"SAMU municipal" à Marseille
L'idée revient au maire. En 1995, un jour qu'il descend de sa voiture,
Jean-Claude Gaudin trébuche sur le trottoir défoncé d'une rue de Marseille. En
octobre 1998, Allô Mairie est officiellement né. Entre une manifestation
d'agacement chez un maire nouvellement élu et le lancement de ce service, trois
ans se seront écoulés. Pourquoi tout ce temps ? Parce que le projet est
complexe en ce qu'il implique une organisation logistique très lourde.
Explications. La finalité d'Allô Mairie est avant tout d'enregistrer les
dysfonctionnements signalés dans la sphère des services municipaux et de leur
apporter un traitement, le plus rapidement possible. Un "SAMU municipal" en
quelque sorte. Le service repose sur l'idée d'un partenariat tacite passé entre
trois pôles consubstantiels au fonctionnement et à la viabilité du service :
l'administré qui appelle, l'opérateur qui répond, les services municipaux qui
interviennent sur les problèmes signalés et répertoriés. Pour une meilleure
gestion des interventions, les dysfonctionnements ont été sériés en trois
catégories : niveau un pour les petites interventions (trou dans la voirie),
niveau deux pour les interventions concernant la réglementation (feux de
circulation, horaires de passage des services municipaux), niveau trois pour
les interventions dites "de confort" (bancs publics, plantation d'arbres). Une
charte rédigée comme modèle opératoire du dispositif recense 3 000 types de
dysfonctionnement, chacun associé à des modalités et à un délai d'intervention
spécifique. Le service mis en place repose sur un engagement d'intervention
dans les 48 heures pour les interventions de niveau un. Pour les
dysfonctionnements plus "lourds", il faut attendre entre huit et quinze jours.
« 55 % des demandes sont satisfaites en moins de deux jours, précise Alain
Poletti, inspecteur général des services municipaux à la Ville de Marseille.
C'est là tout l'intérêt d'une petite structure, souple et polyvalente. »
Aujourd'hui, 25 opérateurs travaillent sur les 16 postes du plateau d'Allô
Mairie, de 7 à 20 heures, du lundi au samedi inclus. De 150 appels quotidiens
au lancement du service, le trafic est passé à 750-800 appels.
VINGT QUESTIONS POUR CIRCONSCRIRE CHAQUE PROBLÈME SOUMIS
Derrière la ligne de front d'enregistrement des doléances, c'est l'ensemble
des services municipaux qui sont susceptibles d'agir. La charte fixant les
délais d'intervention a été définie en collaboration avec tous les départements
concernés. Lorsqu'il répond à un administré, l'opérateur du centre d'appels
circonscrit la nature du dysfonctionnement signalé en posant en moyenne une
vingtaine de questions, elles aussi listées collégialement avec les différents
services municipaux. « Il s'agit en quelque sorte de transformer la parole
citoyenne en langage technique », note Alain Poletti. Entre le call center et
les services de la mairie, un même réseau informatique permet l'accès en temps
réel aux données et donc une parfaite communication ainsi qu'un traitement
logistique coordonné. Deux possibilités : une intervention "événementielle" est
programmée par le call center sur l'agenda du service susceptible d'intervenir
; l'intervention s'inscrit dans un programme récurrent d'action municipale
(nettoyage des écoles, encombrants...). Tout dossier étant suivi par
l'opérateur tant qu'il n'a pas été clôturé. Très vite, Allô Mairie connaît un
large écho au sein de la cité phocéenne. 306 000 appels ont été enregistrés
depuis le lancement du service. Arithmétiquement, c'est l'équivalent de 38 % de
la population marseillaise. De service dédié au traitement des
dysfonctionnements publics, le plateau intègre peu à peu des prestations moins
réactives, répondant ainsi à des demandes de nature diverse : propreté,
entretien des bâtiments, information sur les démarches administratives. Jusqu'à
l'accompagnement des personnes âgées dans leurs sorties. Côté logistique, la
municipalité a mis les moyens. D'autant plus que la commune de Marseille
s'étend sur 24 000 hectares, soit sur une superficie équivalente à celles des
villes de Paris, Lyon et Lille agrégées. Huit véhicules polyvalents, ainsi
qu'une batterie de voitures propres à chaque service susceptible d'intervenir :
au total, 41 véhicules sont mis à disposition d'Allô Mairie. Au sein de chaque
service, deux agents ont été désignés pour faire le relais entre le call center
et les équipes terrain. La Ville emploie également les services d'une équipe de
jeunes médiateurs urbains, chargés de vérifier le bien-fondé des demandes, mais
aussi de l'accompagnement des personnes âgées dans leurs déplacements. Côté
plateau téléphonique, les 25 agents ont été recrutés dans le cadre de contrats
"emplois jeunes". Aujourd'hui, sept d'entre eux ont passé avec succès les
concours administratifs. Le coût d'un tel service ? Entre 10 et 12 F par
habitant, répond-on à la mairie. Soit, à raison de 809 000 habitants, entre 8
et 9,7 MF, auxquels s'ajoutent quelque 10 MF de création et de développement
informatique et le budget de fonctionnement, noyé au sein des différents
services puisque la Ville affirme ne pas avoir mis en oeuvre de comptabilité
analytique pour Allô Mairie.