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Un marché en pleine restructuration

Après une année 2001 qui a vu grossir les ventes de systèmes et de services de gestion de la relation client, on devrait assister à une année 2002 nettement moins positive. Les grands comptes équipés ou en voie de l'être, c'est le "mid market", nébuleuse aux contours flous, qui constitue le marché le plus prometteur. Quel que soit le secteur, les investissements en outils de CRM baissent pour deux raisons : les événements du 11 septembre 2001 et le nombre élevé d'échecs des démarches CRM initiées lors des deux années précédentes.

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« Il n'y a pas de véritable succès CRM. » Cette sentence de Laurence de Gueyer, directrice de projet chez Call Center Alliance, donne le ton de l'atmosphère du marché du CRM en ce moment. Après une année 2001 qui a vu les projets se multiplier, les éditeurs et les consultants développer leur chiffre d'affaires, 2002 pourrait être l'année de remise des pendules à l'heure. « Beaucoup de gros chantiers ont négligé l'aspect marketing. D'où les difficultés pour les entreprises à déterminer le retour sur investissement. Il faut adopter un nouveau modèle fondé sur des expériences pilotes. Les projets importants n'ont pas abouti à cause d'une vision essentiellement technologique, impliquant des progiciels lourds, sans réflexion en amont », estime la directrice de projet de Call Center Alliance. Cet outsourcer vient de créer le "CRM Business Club", qui réunit Publicis Dialog, E-Brandt, Cap Gemini Ernst & Young et Business et Décision. Une association "multicompétence" qui vise à résoudre les problèmes rencontrés par certains projets CRM au travers d'une approche globale. Pascal Benguigui, P-dg de l'éditeur Trigilog, analyse ainsi l'évolution des projets CRM : « De 1998 à 2000, les entreprises ont acquis des systèmes CRM à l'initiative d'un dirigeant, souvent le directeur commercial. Mais ces projets n'étaient pas portés par l'ensemble de la société. En 2001, on a vu des chantiers plus structurés, qui prenaient en compte les attentes des utilisateurs. Les entreprises n'ont pas conscience qu'un système de CRM impacte leur organisation. » Ce marché continue malgré tout de croître, mais ses cibles ont quelque peu changé depuis ces trois dernières années. Après s'être attachés à équiper les grands comptes, sources de profits en raison de l'importance des budgets, éditeurs et intégrateurs lorgnent aujourd'hui sur le "mid market". Ce segment est hétérogène, puisqu'il regroupe des sociétés employant de deux cents à deux mille personnes, avec des chiffres d'affaires qui vont de quelques millions à plusieurs centaines de millions d'euros.

ACQUÉRIR UNE COUVERTURE GLOBALE


Le mid market pèse moins que le secteur des grands groupes, mais son taux de croissance est plus élevé, et son potentiel de développement encore plus. Pour Bruno Perrin, responsable du département CRM chez Apogée Communications, « la tendance lourde est au développement du mid market, au ralentissement des "telco" et à la stabilisation de la banque /assurance. » Et Thierry Schoone, responsable du pôle CRM chez Valtech Axelboss, d'abonder dans ce sens : « Depuis le 11 septembre, les P-dg des grandes entreprises réclament une justification de retour sur investissement. Tous les grands acteurs, comme Siebel, descendent donc vers le mid market. » Pour mieux attaquer ce marché moins concentré que celui des grands comptes, et donc plus difficile à atteindre, les éditeurs de solutions ont procédé à des rapprochements. Qu'ils soient mondiaux ou locaux, ces acteurs cherchent à étendre leur portefeuille de solutions pour couvrir le maximum d'applications du CRM : analytique, opérationnel ou collaboratif. Depuis trois ans, on a assisté au rachat de Vantive par Peoplesoft, de Clarify par Nortel puis Amdocs. Peregrine s'est payé Remedy, Coheris a racheté Intelligent Sales Objects (ISO), Business et Décision a acquis Com 6, et Chordiant s'est offert Prime Response. Pour Bruno Perrin, « les éditeurs veulent acquérir une couverture globale du CRM. On le voit avec Remedy qui va du help-desk au SFA (sales force automation ou automatisation des forces de vente) ou Marketic, qui couvre les campagnes marketing jusqu'au customer care. De même les éditeurs d'ERP élargissent leurs compétences au CRM. » Parallèlement à cette concentration, le marché du CRM se complexifie en attirant des acteurs d'autres secteurs de l'informatique de gestion. Par exemple, les éditeurs de solutions de business intelligence, comme Hypérion, Business Objects, Informatica, SAS Institute ou Cognos, prétendent maintenant faire du CRM analytique et concluent des accords tous azimuts avec les éditeurs de front office. Ou encore les spécialistes des centres d'appels qui élargissent leur offre aux autres canaux de communication que le téléphone, essentiellement l'Internet, et se rebaptisent professionnels du e-CRM. Cette multiplication des intervenants n'aide pas les entreprises à se déterminer. « Tout le monde met du CRM dans son offre. On se retrouve sur des appels d'offres avec neuf, dix ou douze sociétés. C'est visiblement trop », affirme Pascal Benguigui.

