Quand le WEB devient moteur
Comment une banque sans guichet conçoit-elle la finalité et le fonctionnement de son centre d'appels ?
Le rôle du centre
d'appels est éminemment stratégique. Nous n'avons pas d'agence, pas de guichet,
le centre d'appels constitue le point de contact entre nos clients et nous.
D'ailleurs, le terme de centre d'appels devient véritablement inapproprié. Je
préfère parler de centre de contacts. Ça n'est pas une coquetterie, cela
traduit pleinement les évolutions de la structure d'accueil de la Banque
Directe depuis son lancement il y a cinq ans. Une évolution qui se confirme à
vitesse grandissante. Au début de l'année, le téléphone, le Web, le Minitel, et
l'Audiotel se partageaient à part volumétrique égale le trafic de la
plate-forme. Aujourd'hui, si le téléphone est le dénominateur commun - dans le
sens où tout le monde l'utilise -, il n'est plus le média le plus utilisé. En
valeur absolue, son utilisation continue de croître dans la mesure où nous
avons doublé nos effectifs ces deux dernières année. Mais en valeur relative,
on assiste à un développement très sensible du Web, trois fois plus utilisé
aujourd'hui qu'il y a dix mois. Nous nous fixons pour objectif de répondre dans
l'heure aux mails de nos clients.
Les nouvelles technologies constituent donc un vecteur majeur de développement pour la Banque Directe ?
A tous les points de vue. Notre clientèle se retrouve plutôt
dans les couches urbaines, chez les cadres et chez les jeunes. Nous avons une
sureprésentation des abonnés aux services de téléphonie mobile et de
possesseurs de micro-ordinateurs. Par ailleurs, la Banque Directe est sans
doute l'un des plus importants annonceurs en ligne. Enfin, nous avons travaillé
durant près de trois ans à la mise en œuvre d'un projet informatique très
poussé, qui a représenté 100 millions de francs d'investissement. Ce système,
opérationnel depuis décembre 1998, est en fait un module de relation clientèle
intégré CTI, entièrement "maison". Nous nous sommes ces derniers mois
intensément consacrés à ce projet. De fait, nous avons mis au second plan la
stratégie purement commerciale. Aujourd'hui, nous comptons environ 60 000
clients. Et nous sommes dotés d'un outil qui va nous permettre de relancer la
machine commerciale. Nous avons d'ores et déjà commencé avec un changement de
logo et d'identité visuelle, ainsi qu'une campagne de publicité qui représente
le plus gros investissement en communication jamais engagé par la Banque
Directe, y compris pour son lancement.
Comment le centre de contact de la Banque Directe est-il organisé pour être le vecteur de cette stratégie de développement ?
Il obéit à la fois à une segmentation
par médias et à un agencement par catégories d'offre. Segmentation par médias :
une équipe de 45 personnes est dédiée au traitement des questions par
téléphone, une autre de cinq conseillers au traitement des demandes exprimées
via le mail, le Minitel et le fax. Cette dernière équipe travaillant également
en émission d'appels lorsque les dossiers nécessitent une recherche avant
l'apport d'une réponse. Agencement par catégories d'offre : cinq personnes se
consacrent au crédit immobilier, cinq autres au crédit à la consommation, et
deux conseillers sont attitrés aux clients haut de gamme, qui doivent être
appelés au moins deux fois par an. Ces trois équipes traitent les demandes
formulées par l'ensemble des médias, téléphone, Web, fax, Audiotel, Minitel,
courrier.
Il s'agit majoritairement de réception d'appels. Qu'en est-il de la dimension commerciale de votre centre de contacts ?
La vente peut également se faire en appels entrants. Une part importante des
appels aboutissant chez nous (20 % du trafic téléphonique en réception) offre
la possibilité de développer des propositions commerciales. Notre système
informatique permet aux conseillers d'avoir sur le même écran l'ensemble des
éléments croisés relatifs à l'historique de la relation avec le client et au
comportement commercial à adopter. Dès qu'un client appelle, on sait, par
exemple, s'il fait en ce moment l'objet d'une sollicitation commerciale ou s'il
a été récemment contacté dans ce sens, soit par téléphone, soit par mailing,
soit par mail... Ce qui nous permet d'avoir une politique commerciale
extrêmement personnalisée et pas vainement agressive. Par ailleurs, nous menons
de régulières actions commerciales en émission, de manière ponctuelle à
certains moments de l'année, ou de manière plus régulière, ou encore à
l'occasion de welcome calls : un mois, un mois et demi après toute souscription
de contrat, nous appelons nos clients pour un contact de redécouverte, qui
constitue une excellente opportunité pour les offres commerciales.
La télévente est-elle confiée à une équipe spécifique ?
Non. Notre outil informatique nous permet justement de ne pas isoler la vente
de l'ensemble de la relation client. En revanche, un superviseur est
exclusivement dédié à la vente sur le centre de contacts.
A quel type de numéro avez-vous recours ?
