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De nouveaux acteurs qui compliquent la donne

Rapprochements et fusions d'un côté, nouveaux entrants de l'autre : deux phénomènes conjoints qui ne facilitent pas le choix d'une solution adaptée aux besoins des entreprises désireuses de faire du CRM.

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Le phénomène de concentration, qui devrait simplifier les choix des entreprises en matière de systèmes de gestion de la relation client, se double d'un mouvement inverse. En effet, attirés par les taux de croissance de ce marché, particulièrement dans le segment en plein boom du mid market, des éditeurs peu ou pas présents en France arrivent sur le marché hexagonal dans l'intention affichée de prendre des parts de marché. Exemple avec la société américaine E.piphany, créée en 1996. D'abord centré sur l'automatisation des campagnes marketing, ce prestataire a petit à petit ajouté des modules à sa suite progicielle (services, vente, temps réel) pour proposer aujourd'hui une offre généraliste. « Nous sommes un acteur global, qui veut offrir à ses clients des moyens pour analyser et agir sur tous les points de contacts en temps réel », explique Thierry Marzin, directeur général France. Malgré la différence de taille avec le leader Siebel (127 millions de dollars de chiffre d'affaires pour E.piphany contre 2,5 milliards), le nouvel entrant se positionne comme concurrent direct du premier vendeur mondial de progiciels de CRM. En France, l'éditeur a ouvert un bureau, embauché un ancien de Remedy comme directeur général et revendique quatre clients, dont les plus connus sont France Télécom et sa filiale Orange. Récemment, le groupe PPR (Pinault Printemps Redoute) a décidé d'essayer le progiciel d'E.piphany pour son projet Capital Contact Client visant à offrir des services communs aux détenteurs de cartes privatives des différentes enseignes du groupe, la Fnac, Conforama, le Printemps et la Redoute. « Nous utilisons Business Objects, Marketic et nous testons E.piphany », précisait Bernard Mahé, directeur du projet, lors de la Semaine de la Relation Client en janvier dernier. E.piphany vise les grands comptes et le haut du mid market. Il mise sur son architecture web, des modules de connexion aux principales bases de données et ERP, ainsi que des accords avec des cabinets de consultants et intégrateurs comme KPMG, Deloitte, Accenture ou Cap Gemini. Par ailleurs, E.piphany a conclu un contrat de revendeur avec Alcatel pour un package dédié aux sociétés du secteur des "telco".

QUAND LE CRM DEVIENT "DYNAMIQUE"


Autre postulant à un rôle majeur dans le marché français du CRM, l'éditeur Chordiant. Cette société américaine est spécialisée dans le service client (help-desk, call center). Suivant la tendance actuelle, Chordiant a étoffé son portefeuille de solutions en achetant en mars 2001 la société Prime Response, centrée elle sur les campagnes marketing. Malgré ce rachat, la taille de ce nouveau compétiteur reste modeste, avec 75 millions de dollars de chiffre d'affaires en 2001. « Mais nous avons plus que doublé ce chiffre par rapport à 2000, et nous venons de connaître sept trimestres consécutifs de croissance. De plus, tous nos clients sont en production et référençables », répond Karine Saint Marc, responsable marketing. Chordiant a un positionnement différent d'E.piphany, Siebel ou SAP. En effet, l'éditeur vise uniquement les grands comptes du secteur B to C, et plus particulièrement dans les domaines de la banque, de l'assurance et des télécommunications. Il affiche un positionnement un peu particulier, centré sur le CRM "dynamique". « Plutôt que des solutions packagées monocanal, nous préférons nous concentrer sur des processus. Nous configurons les scripts des modules avec le client, en fonction de ses spécificités », précise Karine Saint Marc. Par ailleurs, le progiciel de Chordiant ne possède pas de modèle de données propriétaire, il va chercher les informations dans les divers systèmes de l'entreprise, grâce à son architecture ouverte basée sur les langages J2E et XML. Parallèlement à l'arrivée de ces nouveaux intervenants sur le marché du CRM, les éditeurs de progiciels de gestion intégrés (PGI ou ERP), tels que SAP et Oracle, ont eux aussi décidé de s'octroyer une part du gâteau. Ainsi, SAP a développé une stratégie de conquête qui s'appuie sur une refonte de la plate-forme MySAP CRM 3.0. Décidé à s'imposer sur ce marché, SAP affiche ses ambitions. « En 2001, nous voulions être numéro deux mondial, nous avons réussi. Nous avons fait beaucoup d'efforts en termes de fonctionnement pour rattraper le leader et nous visons la première place en 2003 », affirme Hervé Gonay, product marketing manager chez SAP France.

