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Quand les opérateurs télécoms font leur numéro

L'explosion des numéros 800 et autres numéros courts témoigne de l'attractivité de l'offre mise en place par les opérateurs télécoms au service des centres d'appels. Même si les consommateurs ne perçoivent pas forcément ces numéros à leur juste valeur.

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Un même leitmotiv semble animer la profession des opérateurs télécoms : apporter toujours plus de valeur ajoutée aux services proposés, notamment à destination du marché des centres de contacts. Longtemps monopolisé par France Telecom, le marché des opérateurs est devenu pluriel suite à la déréglementation de 1998. Depuis, l'acteur historique doit faire face à une offre concurrente devenue pléthorique provenant des opérateurs dits “alternatifs”. Offre qui ne s'articule plus seulement sur le simple transport de la télécommunication, mais également sur des services associés à des numéros spéciaux (0800) ou numéros courts (3200), sans oublier l'apport de services innovants comme la reconnaissance vocale ou la vidéo très prochainement. Parmi les principaux challengers présents dans l'univers des centres de contacts, Cegetel, Prosodie, Colt ou encore Completel, Jet Multimédia (filiale de Neuf Telecom) et Atos Multimédia représentent une sérieuse alternative à l'opérateur historique. Depuis deux ou trois ans, la tendance s'oriente vers un transfert des numéros géographiques vers des numéros spéciaux unifiés. « Cette volonté de faire entrer le client ou le prospect par un numéro unique est d'autant plus vraie que l'entreprise possède un réseau commercial développé », précise Xavier Lapeyrere, responsable marketing de Jet Multimédia. Sachant que ces numéros spéciaux tendent à basculer progressivement vers des numéros payants, après une première période où le côté gratuit a tenté un grand nombre d'entreprises.

L'attrait des numéros 800

Au travers des numéros dits “colorés”, les entreprises ne sont pas insensibles à la capacité de générer une nouvelle source de revenus, au-delà de la commercialisation habituelle des produits ou services. « Il est intéressant de constater que le passage d'un numéro gratuit à un numéro payant dépend en grande partie de la notoriété acquise par l'entreprise auprès des consommateurs et de son positionnement. Le passage sera bien sûr plus aisé pour celles qui jouissent d'une bonne notoriété », souligne Xavier Lapeyrere. Ne pas négliger non plus le fait que le gain de revenu supplémentaire, obtenu par le passage au numéro payant, est susceptible “en théorie” de financer un service client de meilleure qualité, même si l'actualité nous a parfois démontré le contraire. Le fait de faire payer au client une partie du service qu'il est censé obtenir divise quelque peu l'univers des centres de contacts, même si la balance penche vers ceux qui sont favorables au développement des numéros payants. « A moins d'être issus d'un service à caractère d'urgence, d'utilité publique ou sociale, les numéros spéciaux gratuits pour l'appelant deviennent très rares car ils posent de réels problèmes à ceux qui les instaurent. La pollution par des appels parasites est malheureusement une tendance lourde. Le passage vers un numéro payant annihile le phénomène », remarque Laurent Marcelis, directeur de la communication chez Prosodie. Par ailleurs, comme le constate Fabrice Cousin, responsable communication des numéros spéciaux chez Colt, « faire payer un service clients peut avoir une connotation positive et valorisante du service en question, car le consommateur s'attend à être mieux servi. Attention, cependant, au retour de bâton si le service réellement fourni n'est pas à la hauteur des attentes. » En matière de coûts, il est assez usuel de ne pas dépasser la tarification de 34 centimes d'euro la minute. Sachant qu'un numéro de type “audiotel” 0899 à 1,35 euro peut se justifier dans l'hypothèse, notamment, où une entreprise met en place un service de micropaiement. Le fait de composer le 0899 permet ainsi d'obtenir un code afin de s'identifier pour consulter une page web, par exemple. En outre, que les numéros 800 soient payants ou gratuits, force est de reconnaître qu'ils rencontrent un certain succès grâce, notamment, à l'image positive et dynamique conférée à l'entreprise. Selon Completel, trois Français sur quatre ont appelé un 0800 au cours des douze derniers mois. « Nous avons constaté que plus de huit personnes sur dix estiment avoir un meilleur contact lorsqu'elles sont entrées en communication avec l'entreprise via un numéro spécial », précise Sandrine Couasnon, chef de produit voix chez Completel. Déployés depuis peu, les numéros courts - numéros à 4 chiffres commençant par un 3, pouvant être gratuits (30XX ou 31XX) ou payants (32, 36, 39XX) - permettent d'accéder à des services sans avoir à composer 10 chiffres et sont utilisés, par exemple, pour des services météo, de renseignements administratifs et, bien sûr, des services clients. Les numéros courts sont attribués aux opérateurs télécoms par l'ART et ce pour un usage prédéterminé. L'attribution se fait dans un délai de trois semaines après réception d'un dossier dans lequel l'opérateur annonce précisément le type de service qui sera accessible par le numéro demandé. Aujourd'hui, cinq tranches sont ouvertes, soit 500 numéros. Il faut souligner également que ces numéros spéciaux sont pour la plupart ouverts à la concurrence. Tous les opérateurs sont donc susceptibles d'offrir cette prestation de service à valeur ajoutée aux entreprises. C'est pourquoi l'Autorité a mis au point un système de facturation pour compte de tiers, dans lequel les trois intervenants (l'opérateur de boucle locale - France Télécom -, l'opérateur nouvel entrant et l'entreprise qui fournit l'information ou le service) peuvent recevoir la part de rémunération qui leur revient. La rémunération des différentes parties apparaît sur la facture France Télécom de chaque abonné sur un volet séparé, indiquant le nom de l'opérateur contractant du fournisseur de services.

