Un lion à pas mesurés
Crédit Lyonnais Sept ans - de 1997 à 2004 - pour faire du Crédit Lyonnais
une banque à distance. Sept années pour constituer un réseau virtuel de six
"plates-formes multicanaux", capables de gérer ses six millions de clients.
Certainement trop long pour les aficionados du "big bang", cette stratégie qui
consiste à déployer de nouveaux outils en faisant table rase de l'existant. En
revanche, toujours juste ce qu'il faut pour les adeptes des évolutions par
pallier. Le "step by step" des cabinets de conseil anglo-saxons. Au Crédit
Lyonnais, on appelle ça "l'approche graduelle". Une méthode de travail pour
mener à terme le déploiement du dispositif de prise en charge des
"appels-agences". Presque une profession de foi pour l'unité des PSMC
(Plates-formes de Service Multicanaux). « Il y a trois fondements, explique
Marc Oppenheim, leur responsable. Un : éviter l'effet tunnel. Ce qui nous
intéresse, c'est de voir des choses concrètes. Deux : l'approche permet
d'accompagner le changement. Trois : elle offre la capacité "de faire" dans de
bonnes conditions. »
LIMITER LES COÛTS
L'approche
concerne tout particulièrement deux sources importantes de coûts. La
technologie et les ressources humaines. Pour l'une comme pour l'autre,
l'établissement bancaire limite les risques en s'imposant des étapes de
déploiement et d'amélioration. Ouverte en avril 2001, la première plate-forme
de dérivation a, par exemple, disposé pendant six mois d'outils informatiques
"rustiques". Il faudra attendre quinze mois avant d'intégrer du middleware et
vingt-quatre mois supplémentaires pour s'organiser en réseau virtuel. Entre
temps, la plate-forme de Marseille (mai 2002) et une nouvelle ergonomie des
applications métier (février 2003) ont vu le jour. Un investissement matériel
(conception, déploiement, équipement) estimé à une vingtaine de millions
d'euros. « Nous avons fait le choix de mener notre propre intégration, car nous
avons un système informatique très imbriqué. Les étapes techniques permettent
une appropriation des outils par les équipes », détaille Marc Oppenheim. Pour
les Ressources Humaines, la démarche est similaire. Elle revêt même beaucoup
plus d'importance. Elle contribue à l'élaboration d'un nouveau métier au sein
des effectifs de la banque. Voire « d'une culture », selon Marc Oppenheim.
UN EFFET STRUCTURANT
Car l'intérêt de la démarche
réside aussi dans l'effet structurant qu'elle donne à l'ensemble du projet. De
la création à l'exploitation quotidienne des sites. Elle offre du livrable
régulièrement et une évolutivité opérationnelle mesurée. « Le modèle est plus
laborieux à mettre en place, mais il est plus riche en compétences et stabilité
», juge Marc Oppenheim. Un rythme prudent pour une banque à la dynamique
financière hasardeuse dans les années 90. Le 26 mai prochain, le site de
Bordeaux ouvrira ses portes. Deux autres créations, à Lyon et Saint-Denis (93),
sont prévues dans la foulée (encadré ci-dessous). Le dispositif sera alors au
complet. Fin 2004, il aura la capacité de traiter jusqu'à 10 millions d'appels
par an. Les clients seront pris en charge par un SVI et orientés sur la
compétence disponible. Déjà, le serveur vocal interactif de "Crédit Lyonnais à
l'écoute", lancé en 1997, gère annuellement 25 millions de contacts. Les
plates-formes sont toutes organisées sur le même modèle. Elles regroupent entre
120 et 150 positions chacune. La banque estime la capacité de production d'une
station de travail à 60 appels par jour. Avec une marge de progression de près
de 25 %. Ouvert en moyenne avec 30 positions de travail, « selon le rythme des
formations », chaque site met près de neuf mois pour trouver son équilibre. «
La taille des plates-formes dépend du bassin d'emploi interne. C'est également
une notion de taille critique en prenant en compte les 35 heures, les jours et
heures d'ouverture [six jours sur sept de 8 à 19 heures, ndlr], la formatio...
