Performance: quels indicateurs choisir?
«Durant des années, les centres d'appels ont été perçus comme des centres de coûts. Les directeurs de la relation client veulent désormais les positionner comme des créateurs de valeur pour l'entreprise», constate Fabrice Marque, responsable offre service client d'Accenture. Or, pour connaître des résultats, il convient de les mesurer. Logique, certes, mais il faut bien reconnaître que ce n'était pas forcément le cas au début des années 2000. Les centres de contacts, même en tant que centres de coûts, «surfaient» alors sur un dynamisme de croissance insufflé par les entreprises soucieuses de s'équiper de plateaux... à tout prix. Mais la donne a changé. Aujourd'hui, la rationalisation des dépenses est devenue incontournable. Les centres de contacts n'étant pas épargnés, s'est développé un besoin encore plus important d'équipement en tableaux de bord. «La grande tendance porte sur la capacité à sortir des indicateurs en «temps réel», car le «temps réel» entraîne une action immédiate. Cette tendance est renforcée par un mouvement initié depuis quelques années qui voit les éditeurs CRM se rapprocher des éditeurs de Business Intelligence afin d'être en mesure de qualifier le plus rapidement possible les actions immédiates», explique Karine Palacios, directeur centre de contacts nouvelle génération de BT France.
Autre évolution: les managers opérationnels (superviseurs, chefs d'équipe, chefs de plateau, etc.) ne se contentent plus uniquement de ce que les éditeurs leur proposent. «Il y a quelques années, les responsables opérationnels des centres de contacts utilisaient seulement les fonctions proposées par les éditeurs de logiciels.
Ils sont devenus aujourd'hui très demandeurs d'outils sur mesure ou spécifiques», confirme Frédéric Belle-mere, responsable France, cellule centre de contacts chez Telindus. Fabrice Marque va encore plus loin en affirmant: «Au risque de froisser certains éditeurs, tous les outils CRM d'aujourd'hui font à peu près la même chose en proposant, d'une manière efficace, sensiblement les mêmes fonctionnalités avec des liens encore plus étroits entre la gestion du back-office et le front-office.»
Mesurer régulièrement la qualité de son service clients est non seulement utile mais essentiel. Certains indicateurs sont à regarder de près, car ils seront les premiers à faire apparaître un éventuel dysfonctionnement dans les processus. Il existe un principe de base qui consiste à aligner les mesures de performance d'un centre d'appels par rapport à certains objectifs que l'entreprise s'est fixés. Il est ainsi possible de prendre en compte la moitié des appels décrochés et être pour autant en phase avec les objectifs fixés. Le tout étant de savoir ce que l'on veut mesurer: la qualité de réponse aux clients? L'augmentation des ventes? L'image de l'entreprise? Tout en même temps? Combiner les objectifs du centre de contacts avec ceux de l'entreprise, ne serait-ce pas finalement l'idéal? Un idéal loin d'être atteint...
Il est aussi souhaitable de percevoir la performance, non seulement relative au centre de contacts mais aussi, et surtout, au client. Dans le cas d'un centre d'appels orienté service clients, il convient d'apporter un service disponible avec une fiabilité dans les réponses. Dans le cas d'un centre d'appels orienté plus «commercial», il s'agit d'obtenir un chiffre d'affaires adéquat. Un centre d'appels doit établir un équilibre entre des paramètres de satisfaction client, de satisfaction des téléopérateurs et aboutir à une rentabilité économique. La mise en place d'indicateurs prend alors tout son sens.
Fabrice Marque (Accenture):
«Durant des années, les centres d'appels ont été perçus comme des centres de coûts. Les directeurs de la relation client veulent désormais les positionner comme des créateurs de valeur pour l'entreprise.»
Trois catégories d'indicateurs
Un tour d'horizon des indicateurs de performance amène à les classer, schématiquement, en trois catégories relatives aux agents, aux superviseurs et enfin aux chefs de plateau. Les agents sont concernés par des indicateurs capables de mesurer le temps de décroché, la durée moyenne de traitement (DMT), avec une évolution vers la durée moyenne de conversation (DMC). «Aujourd'hui, les durées moyennes de conversation sont de plus en plus prises en compte par les indicateurs prioritaires, puisqu'il s'agit de savoir combien de temps l'agent a passé avec un client. Et, plus précisément, de savoir combien de temps il passe réellement à vendre un produit; la mise en attente ou la recherche de documents étant retirées de cet indicateur», précise Carine Bour, consultante en accompagnement au changement dans les centres de contacts chez NextiraOne. Les ratios de temps de présence par rapport au temps passé au téléphone, ainsi que la qualification des appels à la fin de la communication, sont également davantage pris en compte.
