Techno ma non troppo
Déménagement en vue pour le web call center de Travelprice, inauguré il y a un peu plus d'un an. Forte de son expérience, l'agence de voyages sur Internet a intégré les technologies les plus récentes... et en a délaissé quelques-unes jugées inutiles.
" L'internaute est au coeur de notre stratégie ". C'était le 16 mars 2000.
Un communiqué signé Travelprice annonçait à la presse la naissance de son web
call center. La toute jeune agence de voyages en ligne ne lésinait pas sur la
technologie : voix sur IP, chat, gestion instantanée des mails... Un an et un
e-krach plus tard, Roland Coutas, fondateur et P-dg, persiste et signe. « Ce
centre d'appels fait plus que jamais notre fierté : nous avons optimisé au
mieux toutes les ressources disponibles pour traiter en même temps des milliers
d'appels, de mails et de réservations. » Mais, avec l'expérience, l'entreprise
a approfondi son approche de la relation client multicanal... et abandonné
quelques innovations qui, il y a un an encore, passaient pour indispensables. «
On a stoppé la voix sur IP et le chat au mois d'avril, confie Roland Coutas.
Pour le moment, c'est du gadget. Le marché n'est pas mûr. » Même chose pour le
Wap. Un service de réservation est proposé sur le portail Vizzavi
(Vivendi-Vodaphone). « Mais les seules commandes qui ont été enregistrées
étaient des erreurs ! Des gens qui ne savaient pas bien se servir de leur
téléphone portable. » La croissance du centre d'appels est impressionnante : de
5 personnes en avril 2000, l'effectif est passé à 93 aujourd'hui. Et ce n'est
pas fini. « L'une de nos collègues, raconte une conseillère, est partie en
congé maternité. L'autre jour, elle est venue nous présenter son bébé et elle
n'a rien reconnu ! Ici, les murs bougent tout le temps pour accueillir de
nouveaux arrivants. » Tant et si bien que le centre va déménager à la rentrée
prochaine. Il va quitter l'immeuble du siège sur les Champs-Elysées pour la
proche banlieue, dans des bureaux moins chers et plus adaptables. Travelprice
peut se permettre de tels investissements : l'entreprise a réalisé au mois de
mai sa troisième levée de fonds depuis sa création (22 ME). L'entreprise n'a
pas trop de mal à recruter, dans un contexte pourtant défavorable. Les salaires
sont légèrement supérieurs au marché, les primes mensuelles montent jusqu'à 2
000 F, et la plupart des employés sont en CDI. Après le déménagement, le web
call center devrait disposer d'environ 150 positions. Les conseillers
disposeront d'une dizaine de mètres carrés chacun et l'organisation ne devrait
pas changer. Actuellement la moitié des employés est affectée à la vente, et
ils sont spécialisés en fonction du produit qu'ils vendent : les "packages"
(séjour avion + hôtel) ou les vols "secs". Le travail se fait par groupe de 4 à
8, avec un responsable, lui-même chapeauté par un superviseur. Un petit
service-client, véritable équipe "choc", s'occupe spécifiquement des cas
problématiques : un voyageur coincé au bout du monde, une annulation au dernier
moment. « Ce sont nos conseillers les plus qualifiés », explique Roland Coutas.
Une partie du personnel n'a pas affaire au client, mais aux compagnies
aériennes, pour éditer les billets, ou aux hôtels, pour les réservations.
Travelprice travaille en direct avec 600 compagnies et 20 000 établissements
hôteliers. Le centre d'appels tourne six jours sur sept, de 9 à 21h. Une force
supplémentaire par rapport aux agences traditionnelles, ouvertes au mieux 9
heures par jour. La structure est souple, puisqu'en période de pointe, cette
plage horaire est étendue (de 8 à 22 heures). C'est le cas en février et mars,
lorsque les clients préparent leurs vacances de printemps, et au tout début de
l'été, avant les congés scolaires. En dehors des heures d'ouverture (la nuit,
le dimanche, et les jours fériés), les appels sont renvoyés vers un
sous-traitant dont les hôtesses ne sont pas spécifiquement formées à la vente
de voyage. Elles enregistrent et transmettent la demande dès le lendemain à
Travelprice.
NEUF BILLETS D'AVION SUR DIX VENDUS VIA INTERNET
Tous les jours, le centre gère 5 000 appels entrants, 1
000 mails et 2 000 transactions. Chaque réservation sur Internet ou par
téléphone génère un rappel du client. « Mais on ne fait pas de call back
automatique, précise Roland Coutas. A cause du côté "épée de Damoclès" qui nous
déplaît. » Si le téléphone mobilise de nombreux conseillers, une bonne part du
CA est liée aux visites sur le site travelprice.fr. « Nous vendons neuf billets
d'avion sur dix et la moitié de nos packages par ce biais. » Mais que la vente
se fasse par téléphone ou par Internet, se pose l'éternelle question de la
sécurité du paiement par carte bancaire. L'agence de voyage garantit une
confidentialité totale, grâce à un cryptage réputé inviolable. Et, pour
rassurer définitivement les plus inquiets, elle offre gratuitement l'assurance
Fia-Net (du groupe Axa), qui rembourse la totalité de la somme en cas de
détournement. Bien sûr, les conseillers-voyage ont accès aux numéros des cartes
bancaires des clients. « On en voit passer des dizaines par jour, tempère une
conseillère. On n'a aucune raison de les noter. Et puis nous sommes identifiés,
nous rassurons le client en donnant notre prénom lorsque nous décrochons, et
avant de raccrocher, pour qu'il sache bien à qui il a affaire. Après, la règle,
c'est la confiance. » Et ça fonctionne. « Nous n'avons jamais eu aucun problème
», assure Roland Coutas. Même avec tous ces arguments, il reste encore des
clients qui ne souhaitent ou ne peuvent payer par carte. Un téléconseiller est
donc détaché, chaque jour, à l'entrée du centre, pour accueillir celles et ceux
qui viennent payer... en liquide ! Autre élément essentiel, dans cette machine
bien huilée : la base de données. Elle répertorie des milliers d'hôtels, mais
aussi les profils des voyageurs, puisque les clients sont invités à créer un
dossier où ils signalent leurs préférences. A cela s'ajoute le système de
réservation des billets, la comptabilité d'entreprise, le logiciel de
statistique et le standard virtuel (Lucent). Autant de technologies qu'il a
fallu apprendre à utiliser ensemble. Un casse-tête, a priori, pour les
informaticiens. Mais c'est précisément l'intégration de ces différents systèmes
dans un ensemble cohérent et performant qui fait la fierté de Roland Coutas. «
Nous avons tout fait nous-mêmes, et aujourd'hui d'autres entreprises viennent
nous voir pour nous demander conseil. » Les dirigeants sont toujours prêts à
innover. Malgré la déception du Wap, ils attendent l'UMTS. « Comprenez bien, on
fait selon les désirs du client, s'amuse le P-dg. Si demain il veut nous
contacter par pigeon voyageur, on achètera un élevage ! » Chez Travelprice, on
ne confond pas les moyens et la fin. L'objectif, c'est de vendre des voyages.
Le web call center n'est qu'un outil. Un très bel outil, qui pourrait bien à
terme, révolutionner toutes les pratiques de ce secteur d'activité.
Travelprice
Créée en février 1999 par Roland Coutas, l'agence de voyages en ligne (capital de 42 millions de francs) enregistre 30 000 visites par jour sur son site internet, travelprice.fr. La société vise pour 2001 un chiffre d'affaires de 700 millions de francs. Et espère la rentabilité pour mi-2002.