Au-delà, nous estimons qu'il est difficile d'avoir une activité commerciale
efficace », estime le responsable PSMC. Sur chacun des sites existe un savant
mélange de compétences internes et externes. Les jeunes recrues ne constituent
que 20 % des effectifs. Le reste se partage pour moitié entre du personnel
d'agences ou de back-office. Dès l'ouverture d'un plateau, une première équipe
de personnel interne constitue un noyau d'expérience. Par la suite, les
nouveaux entrants sont intégrés aux effectifs en place. Ils sont pris en charge
par une personne expérimentée. Une volonté de doser les compétences que l'on
retrouve aussi au sein des équipes de production. Un groupe de travail est
constitué de 10 à 12 personnes avec deux tiers de généralistes et un tiers
d'experts. Deux niveaux de compétences auxquels il faut ajouter les
superviseurs : une dizaine d'encadrants subordonnés à un responsable de site
assurent le management des effectifs. Pour les deux tiers, ce sont d'anciens
responsables d'agences ou d'unités de la banque. Le tiers restant provient de
recrutements extérieurs. La mission des conseillers de clientèle repose
essentiellement sur le traitement de 90 à 100 % des appels habituellement à
destination des agences du réseau (1 850 au total). Un autre aspect de leur
travail réside dans le développement du "business". Il passe par la prise de
rendez-vous, la détection d'opportunités pour le compte du réseau et par la
vente directe de produits financiers. Enfin, leur dernière mission est de
collecter et mettre à jour les informations du client.
90 % DE CLIENTS SATISFAITS PAR LES PRESTATIONS DES PLATES-FORMES
Avec
trois plates-formes à ce jour (Paris, Marseille, Roubaix), les conseillers
téléphoniques répondent à 15 000 appels quotidiens. Ce dispositif adresse 1,2
million de clients du Lyonnais. Les équipes réalisent près de 5 % de rebond
commercial sur le volume total des appels. Quant à la prise de rendez-vous
proactive, elle s'élève à 2-3 % des contacts, alors que les rendez-vous
sollicités par les clients sont proches de 6 % des échanges. Pour l'heure,
seule la plate-forme "Crédit Lyonnais à l'écoute", basée à Paris, effectue des
appels sortants (environ 100 000 par an). « Le plateau a été créé en 1997. Il
travaille à façon en appels entrants et sortants. Dès que le reste du
dispositif sera achevé et stabilisé, nous ferons des campagnes d'appels
sortants », indique Marc Oppenheim. A défaut d'être rapide, l'approche
graduelle apporte sa part de satisfaction. Selon des enquêtes menées par Ipsos,
90 % des clients se disent satisfaits des prestations offertes par les
plates-formes. Au niveau du réseau aussi, le dispositif dispose d'une bonne
perception. Les ventes de produits bancaires auraient augmenté en agences. Près
d'une heure aurait été gagnée par jour et par conseiller de clientèle avec le
routage des appels sur les plates-formes. Alors, à la question "centre de coûts
ou de profits ? Marc Oppenheim répond : « C'est un centre de profit global pour
l'entreprise. » Déploiement maîtrisé, conduite du changement menant vers la
création d'un nouveau métier, meilleure productivité des effectifs, etc.
L'approche graduelle a aussi le mérite de ménager les susceptibilités et de
limiter les risques... financiers.
De "multicanaux" que le nom
Les six "plates-formes multicanaux" traitent majoritairement le canal téléphonique. Il n'est pas prévu de gérer les télécopies. Quant aux 6 000 à 8 000 mails reçus chaque mois, ils sont pris en charge par une dizaine de personnes situées à Créteil. Ils proviennent des différents sites vitrines de la banque et doivent être traités en 48 heures maximum. Près de 80 % seraient gérés dans la journée, 15 % le lendemain et 5 % en une semaine. « Les volumes ne demandent pour le moment aucune industrialisation », estime Marc Oppenheim, le responsable des plates-formes multicanaux du Crédit Lyonnais, satisfait du mode de traitement actuel. Une réflexion est malgré tout menée pour savoir s'ils ne peuvent pas être pris en charge sur une plate-forme ou en direct par les téléconseillers. Pour les autres canaux, notamment le courrier, chaque entité dispose d'un "back-office asynchrone", de cinq personnes maximum, en charge de l'administratif.
Le calendrier de déploiement du Crédit Lyonnais
- 1997 : "Crédit Lyonnais à l'écoute", 50 positions à Paris. - Décembre 2001 : Paris (60 positions), 1re structure de dérivation des appels-agences. - Mai 2002 : Marseille (120 positions). - Novembre 2002 : Roubaix (100 positions). - Mai 2003 : Bordeaux (entre 120 et 150 positions prévues). Mise en réseau virtuel avec Roubaix. - Juillet 2003 : Marseille intègre le réseau virtuel. - Septembre 2003 : Lyon (120 à 150 positions prévues) en réseau virtuel. - Décembre 2003 : Paris raccordé au réseau virtuel. - Début 2004 : Ouverture de Saint-Denis (93).