Une saga multicarte
Europay France (Eurocard Mastercard), pionnier dans la gestion des CAT, a fait le choix de garder en interne son activité téléphone. Fort d'une longue expérience, il a lancé l'été dernier sa plate-forme multiservice haut de gamme pour les porteurs de la carte Gold.
1967. Dans la courte histoire des centres d'appels, c'est la nuit des
temps. C'est cette année-là qu'apparaissent les premières cartes de retrait de
la Société France Cartes (SFC). L'activité induit l'utilisation du téléphone :
chaque opération fait l'objet d'une demande d'autorisation. Le commerçant ou le
banquier passe un coup de fil à la SFC qui vérifie la solvabilité du porteur.
L'entreprise travaille alors dans des conditions artisanales, elle ne compte
que quatre personnes : les trois fondateurs se relaient pour traiter les
appels, aidés d'une secrétaire, Nanou. Cette dernière a pris sa retraite il y a
deux ans. Elle était devenue entre temps responsable du centre d'appels
d'Europay France. Son ascension personnelle reflète l'explosion de tout un
secteur qui a connu deux révolutions en l'espace de trente ans. D'abord
l'électronique : la carte à puce a apporté la sécurité, et donc la confiance
des consommateurs. Et puis le mariage de la téléphonie avec l'informatique, qui
a permis la création des centres d'accueil téléphonique que nous connaissons
aujourd'hui. Ces deux phénomènes ont offert des gains de productivité colossaux
à Europay, qui - comme ses concurrents - en a profité pour se diversifier. «
Notre coeur de métier reste la monétique », insiste Jean-Paul Kienlen,
responsable du centre d'appels. Mais la carte de crédit ne sert plus seulement
à retirer de l'argent ou à régler un achat. Selon les gammes, le porteur se
voit offrir des services annexes, au premier rang desquels figure l'assistance
(sur les pistes de ski, par exemple) ou l'assurance (en cas de soucis à
l'étranger ou sur la route).
LE CHOIX DE L'INTERNALISATION
A plusieurs reprises s'est posée la question de
l'externalisation. C'est le choix du principal concurrent, Visa. Pas plus tard
qu'il y a deux ans, Europay a déménagé ses bureaux et son centre d'appels rue
Cambronne, à Paris. A cette occasion, les dirigeants auraient pu décider de
faire appel à la sous-traitance. Ils ne l'ont pas fait. « Notre situation est
différente de celle de Visa, qui est un groupement d'intérêt économique et pas
une société, analyse le directeur de la communication, Alain Thiébaut. Nous
avons le savoir-faire, les ressources matérielles et humaines. Nous avons bien
étudié quelques offres : les tarifs étaient systématiquement supérieurs à notre
prix de revient. » Sans oublier que l'internalisation offre plus de
perspectives à l'embauche. Régulièrement, des em-ployés du centre se voient
proposer des évolutions au sein du groupe. Une réponse au blues de l'opérateur
qui ne se voit pas faire ce métier toute sa vie. Précision non négligeable :
puisqu'ils sont des salariés comme les autres, ils bénéficient des avantages du
comité d'entreprise d'une multinationale, ce qui ne serait pas le cas s'ils
travaillaient pour un sous-traitant. Ces atouts n'empêchent pas un turn-over
assez élevé parmi le personnel récemment embauché. Mais ce n'est que le
résultat des tensions du marché de ces cinq dernières années. A l'inverse, ceux
qui sont là depuis longtemps restent. Plusieurs employés ont plus de dix ans
d'ancienneté ! L'équipe de vingt-sept opérateurs et quatre superviseurs est
renforcée par des étudiants en été : c'est la période d'activité la plus forte.
Celle où les touristes dépensent leur argent sur notre territoire, et où les
Français voyagent. Pour déployer au mieux ses troupes, la direction utilise
Planexa, le logiciel de planification du personnel développé par Holy-Dis.