Le champ d'action des opérateurs

Aujourd'hui, trois grandes fonctions sont associées au marché des télécoms. La collecte des appels représente la première étape et s'est vu profondément remaniée suite à la déréglementation. Avec le phénomène des numéros spéciaux, il convient d'établir la tarification et le mode de reversement appropriés. Une fois l'appel collecté, le centre de contacts doit qualifier la demande du client qui peut être traitée par un SVI (serveur vocal interactif) ou via le mode DTMF (impulsion classique des touches du téléphone), ou encore par reconnaissance vocale (éventuellement assistée par un opérateur). La distribution des appels représente la dernière touche à l'édifice en permettant de relier l'appelant à l'agent de clientèle. Cet aiguillage des appels, vers la personne la plus compétente et appropriée pour apporter une réponse au client, représente un enjeu capital, puisque “l'intelligence” du routage des appels reflétera en partie l'avancée technologique du centre d'appels. « Le changement fondamental induit de la déréglementation a mis en valeur le rôle de la collecte des numéros spéciaux, mais surtout la capacité à répartir les flux de volumes d'appels. Auparavant, nous étions davantage dans une optique de répartition des flux en fonction des numéros géographiques », souligne Delphine Weiskopf, responsable des offres au sein de la division contact clients de Prosodie. Aujourd'hui, plus de 80 % de l'offre en matière de numéros spéciaux est absorbée par les centres de contacts, soit par un agent de clientèle (46 %), soit par un serveur automatique (35 %). Serveur qui est en mesure d'aller chercher des informations en temps réel dans le système d'information de l'entreprise afin d'assurer un service automatisé. A ce titre, la reconnaissance vocale semble promise à un bel avenir. Selon Prosodie, 47 % des utilisateurs préfèrent dialoguer avec un SVI en reconnaissance vocale (contre 15 % pour le DTMF), plutôt que d'attendre en ligne pour joindre un opérateur. Les centres régionaux du Crédit Agricole basculent progressivement vers ce système avec, semble-t-il, un retour plutôt positif des clients. C'est le cas également avec le 3635 de la SNCF ou de La Redoute, et très prochainement chez Darty. D'ailleurs, un service sur deux déployés désormais par Prosodie s'articule autour de la reconnaissance vocale. Quelques limites inhérentes à cette technologie persistent toutefois. Malgré d'importants progrès, le contexte d'un environnement ambiant bruyant reste un handicap important. Par ailleurs, l'ergonomie de cette technologie n'est pas forcément adaptée à tous les cas de figure, puisque le fait d'énoncer des mots clés n'est pas toujours souhaité au sein d'un environnement public. Il en va de même pour la vidéo qui commence à être déployée par les opérateurs où la possibilité de voir le visage d'un téléconseiller n'est pas forcément souhaitée et/ou souhaitable. Il est donc nécessaire d'établir une réflexion comportementale sur l'utilisation que l'on souhaite en faire avant de mettre en place un SVI en reconnaissance vocale. « De même, l'ergonomie de ce service ne doit pas être un “copier-coller” de celle d'un mode en DTMF. Il ne faut pas oublier non plus d'accompagner les futurs utilisateurs du service par une bonne information sur son fonctionnement », remarque Laurent Marcelis. Un virtuel pourtant bien réel Autre service dans lequel se sont engouffrés les opérateurs télécoms : l'offre permettant la création de centres d'appels virtuels. Ces derniers visent les mêmes objectifs que les centres de contacts “classiques”, mais en utilisant des agents géographiquement répartis dans différents endroits, tout en gardant une transparence totale pour l'appelant. Ce qui sous-entend l'utilisation de technologies de routage, de distribution d'appels et de reporting hébergées sur les plates-formes des opérateurs. Les constructeurs traditionnels d'équipements tentent de répondre à cette “virtualisation” en proposant une technologie VoIP. Les opérateurs offrent l'hébergement des infrastructures technologiques au cœur de leur réseau. Les fonctions courantes d'un centre d'appels sont alors disponibles en mode ASP. La répartition des appels sur plusieurs centres, la qualification de l'appel, le routage intelligent, etc., sont facturés à l'usage par abonnement selon l'ampleur du trafic. « Il n'est donc pas nécessaire pour une entreprise disposant d'un centre de contacts de posséder un savoir-faire technique, puisque le mode hébergé des opérateurs lui permet de suivre l'évolution technologique à sa place », précise Eytan Cohen, directeur commercial de Western Telecom. Si le choix d'un opérateur s'appuie sur un cahier des charges comprenant la nature exacte des besoins consentis, d'autres critères sont importants : couverture de réseau adaptée, possibilité de couplage avec les systèmes informatiques et télécoms, capacité à gérer le routage des appels via un Extranet, tarification suffisamment souple et qualité/sécurité de service associée.