Certains indicateurs concernent directement les superviseurs. En premier lieu, le taux d'abandon des appels. «Le superviseur doit être en mesure de faire la différence entre les appels qui ont été reçus et ceux qui ont été traités. Le mieux étant de savoir à quel moment les abandons ont été constatés afin de tenter d'expliquer pourquoi les clients cessent la communication», commente Carine Bour. Ne pas oublier aussi, les DMT par type de canal: téléphone, e-mail, courrier, etc.
Le temps d'attente est bien évidemment l'un des indicateurs fondamentaux. La «règle» des trois sonneries, répandue dans la profession, admet que, lorsqu'un client attend plus de trois sonneries, le risque qu'il soit plus énervé et stressé est réel. De même, les systèmes automatiques de mise en attente ne doivent généralement pas excéder 120 secondes. En outre, le degré d'acceptabilité d'un temps d'attente diffère beaucoup en fonction de la patience des personnes...; la solution idéale étant de communiquer au client ce temps d'attente. Une initiative encore trop rare aujourd'hui. Mais, en contrepartie, il faut reconnaître qu'annoncer ce temps d'attente peut ajouter une pression supplémentaire sur les épaules des agents de clientèle qui, certes, peut leur permettre d'accélérer la cadence... mais peut également générer une baisse de qualité dans la façon de délivrer les réponses aux clients.
Carine Bour (NextiraOne):
«Aujourd'hui, les durées moyennes de conversation sont de plus en plus prises en compte par les indicateurs prioritaires, puisqu'il s'agit de savoir combien de temps l'agent a passé à vendre son produit.»
Débat autour du temps d'attente
Lorsqu'un consommateur contacte un service clients, il est légitime qu'il puisse obtenir une réponse efficace, qui lui apporte non seulement satisfaction, mais également, et pourquoi pas, une dose de plaisir. Or, se fixer des objectifs relatifs au temps moyen par appel n'apporte que peu de bénéfices à long terme. Cet indicateur pouvant même aller à l'encontre des attentes du consommateur. En effet, une réponse trop rapide à une problématique précise peut engendrer une incompréhension, une frustration; autrement dit, des complications qui peuvent à leur tour entraîner un client à multiplier ses appels pour obtenir une réponse satisfaisante à sa question. Ceci est d'autant plus vrai que le client dispose déjà d'une batterie d'informations et de réponses plus importantes que par le passé en raison de la multiplication des solutions en self-service (que ce soit via des SVI ou en ligne).
Un nombre croissant de centres de contacts se fixent comme indicateur de performance prioritaire le «First Call Resolution» (la résolution au premier appel). L'atteinte de cet objectif est grandement simplifiée par le déploiement, assez récent, de solutions technologiques adéquates. Grâce à son numéro de téléphone, le client est immédiatement identifié et orienté vers les agents les plus qualifiés pour lui apporter une réponse efficace. Il est fort probable que les entreprises qui offrent une efficacité maximum dans le service fourni arrivent ainsi à minimiser les coûts de fonctionnement de leur centre de relation client.
Autre catégorie concernée par les indicateurs, les responsables de plateau. Ils doivent connaître le niveau de qualité de service, autrement dit calculer le ratio entre les appels reçus et les appels traités. Ils vont surtout observer le type de clients qui appellent et à quel moment ceux-ci déclenchent leur appel, tout en scrutant le taux de satisfaction, à la fois de l'agent et des clients. Plusieurs méthodes sont utilisées comme les sondages post-appel avec des campagnes de relance par téléphone ou par e-mail, rarement par courrier. «Un responsable de site doit en permanence se demander quel est le canal le plus utilisé pour déterminer le type de recrutement à lancer. Soit il s'oriente vers un agent à l'aise avec le langage parlé, soit vers quelqu'un davantage spécialisé dans l'écrit», précise Carine Bour. Les temps d'attente sont également observés, notamment les deux extrêmes, afin de comprendre les principaux dysfonctionnements d'un plateau.
Si l'on monte plus haut dans la hiérarchie (directeur de centre, directeur de service clients, etc.), on observe aujourd'hui une connaissance globale plus importante du fonctionnement d'un centre de contacts et des indicateurs utilisés. Néanmoins, certaines lacunes sont toujours observées. Certains centres de contacts ont tendance à vivre sur leur problématique opérationnelle, sans pour autant être reliés aux enjeux de l'entreprise. Les critères de performance sont liés aux enjeux stratégiques de l'entreprise et au niveau de maturité du site. En réalité, il faut en permanence revenir sur les enjeux stratégiques de l'entreprise pour savoir si son centre de contacts est en adéquation avec le reste de l'entreprise. Et ce sans pour autant remettre en cause les basiques d'un centre d'appels: disposer du bon nombre de téléopérateurs, assurer une bonne qualité de service, etc. La marge de progression des entreprises françaises sur l'intégration et le potentiel de leurs centres de contacts reste encore importante, même si des progrès sont visibles.