L'ARRIVÉE DES AGENCES CONSEIL EN COMMUNICATION


Pour Thierry Schoone, la notion même d'intégrateur, maillon essentiel dans la mise en place d'une stratégie CRM, est en train de changer. « Il faut les examiner en fonction de leurs origines. Il y a les ex-SSII, les ex-consultants et aujourd'hui, on assiste à l'arrivée des agences conseil en communication. Dans le secteur de la santé, par exemple, les agences, après avoir capté de gros budgets publicitaires, se recentrent sur la thématique CRM. » Les prestataires spécialisés dans la fidélisation et la segmentation sont ainsi petit à petit descendus vers les systèmes d'information. Problème : ces nouveaux intervenants ont tendance à sous-traiter la majeure partie de leurs prestations. Or, selon le consultant de Valtech, si on se dit intégrateur, on doit « pouvoir effectuer de l'interfaçage en temps réel, connaître les langages J2E ou Java. Cela dépasse le strict cadre d'un logiciel de CRM. » Parmi ces prestataires attirés par la demande en matière de CRM, on trouve donc des agences de communication et marketing opérationnel, à l'image de FullSIX, filiale du groupe Inferentia. Cette agence a décidé de "monter" sur le CRM en créant une division ad hoc, managée par une équipe d'"experts", dont une spécialiste de la gestion des centres d'appels, Sophie Duval, qui a créé le call center de Motorola et dirigé celui de Freesbee. Anne Browaeys, directrice associée, a pour sa part géré les interactions chez Procter & Gamble (e-CRM) avant d'acquérir une expérience dans le on line chez eBay. L'offre couvre le e-CRM (e-mailing, SMS, télévision interactive), le marketing direct et les centres de contacts. Fondé sur le "conseil responsable", le modèle de FullSIX s'appuie sur une connaissance du consommateur via des études et des compétences technologiques, avec une équipe de quarante-cinq ingénieurs. Pour Sophie Duval, il faut faire du "CRM humain" : « Dans le domaine du call center le niveau de maturité de la relation client est faible. Par exemple, une grande partie des clients de l'agence n'ont pas encore abordé le problème de la gestion des e-mails entrants. »

DEUX TYPES DE SOLUTIONS


Pour le nouveau pôle CRM de FullSIX, la tendance est à la rationalisation des projets. « Les clients sont conscients que ces techniques peuvent changer l'organisation de l'entreprise. Ils choisissent donc une mise en place progressive », estime Anne Browaeys. « Il y a un an, les grands groupes voulaient un progiciel. Maintenant, c'est l'inverse, ils demandent de développer des outils ad hoc », confirme Sophie Duval. Au niveau des systèmes informatiques, deux solutions s'affrontent. La première implique des solutions généralistes, structurantes, qui nécessitent de l'intégration, mais couvrent tout le spectre des interactions clients. Inconvénient : elles ne sont pas vraiment destinées à des entreprises de taille moyenne. La deuxième consiste à choisir des briques de différents éditeurs, le "best of breed" en jargon. Là encore, du développement est nécessaire. Mais ce choix permet de réaliser sa démarche CRM pas à pas, en minimisant ainsi les risques d'échecs. En 2002, le marché du CRM devrait donc connaître un ralentissement notable, en raison de la baisse des investissements, mais surtout des réticences des grandes entreprises à lancer des chantiers sans avoir quelques garanties quant à la rentabilité de ces outils. Néanmoins, le réservoir de croissance que représente le mid market pourrait rééquilibrer la donne entre les prestataires. En effet, ces entreprises moyennes n'ont pas les mêmes besoins, ni les mêmes ressources que les grands comptes. Des fournisseurs plus modestes que les Siebel, SAP ou Peoplesoft peuvent mettre en avant leur spécialisation, leur souplesse et leurs tarifs moins élevés. La vague de rapprochements entre acteurs du CRM prouve que cette opportunité n'a pas échappé à certains.

2002-2004 : perspectives en demi-teinte selon les analystes


Les résultats positifs annoncés pour 2001 par les sociétés positionnées sur le marché du CRM ne doivent pas masquer des prévisions nettement plus pessimistes de la part des analystes concernant 2002. Ainsi, le cabinet d'études américain Meridien Research prévoit une année 2002 sans augmentation des ventes de licences ou de services. Le retour de la croissance en termes de revenus n'étant pas attendu avant 2004. Pour Meridien Research, "les dépenses en CRM ne devraient pas croître de manière significative avant 2004, car beaucoup d'entreprises réexaminent leur retour sur investissement à la lumière de nombreux projets moins rentables que prévu". Par ailleurs, le Gartner Group estime que "d'ici 2004, 55 % des initiatives CRM n'atteindront pas les objectifs de rentabilité prévus, pas plus qu'ils ne produiront de retour sur investissement mesurable".

Patrick Cappelli

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