Vers la fin des standards ?
D'un constructeur à l'autre, les ordinateurs PC se ressemblent. Dans les centres d'appels, la différence se joue sur les périphériques, comme les moniteurs de grande taille pour le confort visuel des opérateurs. Les écrans plats ont fait leur apparition. Et une nouvelle architecture informatique, basée sur des postes clients légers, se fait jour. Peut-être une mutation en perspective.
Des postes PC pour les opérateurs aux serveurs des bases de données et de
téléphonie, les ordinateurs sont omniprésents dans les centres d'appels.
L'informatique est désormais standardisée et banalisée. Pour les ordinateurs PC
c'est le cas depuis longtemps, pour les serveurs le phénomène est relativement
plus récent. Comment, sur quels critères choisir son équipement informatique
dans une panoplie parfaitement uniformisée, proposée par les constructeurs de
grande notoriété et les autres ? Les serveurs des grandes marques possèdent
encore quelques caractéristiques particulières, notamment en matière de
sécurité de fonctionnement et de duplication des principaux éléments. Mais,
pour la plupart des PC, la différence se fait essentiellement sur les
conditions commerciales négociées dans le cadre des contrats longue durée entre
l'entreprise et le constructeur. Max Cointe, directeur des activités
interaction clients plurimédia chez l'intégrateur Communication et Systèmes,
explique sa démarche lors du choix de l'équipement informatique pour un centre
de contacts : « Pour le choix des postes des opérateurs, tant qu'il s'agit d'un
poste client banalisé dont le fonctionnement n'est pas critique pour le centre,
deux cas de figure se présentent. L'entreprise peut être déjà, en partie,
équipée avec des postes PC et avoir un contrat de longue durée avec un
constructeur informatique qui lui offre des conditions d'achat privilégiées.
Dans ce cas, nous élaborons un questionnaire technique de qualification de
poste, pour le parc existant et celui à acquérir : la capacité des machines
d'accueillir une carte de téléphonie, une carte son, la présence des drivers
adéquats. Deuxième cas de figure, l'entreprise signe un accord global avec
l'intégrateur pour l'équipement de son centre d'appels. Alors, nous allons lui
proposer quelques configurations que nous avons déjà choisies dans les gammes
d'IBM, de Compaq et de Hewlett Packard. »
LE QUALITATIF COMME CRITÈRE DISCRIMINANT
IBM et Compaq ont aussi la particularité de
développer une approche métier pour la gestion de la relation clients.
Contrairement aux postes de travail bureautiques dans les entreprises, « les
ordinateurs dans un centre d'appels sont soumis à un usage intensif. Il faut
choisir des postes haut de gamme, de grandes marques », observe Didier Suzanne,
directeur des programmes Centres d'appels et Gestion de la relation clients
chez l'intégrateur Unisys au moment de l'enquête et désormais associé au sein
de la CRM agency Win-More. « L'environnement d'un centre d'appels sur Internet,
avec la transmission de la voix sur IP, impose l'équipement des postes avec une
carte son de base et un casque, poursuit Christophe Dandois, ingénieur
d'interaction multimédia chez Communication et Systèmes. En revanche, les
paramètres de la carte son n'ont pas une grande influence sur la qualité de la
restitution sonore car c'est le réseau lui-même qui est responsable de la
qualité du son en fonction du débit disponible. L'architecture du centre
d'appels en client-serveur ne requiert aucun composant spécifique à la
téléphonie sur les postes clients. »
PRIX D'UN ÉCRAN : ENTRE 1 000 ET 8 000 FRANCS
Différents critères interviennent dans la
sélection des moniteurs. « La taille de l'écran dans les centres de contacts
varie entre 15 et 21 pouces suivant le nombre de fenêtres et d'informations
qu'il faut rendre disponibles en même temps, indique François Hugues,
responsable marketing pour les activités de gestion de la relation client chez
Compaq. Le budget ici est un critère important car le prix d'achat d'un écran
varie entre 1 000 et 8 000 francs, suivant la taille et les performances. »
Dans certains cas, comme les salles des marchés pour la bourse en ligne, le
poste sera équipé avec deux, voire quatre écrans à la fois, pour que
l'opérateur puisse visualiser simultanément un grand nombre d'informations en
temps réel, sans avoir à ouvrir des fenêtres l'une après l'autre La souris de
l'opérateur glisse d'un écran à l'autre. Le coût d'un poste PC avec quatre
écrans plats et une carte graphique spécifique atteint facilement 40 000 à 50
000 francs - encore que ce genre de configuration reste exceptionnelle. Le coût
moyen tourne entre 5 500 et 12 000 francs pour un poste avec la puissance du
processeur comprise entre 500 et 800 MHz, ce qui est largement suffisant pour
un centre de contacts. Point commun de tous les postes des opérateurs : ils
tourneront avec un système d'exploitation Windows 95, 98 ou NT. Une exception
tout de même : « On trouve quelquefois, bien que rarement, des postes sous OS 2
», selon Christophe Dandois. Pour sécuriser le parc des PC dans le centre de
contacts, on fait appel aux services dits "d'administration à distance",
réalisés avec un logiciel embarqué dans le PC, comme dans la gamme Deskpro chez
Compaq. Ces fonctionnalités informatiques permettent de contrôler à distance le
fonctionnement d'un ou plusieurs ordinateurs reliés en réseau, à partir du
poste du responsable des systèmes d'information. Le contrôle régulier de la
température du processeur, de la vitesse du disque dur et des ventilateurs
internes, ainsi que de quelques autres paramètres, permet de prédire les pannes
matérielles sur les postes et de sauvegarder les données avant que le malheur
n'arrive. Ces mêmes fonctionnalités d'administration permettent de reconfigurer
rapidement des machines à distance avec un profil standard, en chargeant des
applications et des droits d'accès préenregistrés sur le réseau. L'opération
prend alors entre 15 et 30 minutes. Une fonction bien utile quand il s'agit de
remplacer un PC en panne, ou bien de changer les tâches d'un groupe de travail.