Interview : « Les entreprises font payer un service qu'elles estiment à valeur ajoutée »

Comment les numéros spéciaux ont-ils changé le mode de fonctionnement des centres de contacts ? Un numéro spécial ou “coloré”, à la différence d'un numéro dit “classique”, ne dépend pas d'une zone géographique et se trouve associé à un prix unique. A partir de là, l'entreprise se doit d'avoir une stratégie marketing pour définir le prix (ou l'absence de prix) qu'elle souhaite pour son numéro unique. Il est primordial de se poser la question : doit-on posséder un numéro spécial gratuit, pour rapprocher le client de son service clients, ou le client doit-il payer pour bénéficier de ce service ? Quoi qu'il en soit, les numéros spéciaux ont entraîné les centres de contacts à s'équiper, soit en interne soit en mode hébergé, en infrastructure garantissant le routage intelligent des appels. A noter que Cegetel est en mesure, depuis 2005, de fournir le même routage intelligent à partir des appels classiques géographiques. Quelle est la tendance aujourd'hui ? Le début des années 2000 a vu se développer une profusion de numéros spéciaux gratuits pour le consommateur. Ensuite, nous sommes passés progressivement à la mise en place de numéros à coûts partagés et à revenus partagés. Les entreprises n'hésitent plus désormais à faire payer un service, qu'elles estiment à valeur ajoutée, à leurs clients. Encore faut-il que ce service clients soit réellement justifié. Le potentiel de ces numéros spéciaux est énorme, puisque de 22 000 entreprises les utilisant aujourd'hui, on pourrait passer à près de 200 000 durant les cinq prochaines années. L'autre tendance est celle qui consiste à faire appel à un opérateur télécom pour gérer ses infrastructures téléphoniques. Le cas des outsourceurs est à part, le marché d'équipement représentant pour eux toujours une priorité, car ils souhaitent garder la main sur leur outil de production. En revanche, pour les entreprises possédant un centre de relation client interne, la question de confier la gestion de ses équipements à un opérateur télécom se pose de plus en plus. La volonté de vouloir payer uniquement ce que l'on utilise devient cruciale. Quels sont les critères à retenir pour choisir son opérateur télécom ? La qualité du réseau doit être suffisamment irréprochable pour assurer auprès des clients des communications ininterrompues. L'opérateur se doit également de posséder un système d'information spécialement conçu et dédié aux numéros spéciaux permettant d'avoir la souplesse nécessaire à la tarification.

Interview : « Les numéros spéciaux deviennent quasiment une “marque de fabrique” »

