pour créer de l'excitation sociale. Des marques de luxe et de beauté comme Louis Vuitton, Gucci, Givenchy et M.A.C capitalisent déjà sur l'engouement pour l'e-sport et les jeux vidéo pour cibler les consommateurs de la génération Z avec de nouvelles expériences. Récemment, Huaxizi, une marque de produits de beauté chinoise, a collaboré avec le célèbre jeu en ligne Jianwang3 pour lancer un rouge à lèvres designé sur mesure pendant la Saint-Valentin chinoise. Huaxizi a invité plusieurs influenceurs pour créer des looks dans différents clans du jeu. Ils ont aussi conjointement lancé une campagne pour encourager les consommateurs à partager des looks de maquillage traditionnel chinois. La campagne a obtenu plus de 70 millions de vues et 25 mille discussions sur Weibo et a créé un énorme buzz sur les canaux Weibo, RED et Douyin (le TikTok chinois).
Retailtainment & trafic privé, le futur présent du commerce social
Avec près de 1,2 milliard d'utilisateurs mensuels actifs, WeChat est devenue la principale plateforme de commerce social. La super app investit massivement dans ses ambitions d'e-commerce avec les mini-programmes pour attirer une myriade de marques, ce qui disrupte et remodèle le paysage de l'e-commerce et du retail. Burberry est un parfait exemple de ce nouveau "retailtainment" du futur et s'est allié avec Tencent pour alimenter son premier magasin social dans le centre commercial de Shenzhen. Connecté aux mondes sociaux dans une expérience numériquement immersive, les clients peuvent débloquer des contenus exclusifs dans une expérience phygitale personnalisée, et les partager avec leurs communautés grâce à un mini-programme WeChat dédié.
En Chine, les ventes e-commerce via les grandes plateformes représentent généralement la majorité des ventes e-commerce des marques, là où les ventes directes en ligne sans intermédiaire peinent à s'imposer. Cette situation a forcé les marques à réagir, donnant naissance à une nouvelle forme de commerce visant à générer un trafic privé. Elles s'appuient sur les technologies de QR codes et des mini-programmes pour transformer n'importe quel canal en boutique en ligne. Plus important encore, cela leur permet d'effectuer des transactions directement avec des communautés privées de clients, le plus souvent au sein de groupes WeChat, en contournant les géants chinois. Le trafic privé permet d'être moins dépendant des grandes plateformes, réduit les coûts d'achat médias et améliore les taux de conversion.
Lire aussi : Forrester dévoile ses prédictions 2025 sur le marketing, le retail, le CX, l'e-commerce...
L'ascension miraculeuse de Pinduoduo avec le modèle de partage social
Outre le contenu et le commerce social largement adoptés par les marques et les influenceurs, une autre tendance permet d'illustrer l'évolution des usages en Chine: le commerce de partage social qui, comme son nom l'indique, fonctionne uniquement avec le partage des utilisateurs sur les réseaux sociaux. Et Pinduoduo, qui a dépassé Alibaba en mars dernier concernant le nombre de ses utilisateurs actifs annuels, a ouvert la voie à ce nouveau modèle. La plateforme encourage les utilisateurs à partager des produits avec leurs amis et leur famille sur WeChat afin d'obtenir des remises importantes en groupe. Avec ce puissant modèle consumer-to-manufacturer (CtoM), le coût d'acquisition d'un client sur cette plateforme est beaucoup plus faible que celui d'autres plateformes de commerce social.
Dans la nouvelle normalité créée par la pandémie mondiale, les marques expérimentent le commerce social comme une solution d'avenir. Le shoptainment va devenir le futur du shopping en Chine pour les jeunes générations. Les marques qui sont capables de pivoter et de s'adapter aux nouvelles technologies et plateformes auront plus de chances de survivre et de prospérer dans ce contexte numérique, en offrant une expérience immersive et fluide du divertissement, du commerce et du contenu.
L'auteur
Lea Wang a rejoint Fabernovel Chine en tant que strategist marketing, experte des stratégies d'entrée et d'accélération de marchés. Avant de rejoindre Fabernovel, Lea a travaillé chez Fred & Farid, Publicis Groupe et Accenture Interactive avec des expertises clés dans le domaine du commerce social, menant une pléthore de projets avec des clients du luxe, de la mode et de la beauté pour stimuler la croissance des marques.
Sur le même thème
Voir tous les articles Veille & Tribune