Nous fonctionnons selon une
organisation en deux marchés : les clients et les prospects. Pour la clientèle,
nous avons recours à un numéro RTC sur Paris et à un numéro à coût partagé sur
la province. Pour les prospects, nous utilisons des Numéro Vert différents
selon le type de média utilisé afin d'identifier les rendements et d'analyser
la pertinence du médiaplanning. Mais, encore une fois, le téléphone n'est pas
le seul canal d'accès à la Banque Directe. Il l'est de moins en moins. 25 % des
prospects nous contactent par le Web. Nous sommes d'ailleurs en train de mener
une étude sur l'efficacité de la relance commerciale sur les différents
médias. Quels sont les objectifs fixés en matière de productivité et de
qualité de service ? Le taux de prise d'appels varie bien sûr en fonction des
conseillers et de la tâche confiée aux différentes équipes. Nous nous sommes
fixé un seuil maximal de 5 % d'appels perdus, sachant que nous incluons dans
cette part le lot des "moins de 3 secondes", c'est-à-dire cette somme d'appels
qui sont interrompus par les clients ou prospects presque immédiatement après
que le numéro a été composé. Quant aux 95 % d'appels pris en compte, ils
doivent être traités dans les dix secondes. Il peut bien sûr nous arriver de ne
pas honorer ces objectifs - ce fut parfois le cas aux débuts de la Banque
Directe -, mais, de manière générale, nous les dépassons, y compris le lundi,
qui est pour nous un jour chargé au niveau du trafic entrant. En septembre
dernier, nous avons enregistré un taux de qualité de traitement de 4,41 %
d'appels perdus, en descendant même un lundi à 3,5 %. Nous n'avons recours à
l'externalisation que dans le cadre de nos campagnes publicitaires de
prospection en télévision. Auquel cas nous travaillons avec Téléperformance.
Pour le client, comment se passe l'entrée en contact avec le conseiller ?
Le premier contact a lieu avec une machine. Nous
avons fait le choix d'un filtre Audiotel qui traite quelque 700 000 appels à
l'année. On peut considérer qu'aujourd'hui les deux tiers des clients se
satisfont de l'Audiotel et qu'un tiers d'entre eux désirent être mis en contact
avec un conseiller. Lorsque le client appelle, il lui est demandé de
s'identifier par son numéro de compte et les deux premiers chiffres de son code
confidentiel. Il peut alors effectuer toutes les opérations souhaitées à partir
de l'Audiotel ou être orienté vers un interlocuteur. Notre objectif étant bien
sûr d'augmenter la part du serveur vocal interactif dans la somme des appels
traités.
Quel est le profil des conseillers de la Banque Directe ?
Ils sont recrutés à niveau bac + 2, généralement en BTS action
commerciale. Pour l'heure, nous n'avons pas de mal à recruter, sauf pour les
postes de nuit ou en horaires décalés puisque nous sommes accessibles 24 heures
sur 24, six jours sur sept.
Comment s'organise la formation ?
La formation initiale s'opère sur une durée de six mois, avec
alternance de travaux pratiques sur le plateau et d'enseignements théoriques.
Cet apprentissage, tout comme la formation continue, est confié à une équipe de
"supervision qualité", qui travaille donc également en aval, notamment sur les
nouveaux produits et services de la banque. Nous sommes en outre en train de
mettre sur pied une école interne. L'équipe de formation se consacre
quotidiennement à évaluer le travail des conseillers, en termes de
productivité, en termes commerciaux et en termes de qualité de service. Nous
sommes par ailleurs en train de travailler avec un cabinet extérieur sur
l'image donnée aux clients, image des conseillers, image de la banque, image de
l'offre de la banque. Ce, afin de construire un "cadre de référence de l'oral"
pour guider le comportement des conseillers. Nous voulons tout mettre en œuvre
pour que le client se sente bien et que se dégage un sentiment de proximité
entre la Banque Directe et sa clientèle.
N'êtes-vous pas handicapés par un phénomène de turn-over ?
Le taux de turn-over
est, je pense, sensiblement identique à celui que connaissent les entreprises
travaillant avec de jeunes gens. Cela étant, nous savons fidéliser le
personnel. Nous recrutons en grande majorité des étudiants à la sortie de leur
BTS. La Banque Directe est donc, pour une bonne partie d'entre eux, leur
premier employeur. Or, la moyenne d'âge sur le centre de contacts est de 27
ans. Cette fidélisation repose sur un certain nombre de critères et de
pratiques en cours au sein de la Banque Directe. Comme l'encouragement à
"tourner" sur les différentes entités de production, et la possibilité
d'accéder très vite à des fonctions hiérarchiques. Il faut bien se rendre
compte qu'un conseiller traite chez nous dix fois plus de dossiers qu'un agent
derrière un guichet. Ce qui confère à chacun de nos collaborateurs une
expérience solide du métier. Au bout d'un an, un conseiller peut très bien
devenir chef d'équipe.
Existe-t-il un système d'intéressement aux résultats pour le personnel ?
Il existe pour l'ensemble de
l'entreprise Banque Directe un intéressement global. Mais, en ce qui concerne
le centre de contacts, nous avons préféré mettre en œuvre une politique de
promotion. Celle-ci repose autant sur des critères propres à l'efficacité
commerciale, à la productivité et aux techniques comportementales. Nous
travaillons sur la base de suivis hebdomadaires. Nous pouvons alors accorder
des promotions, non pas sous forme de variable, mais sous forme d'augmentation
salariale. Chez Banque Directe, les conseillers sont recrutés avec un niveau de
salaire initial de 115 000 francs annuels.
Banque Directe
Créée en septembre 1994 , Banque Directe enregistrait au début de l'année 1999 de l'ordre de 1,5 milliard de dépôts gérés et employait 154 salariés. Aujourd'hui filiale de BNP Paribas, l'établissement compte environ 60 000 clients.