Autre précaution utile : avoir toujours quelques postes en réserve. Cinq ou dix
machines suffisent, voire moins pour un centre de petite taille. « Garder un ou
deux pour cent des postes en réserve permet de les rendre interchangeables,
estime Sten Le Quellec, ingénieur d'affaires chez IBM Global Services. Grâce à
une plate-forme de chargement, on les transformera en postes configurés pour le
centre d'appels, pour l'agence, pour la bureautique, ou encore pour un métier
spécifique à l'entreprise. » En cas de panne, Compaq propose une maintenance
sous quatre heures, par le constructeur lui-même ou par des prestataires tiers.
Cette maintenance peut aller au-delà des réparations et comprendre notamment
des visites préventives sur le site. IBM inclut l'échange standard dans les
contrats de services associés à la location des postes. Le serveur est la
partie cruciale du système informatique dans un centre de contacts. « Un gros
serveur à tolérance de panne qui assure la disponibilité des bases de données
vingt-quatre heures sur vingt-quatre, est une composante très importante,
confirme François Hugues. Les bases de données deviennent des points de
contention, car beaucoup d'applications de l'entreprise s'y référent. »
CTI : PUISSANCE AVANT TOUT
« Pour les serveurs qui
hébergent le CTI et d'autres applications critiques, on choisira des PC
puissants, tournant sous Windows NT ou sous Unix », poursuit Christophe
Dandois. Selon lui, « la marque de la machine importe alors peu, la différence
se jouant sur la configuration et la puissance disponible ». On notera
d'ailleurs que les serveurs sont fabriqués essentiellement par les grandes
marques de l'informatique. Typiquement, ce sera un ordinateur avec un
processeur Pentium III, à 450 MHz et plus, doté de 128 ou 256 méga-octets de
mémoire RAM. Cette grande quantité de mémoire est importante pour le traitement
de la base de données, car les applications comme celle de Genesys exigent un
minimum de 128 Mo de RAM. Les exigences pour le disque dur sont moins strictes
: « Un serveur TAPI de Microsoft demande quelques dizaines de méga-octets sur
le disque dur. Celui de Genesys est plus gourmand car il héberge la base de
données avec l'ensemble des configurations pour les produits de cet éditeur
utilisés dans le centre. La taille qu'il occupe sur le disque dur dépend aussi
du nombre de postes d'agents. Ce produit demande quelques centaines de
méga-octets. Globalement un disque dur installé d'origine sur le PC, d'une
taille d'une dizaine de giga-octets, est suffisant ». Dans un grand centre
d'appels, un serveur de production sera sécurisé par un autre serveur dit "de
back-up." « Le choix du système d'exploitation pour le serveur dépend beaucoup
de la culture d'entreprise, continue Christophe Dandois. Les compagnies des
télécoms font souvent appel à des systèmes sous Unix, y compris dans la
téléphonie mobile. Si le serveur sous Unix déjà présent dans l'entreprise n'est
pas trop surchargé, le centre d'appels peut se greffer dessus. Les banques
utilisent parfois des systèmes propriétaires, qui commencent à dater. Les
compagnies d'assurances privilégient des postes sous Windows. Dans le domaine
des services, on pourra profiter des réseaux LAN ou WAN qui relient une
structure multisite pour le transfert des données. »
CLIENT-SERVEUR CONTRE ARCHITECTURE "TROIS TIERS"
L'équipement et l'architecture
informatique des centres de contacts sont-ils figés pour toujours, ou bien
peuvent-ils évoluer ? Les centres sont aujourd'hui organisés selon une
architecture client-serveur. Largement répandue dans les entreprises, cette
configuration n'est pas la seule possible. Explications de François Hugues : «
Avec le mode client-serveur dans un centre d'appels, les applications
logicielles sont chargées sur chaque poste de travail et les données hébergées
sur un serveur en réseau. Les études montrent qu'une architecture différente
pourrait faire diminuer les coûts d'entretien d'une configuration informatique.