UNE SOLUTION MULTICANAL


Avant d'en arriver là, l'éditeur allemand a encore du chemin à parcourir. En France, il avance une dizaine de clients, essentiellement de grands comptes comme Danone ou PSA, et vise maintenant le mid market. De l'avis des spécialistes, SAP est surtout fort d'une base installée conséquente en termes d'ERP (15 000 clients dans le monde) et c'est d'abord vers cette clientèle captive que l'éditeur déploie ses efforts. Par contre, l'offensive vers le mid market pourrait souffrir de la nature même de l'offre, qui est constituée de l'ERP R/3 et de la suite de modules spécialisés (My SAP CRM, SCM, BI, Portal et Market Place). Soit une solution globale et très structurante. Quant au coût d'une telle offre intégrée, il serait, selon Hervé Gonay, « deux fois et demi moins élevé qu'une suite de modules acquis auprès de différents prestataires ». SAP possède néanmoins des atouts non négligeables, dont sa taille, gage de pérennité, et ses capacités en termes de recherche et développement. Dans cette catégorie ERP, on peut citer Baan, éditeur hollandais, et sa suite iBaan. Comme son concurrent allemand, il propose une suite complète intégrant ERP, supply chain management, CRM et eBusiness. La partie CRM couvre la gestion des campagnes marketing et le SFA, mais pas le call center, qui nécessite une interface avec des logiciels spécialisés d'autres éditeurs. Baan a connu beaucoup de difficultés ces dernières années, jusqu'à son rachat par Invensys (automatismes et systèmes de contrôle industriels) en 2000. Par ailleurs, cet intervenant cible surtout les secteurs où il est déjà bien implanté, c'est-à-dire l'industrie (automobile, défense, spatial). Oracle est un autre acteur du monde des ERP, avec Oracle eBusiness Suite 11i (ex Oracle Applications), qui tente de s'introduire sur le CRM. Surtout connu pour ses bases de données relationnelles, Oracle compte bien développer ses parts de marché dans le secteur de la relation client, avec la création d'une entité spécialisée et le travail de ses mille développeurs. La suite CRM comprend les modules Marketing (gestion des campagnes), Sales (vente à distance multicanal) et Service (service client). « Notre ambition est d'offrir une solution CRM globale qui couvre l'ensemble des besoins en matière de relation client, grâce à une gestion intégrée du multicanal. Par exemple, il est important de posséder une solution qui gère la vente à distance », estime Philipe Lemaire, responsable marketing CRM. La stratégie d'Oracle est semblable à celle de SAP, puisque l'offre comprend un ERP. L'éditeur avance le chiffre d'une vingtaine de clients français pour la partie CRM.

BOÎTES À OUTILS CONTRE OFFRES PACKAGÉES


Pour le responsable marketing CRM d'Oracle, « le marché va favoriser des éditeurs de taille importante. Après l'enthousiasme initial, les clients se préoccupent du retour sur investissement des solutions CRM. » C'est pourquoi Oracle a mis au point une méthode de déploiement rapide de sa solution intitulée "CRM en 90 jours", avec pour objectif d'éviter les effets "tunnels" des chantiers qui traînent en longueur. L'offre en matière de systèmes CRM s'est à la fois concentrée et élargie. Mais tous les acteurs ont-ils les mêmes chances de conquérir un marché orienté à la baisse ? « Non !, répond Alexandre Souillé, directeur software chez l'éditeur français Coheris. Certains petits éditeurs comme Akio ou Selling Vision n'ont pas réussi à atteindre la taille critique et vont disparaître ou fusionner. Quant aux acteurs moyens, comme Pivotal, Selligent, ou Onyx, ils sont obligés de se recapitaliser en permanence car ils ne sont pas rentables. » Les nouveaux entrants, comme E.piphany, ne trouvent pas plus grâce à ses yeux : « On en entend parler depuis deux ans, mais c'est un produit qui arrive tard ». Pour Alexandre Souillé, l'antériorité est une des clés du succès. Coheris mise donc sur sa base installée de 700 clients, qui génère des revenus fixes. Il compte aussi sur le récent rachat d'ISO (module de SFA) pour couvrir un spectre plus large. Aujourd'hui, Coheris est présent dans le CTI avec Astel, le marketing et le service client via Conso +, la SFA avec ISO et le help desk avec AxCare. L'éditeur français met en concurrence deux types de solutions CRM. D'un côté ce qu'il nomme les "boîtes à outils", telles que Siebel, SAP, Oracle ou Peoplesoft. Mais elles nécessiteraient selon lui beaucoup d'intégration, donc des coûts annexes élevés, une fois l'achat de la licence effectué. De l'autre, des offres packagées, moins onéreuses car plus faciles à installer. « La conjoncture est morose et les entreprises sont plus regardantes sur les budgets. Il y a une vraie demande pour les solutions comme la nôtre », estime le directeur software. Créateur d'Enéide, qui constitue aujourd'hui le coeur de Conso +, Alexandre Souillé croit à la complémentarité entre son offre CRM et des solutions plus spécialisées, comme Vocalcom sur les centres d'appels ou Cegedim pour la santé. Ou encore le partenariat sur l'offre ISO Suite avec Microsoft, qui apporte la partie business intelligence et la base de données SQL Server. Malgré une baisse de la croissance annoncée par les analystes, comme le Gartner Group, le marché du CRM continue de s'étoffer en termes d'acteurs susceptibles d'équiper les entreprises. « La multiplication des labels de CRM n'est pas faite pour éclairer le client final », conclut Alexandre Souillé. Mais la reconfiguration du marché devrait continuer en 2002 et déboucher sur une cartographie des solutions un peu plus lisible.

Patrick Cappelli

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