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Entre tech et tradition, le luxe réinvente les codes de sa relation client

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Entre tech et tradition, le luxe réinvente les codes de sa relation client

Dior, Estée Lauder ou Burberry ont lancé des chatbots sur Facebook Messenger pour permettre le visionnage des défilés, l'achat de produits et les interactions conversationnelles, rappelle l'agence Kassius. Attention toutefois à ne pas frustrer ou décevoir les clients! "Il faut bien mesurer jusqu'où chaque marque peut aller avec ces systèmes, prévient Audrey Kabla. Certains secteurs sont plus imperméables que d'autres. La décélération de l'horlogerie suisse depuis deux ans est liée à la conjoncture asiatique et à une rébellion face à la digitalisation complète de la relation client." Pour Catherine Michaud, "beaucoup d'innovations restent des tests pour vérifier la pertinence aux besoins des clients dans leur parcours d'achat. Dans le luxe, le digital est surtout intéressant dans sa fonction de drive-to-store ou après l'achat."

Le premium adopte aussi les codes du luxe

"Beaucoup d'innovations restent des tests pour vérifier la pertinence aux besoins des clients dans leur parcours d'achat. Dans le luxe, le digital est surtout intéressant dans sa fonction de drive-to-store ou après l'achat"
Catherine Michaud, Integer France

Pour choyer leur clientèle la plus VIP, beaucoup de marques premium s'approprient, elles aussi, les codes du luxe. Le Cercle Parnasse d'Orange répond aux besoins de clients entrepreneurs et professions libérales, grands voyageurs habitués aux standards du luxe. Cette marque sélective, qui se positionne en éclaireur de la relation client du groupe, met à leur disposition un coach épaulé par une équipe d'experts et de techniciens qui peut intervenir à domicile ou à distance 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, et proposer des forfaits exclusifs adaptés à leurs besoins.

"Nous cherchons toujours à marier l'expérience digitale d'Amazon et l'excellence de la relation client des palaces. Cette prise en charge humaine répond à une promesse de simplicité. Le numérique facilite le quotidien de nos membres et est un gage de leur productivité, mais il leur complique la vie en cas de blocage de code, de perte de mobile ou de données, ou tout simplement lors du paramétrage d'un nouveau smartphone", détaille Niva Sintès, directrice de Parnasse. Le coach sauve bien des situations! Il répond présent même s'il faut se rendre à l'aéroport pour remplacer, entre deux avions, un portable égaré. Les équipes s'adaptent aux nouvelles attentes des membres, notamment sur les questions de cybersécurité, d'autant plus critiques que les membres voyagent beaucoup et peuvent se trouver exposés à différents types de vulnérabilités sur leurs outils personnels et professionnels, mais aussi en matière de domotique. La vie de Cercle a pris beaucoup d'importance au fil des ans. "Certains en profitent pour faire du net­working. D'autres sont là pour profiter d'un moment magique autour d'une balade culturelle, d'un événement musical... Nous sommes toujours dans une forme d'intimité avec les membres. Les propositions très personnalisées que nous leur offrons remontent souvent via le coach", ajoute-t-elle.

L'attention portée aux membres de myAudi, à la fois plateforme technique pour les clients et programme relationnel de la marque, fait écho à l'approche du constructeur automobile sur l'assemblage des matériaux et les finitions. "Nos clients achètent nos voitures pour la qualité de leur fabrication, mais ils embrassent aussi un univers de marque complet qui se retrouve dans notre relation client", atteste Jean-Bernard Piron, directeur marketing d'Audi France. Lors de moments choisis, la marque propose aux 500000 inscrits à myAudi de prendre part à des événements sportifs à la montagne ou sur des circuits automobiles, d'assister à des spectacles en avant-première suivis d'un dîner avec les acteurs... "Nous voulons que nos clients ou prospects se retrouvent entre eux pour vivre ces moments exceptionnels. La présence de représentants du comité de direction permet de les nourrir avec des anecdotes et des informations exclusives. Lors des échanges, beaucoup d'informations remontent sur les expériences positives ou négatives avec la marque, sur la manière dont ils vivent la mobilité et dont ils interagissent avec leur voiture", poursuit-il. Audi peut ainsi continuer à travailler la préférence de marque et à faire évoluer son offre. C'est en portant la plus grande attention à l'humain que la marque allemande entend ne pas faire mentir son slogan qui vante "l'avance par la technologie".

Interview: Élodie de Boissieu, directrice de l'École internationale du marketing du luxe Paris (EIML) et codirectrice du club Luxe de l'Adetem

Comment évoluent les profils des conseillers de vente dans le luxe?
Les marques de luxe sont de plus en plus exigeantes et recrutent des conseillers clientèle avec des profils très élaborés. Elles attendent une expression écrite digne d'hypokhâgne, une excellente culture générale, un savoir-vivre exemplaire, une connaissance des produits presque aussi poussée que celle d'un artisan... On commence à voir des conseillers attitrés à un client, qui peuvent ainsi créer une relation privilégiée. Alors que tout s'accélère sur le Web, les clients qui viennent en boutique ont plus de temps à consacrer à la marque. De nouveaux objectifs sont parfois fixés aux conseillers de vente, qui doivent par exemple contacter leurs clients pour leur proposer de les rencontrer dans un salon de vente, de partager un temps de discussion, de leur faire rencontrer le directeur artistique de la marque... À la fin de cette rencontre, ils ne leur demandent rien. La qualité de l'expérience en point de vente et la fidélisation deviennent des paramètres prioritaires. La vente pourra toujours se faire à un autre moment ou sur un autre canal. Quand la réservation d'un produit se fait sur le Web, les marques peuvent proposer au client un créneau pour venir le chercher en magasin au moment de leur choix.

Cette nouvelle relation avec le client implique-t-elle de créer de nouveaux métiers?
On voit arriver des visual merchandisers, qui mettent en situation les produits en boutique. Par rapport aux anciens étalagistes, ils disposent d'outils numériques pour créer des vitrines et des animations en magasin. Ils doivent trouver une actualité pour la marque et la mettre en scène, monter des collections artistiques, concevoir des pop-up stores pour étonner et émouvoir le client... À l'EIML, nous réfléchissons à ce que pourrait être leur équivalent sur le Web avec une fonction de " netchandiser ", qui générerait du trafic sur le site de la marque. Il n'y a pas encore de formation sur le sujet, mais on doit pouvoir retrouver sur le Web ce qui existe dans le réseau physique, surtout si 15 à 25% du chiffre d'affaires des marques de luxe doit se faire sur le Web. La cohérence sur le client omnicanal n'existe pas suffisamment alors qu'il consomme plus que le client monocanal.

Christine Monfort

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