Etrangers en France, Français à l'étranger, le centre parisien traite une
multitude d'appels, nationaux et internationaux. « Si les gens cherchent à nous
joindre, c'est qu'ils ont un problème », souligne José Técher, le responsable
d'exploitation. Le métier demande donc une bonne dose de tact, doublée d'un bon
niveau d'anglais. Il faut être vif (« on ne peut pas se permettre de prendre
plus de cinq minutes pour traiter les oppositions »), garder la tête froide en
toutes circonstances (« après un coup de fil tendu, l'appel suivant est encore
plus difficile, car on est énervé, mais l'appelant lui n'en a rien à faire !
»). Impossible de négliger la qualité : « Les personnes qui appellent ne sont
pas nos clients, précise Jean-Paul Kienlen. Nous, nous sommes les fournisseurs
des banques, qui revendent nos services à leur clientèle. Cela nous oblige à
encore plus de vigilance, car le moindre incident peut prendre des proportions
énormes. » Le temps d'attente reste très correct : les trois-quarts des appels
sont décrochés en moins de quinze secondes. Cette obsession de la qualité,
Europay la met à profit pour développer sa nouvelle plate-forme haut de gamme,
destinée à l'accueil des clients Gold. Elle a été lancée le 1er juillet
dernier. En appelant un numéro unique, le porteur a accès à toutes sortes de
services. En plus de l'assurance et de l'assistance, il peut commander ses
billets d'avion, de train, faire envoyer des fleurs, etc. Pour cela, Europay a
noué des partenariats avec des agences de voyages et des commerçants, vers
lesquels les appels sont renvoyés. Le transfert est "accompagné", comme on dit
dans le jargon. En un minimum de temps, l'opérateur présente son client au
partenaire. Il lui fait part de sa demande, pour éviter au porteur d'avoir à
répéter sa requête. L'exercice demande de la concision, mais l'effet est
garanti. Le partenaire répond en appelant le client par son nom, et en
reformulant immédiatement la demande. Cette chaleur est appréciée et fait dire
aux responsables du centre d'appels que le téléphone gardera longtemps une
longueur d'avance sur Internet. D'ailleurs, Europay n'offre aucun de ces
services sur son site web. « Nous sommes très prudents sur les ventes en ligne.
N'oublions pas que la France ne compte que 24 % d'internautes », rappelle le
responsable du centre. Ces dernières années, lors d'opérations de promotion,
les porteurs des produits Eurocard ont pu gagner des téléphones portables. Une
façon de les fidéliser, mais aussi de les inciter à utiliser les services
annexes. Car l'avenir de la monétique n'est pas seulement dans la sécurisation
des transactions, mais aussi dans la relation aux porteurs : il faudra toujours
offrir un peu plus qu'un simple moyen de paiement.
Europay France
- Actionnaires : Crédit Agricole, Crédit Mutuel, Banques Populaires, CIC, La Poste. - Plus de 700 000 commerçants affiliés. - 17 millions de porteurs. - Une gamme de six cartes : Cirrus, Maestro, Eurocard, Gold, Business Card, Platinum.
Les limites du numéro gratuit
Pour sa plate-forme haut de gamme Gold, Europay a mis en place un numéro unique qui donne accès à tous ses services. L'entreprise n'a pas choisi de numéro gratuit, mais une ligne RTC en "01". Question de coût ? Pas vraiment. « Vu le prix des communications aujourd'hui, nous pourrions nous permettre de prendre ce genre de charge à notre compte, explique Jean-Paul Kienlen. Mais les 0800 ne sont pas du tout harmonisés. Cela nous aurait obligés à avoir un numéro par pays. On a préféré jouer la carte de la simplicité, même si le porteur y va de ses propres deniers. Les clients Gold ne sont pas à quelques francs près. Et de toute façon, s'ils ont tout perdu, nous prenons les appels en PCV... »