Il s'agit de l'architecture dite "trois tiers", où l'informatique est composée
de trois unités séparées - le serveur des applications, le serveur des données
et le poste de travail. Les applications ne sont plus installées sur chaque
poste, mais centralisées sur un serveur spécifique. Chaque poste de travail
allumé et connecté au réseau permet d'accéder à toutes les données et
applications dont l'opérateur à besoin, bureautiques ou progiciels spécifiques,
sans les charger sur sa machine - un fonctionnement qui rappelle un peu celui
d'Internet. Cette architecture présente l'avantage des exigences restreintes
envers le poste de travail qui ne sert en fait que d'afficheur par rapport à
l'application distante. Inutile d'y mettre de la puissance informatique, ni des
logiciels avec des licences coûteuses. Un simple navigateur suffira. » Selon
les études du cabinet Gartner, l'architecture basée sur des clients légers
permet de réduire de 35 % environ le coût total de possession d'un poste, qui
s'élève aujourd'hui à 50 000 - 70 000 francs par an, d'après la même source.
Les centres d'appels sont souvent cités comme un environnement privilégié pour
le développement de cette architecture. Il est vrai que le poste client léger
dégage peu de chaleur, il est dépourvu de ventilateur et ne génère pas de bruit
en fonctionnement. Et d'un autre côté, les centres de contacts gèrent souvent
des parcs importants des PC, or les économies réalisées ont tendance à
augmenter avec la taille du parc informatique.
EN CAS DE PANNE...
Parmi les avantages, on peut aussi citer le coût
d'administration et de prévention des pannes en baisse grâce à la
centralisation de tous les éléments sensibles sur les serveurs. Le coût
d'évolution du parc diminue aussi. Plus besoin d'augmenter la taille de la
mémoire vive sur chaque PC pour faire tourner une nouvelle application, et la
durée de vie des postes est globalement allongée. En revanche, le coût d'achat
des serveurs grimpe, et les exigences de sécurité deviennent plus prononcées.
En cas de panne d'un serveur, les postes de travail pourraient se retrouver
totalement inopérants. Ici, on a donc intérêt à faire appel à des serveurs
sécurisés, avec une tolérance de panne matérielle et logicielle, un peu comme
ceux qui hébergent les bases de données. De tels serveurs peuvent contenir
jusqu'à huit processeurs sous Windows NT, pour des bases de données SQL ou
Oracle. Pour des tâches exigeant encore plus de puissance informatique, on fera
appel à des machines avec trente-deux processeurs sous Unix, et des disques
durs externes, pour plus de sécurité. De telles machines peuvent être
subdivisées intérieurement en des "machines virtuelles", par groupes de quatre
processeurs. Si l'une de ces "machines virtuelles" affiche une défaillance
matérielle ou logicielle, sa "voisine" prendra le relais. Les constructeurs
informatiques prennent très au sérieux le concept des "clients légers" et la
réduction du "coût de possession" de l'équipement informatique. A tel point
qu'IBM a inclus un client léger, destiné aux centres d'appels et aux services
de réservation, dans sa nouvelle gamme Netvista, à côté des PC classiques. «
L'architecture avec des clients légers permettra au centre d'appels de
mutualiser les ressources informatiques, de ne plus avoir ni applications ni
données sur le poste local, observe Patrick Le Pecq, ingénieur commercial en
charge des clients légers chez IBM. Les applications sont stockées sur un
serveur sous Windows 2000 ou NT. Sur l'écran de son poste, l'opérateur du
centre retrouve une interface graphique Windows ou, dans les développements
plus récents, une interface basée sur un navigateur Web. » L'avantage est de
pouvoir ajouter autant de postes clients banalisés que l'on souhaite, dans la
limite des capacités du serveur. Chaque poste peut être reconfiguré pour un
nouvel utilisateur ou une nouvelle tâche en quelques minutes seulement. Une
fonction qui va prendre davantage d'importance dans le cadre de la semaine de
trente-cinq heures. Les clients légers permettent aussi de s'affranchir de la
contrainte de l'environnement linguistique pré-installé de Windows dans les
centres d'appels multilingues. Chaque opérateur pourra consulter l'application
dans toutes les langues disponibles, sur chaque poste du centre. Le coût d'un
poste client de la gamme NetVista d'IBM se situe entre 4 500 et 5 000 francs,
auquel il faut ajouter le coût du moniteur. Un prix inférieur à celui d'un PC,
mais il faut aussi tenir compte du coût d'un serveur supplémentaire hébergeant
les applications : quelques dizaines de milliers de francs, voire plus pour des
machines puissantes - la puissance requise du serveur va naturellement
augmenter avec la multiplication des postes clients connectés. Pour Patrick Le
Pecq, c'est à partir d'une vingtaine de postes que l'ensemble à base de clients
légers devient plus rentable que l'architecture classique client-serveur à base
de PC. Quant aux questions de sécurité, elles peuvent être réglées par la
duplication du serveur d'applications. Au lieu d'utiliser un serveur
bi-processeurs pour un environnement de 40 ou 50 postes, il est préférable
d'installer deux serveurs monoprocesseur dont l'un pourra toujours se
substituer à l'autre en cas de panne.