Que pensez-vous du marché des offres des opérateurs télécoms ? Pour une entreprise, il est essentiel de se poser la question : où dois-je investir pour être en mesure de capter et fidéliser de manière efficace les clients en leur proposant une palette de canaux de communication la plus large possible ? Nous nous trouvons dans un environnement où le business model est sophistiqué, dans le sens où il y a, à la fois, du trafic et du service associés à des opérateurs, une entreprise qui commande une prestation auprès de cet opérateur, un consommateur appelant et une répartition de la valeur entre les trois acteurs. Au sein des opérateurs, il y a ceux qui sont fournisseurs et intégrateurs de services et ceux qui sont opérateurs de transport, sans oublier ceux qui possèdent les deux fonctions. A partir de là, nous rencontrons trois cas de figures : celui où le projet de création de relation client (via éventuellement un centre d'appels) n'aboutit pas, celui où l'entreprise choisit de s'équiper en interne et celui où, finalement, l'entreprise opte pour un opérateur en mode hébergé. Depuis quelques années, l'offre externalisée ASP proposée par les opérateurs semble recevoir l'adhésion des entreprises, puisque nous sommes en mesure de leur proposer une prestation de services en phase avec leur besoin et leur métier. Comment percevez-vous l'évolution de l'offre sur les numéros spéciaux ? Dans les pays anglo-saxons, de très nombreux produits sont vendus avec un numéro de service clients gratuit associé. Autrement dit, la vente de produits est accompagnée d'un support commercial pour justifier cette vente. La culture française est quelque peu différente, puisque nous sommes moins sensibles à cette forme d'accompagnement. Nous sommes en retard sur ce point, même s'il semble se combler. En revanche, nous maîtrisons bien les numéros de type audiotel (de 0890 à 0899), avec une bonne répartition en matière de rémunérations des acteurs de façon à donner un contenu à valeur ajoutée pour le consommateur. A noter aussi que l'utilisation des Numéro Vert stagne en faveur des numéros à coûts partagés (Numéros Azur et Indigo), afin d'assurer un service de meilleure qualité pour le consommateur. Par ailleurs, on assiste désormais, de la part des centres de contacts, à une véritable politique d'utilisation des numéros spéciaux, qui deviennent quasiment une “marque de fabrique”. Les entreprises communiquent sur cette marque même si, auprès des consommateurs, la perception des numéros spéciaux reste encore un peu floue. Comment voyez-vous l'avenir des offres opérateurs ? La partie transport des télécommunications est, certes, intéressante pour les opérateurs, puisqu'il y a une valeur ajoutée en termes de revenus, mais l'avenir le plus prometteur réside dans la capacité à offrir du service à l'utilisateur. Or, notre rôle est aussi de permettre aux manageurs de centres de contacts d'orienter leur système d'information de façon à créer de la valeur ajoutée à l'endroit où l'entreprise est susceptible d'en générer le plus. Une réflexion qui commence notamment sur une arborescence adaptée du SVI en fonction des compétences et des disponibilités des ressources humaines. Enfin, les opérateurs qui gagneront seront ceux qui pourront monter en volume graduellement avec leurs entreprises clientes et qui seront capables de les accompagner dans leur stratégie de relation client.

Enquête : La perception des numéros spéciaux

Voici les principaux résultats d'une étude consommateurs sur la perception des numéros spéciaux, réalisée par IDC à la demande de Cegetel, sur la base d'un échantillon représentatif de 1 000 personnes (méthode des quotas). 85 % des personnes interrogées connaissent les numéros commençant par 08XXXXXXXX. 60 % déclarent utiliser les numéros spéciaux. 66 % pensent que les prix de ces numéros sont “encadrés”. Ce qui signifie que les utilisateurs ont conscience que les prix des numéros spéciaux sont contrôlés (en effet, les prix de ces numéros suivent les recommandations de l'ART). 91 % déclarent ne pas bien connaître les tarifs appliqués à chaque type de numéros commençant par 08XXXXXXXX. Près de 80 % surestiment le prix payé pour les appels vers les numéros de types Azur et Indigo. Plus de 68 % surestiment le prix payé pour les appels vers les numéros de type audiotel. Source : Cegetel

Définitions : Libre appel, coûts partagés, revenus partagés

DLibre-appel Les services libre-appel (appelés “Numéro Vert” chez France Télécom) sont gratuits pour l'appelant, lorsque celui-ci appelle depuis le réseau fixe. L'entreprise appelée règle l'intégralité du prix de la communication à son opérateur. Ces numéros sont, en revanche, payants pour les personnes qui appellent depuis un terminal mobile. DCoûts partagés L'appelant et l'appelé se partagent les coûts entraînés par la communication. La répartition des coûts se fait différemment selon le numéro appelé. Si une personne qui appelle un numéro 0820 est facturée 0,11 euro TTC/min, le service qu'elle appelle verse pour sa part une rémunération supplémentaire à l'opérateur. DRevenus partagés Les revenus liés à la communication et au service à valeur ajoutée sont partagés entre l'opérateur de boucle locale, l'opérateur qui a acheminé la communication et l'entité appelée qui a fourni le service (exemple : informations météo, services divers de réservation, etc.). Généralement, les tarifs de ces services sont élevés. Si un consommateur compose un numéro commençant par 08 92 68 XX XX, il est facturé par France Télécom 0,34 euro TTC/min (au 1er juin 2002). Cette somme étant répartie entre France Télécom et le fournisseur de services.

Jérôme Pouponnot

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