Les grandes familles d'outils
Les indicateurs de performance peuvent être répartis en deux grandes familles: d'une part les indicateurs en temps réel et d'autre part les statistiques historiques. «Le temps réel sert au pilotage quotidien du centre d'appels afin de déterminer si le centre est sur ou sous-staffé» indique Frédéric Belle mere. Ainsi parmi les incontournables figure encore et toujours l'ACD pas seulement en tant qu'outil capable de distribuer les appels. Il doit permettre de distribuer les contacts quel que soit le canal tout en étant capable de faire du «virtuel» de manière à pouvoir multiplier les sites le cas échéant.
Les outils de workforce management constituent une autre grande famille. «Ces outils sont en mesure d'analyser la volumétrie des appels et peuvent ainsi indiquer au superviseur quel est le nombre d'agents à positionner», détaille Frédéric Bellemere. On y retrouve tous les outils de planification des ressources humaines, avec l'établissement du prévisionnel d'appels, pour ensuite analyser en temps réel les variations par rapport aux prévisions.
Autre grande famille, celle des outils de quality monitoring qui sont clairement positionnés vers l'aspect qualitatif. Les outils d'enregistrement, concernant aussi bien la voix que l'écran, et les outils d'évaluation permettent ainsi de déterminer une liste de bonnes pratiques et de relever les mauvaises en tant qu'exemples à ne pas suivre. «Face aux contraintes administratives et légales, le déploiement n'est pas aussi développé que l'on aurait pu le penser, même si les demandes pour obtenir ce type d'outil sont en forte hausse», souligne Frédéric Bellemere. L'absence de ce type d'outil risque d'entraîner l'agent sur un schéma de réponses «robotisées». Pour cela, la capacité à composer avec les bonnes pratiques des personnes, enrichit considérablement le panel de réponses. Sans oublier de «matcher» ces enregistrements avec les enquêtes de satisfaction avant de repenser régulièrement les critères d'évaluation pour être sûr d'être en phase avec les attentes des clients.
La famille des outils de reporting fait entrer les centres d'appels qui les possèdent dans une dimension supérieure. Il s'agit d'assembler les résultats venant des ACD, ceux du workforce management, ceux du quality monitoring et des divers applicatifs de l'entreprise afin d'effectuer une analyse plus fine de la situation, par agent, par métier, par type de clients, etc. La dernière famille d'outils réunit les outils de knowledge management, mais rares sont les centres d'appels qui en sont équipés. Le secteur des télécoms peut se targuer d'en posséder en raison d'une grande variété d'offres marketing qui justifie leur utilisation.
Les enquêtes de satisfaction en relais
La performance d'un service clients ne peut se mesurer uniquement par des indicateurs quantitatifs; le qualitatif doit tôt ou tard entrer en jeu. C'est le cas notamment des enquêtes de satisfaction qui permettent de se faire une meilleure idée sur la qualité réellement perçue par les consommateurs. Leurs enseignements sont souvent moins utilisés mais regorgent néanmoins d'informations non négligeables. Le panel de clients choisi dans ce cas peut être soit aléatoire, soit représentatif. Dans certains cas, ce sont même l'ensemble des clients qui sont interrogés pour obtenir un point de vue conforme à la réalité. Ces enquêtes de satisfaction ont pour but d'identifier aussi bien la perception que les clients peuvent avoir du temps d'attente et de traitement que la qualité de la réponse. Généralement, la satisfaction globale portant sur la qualité du contact avec le service clients est mise en lumière: manière dont s'est déroulé le contact, temps d'attente, facilité à joindre le bon interlocuteur, etc. La perception de la notion d'escalade (passage d'un niveau 1 à un niveau 2) est également prise en compte lors de ces enquêtes.
Au-delà de l'enjeu constitué par le choix des bons indicateurs de performance, il convient finalement de définir les objectifs les plus pertinents en essayant de mesurer la perception et la notion d'expérience client, et pas systématiquement le degré de satisfaction sur le produit/service d'une entreprise. En effet, être satisfait ne garantit pas la fidélité; le niveau d'expérience face au service clients étant de plus en plus décisif.
Les Key Performance Indicators (KPI) les plus utilisés
- Volume de flux (nombre d'appels).
- Taux d'efficacité, équivalant au taux de résolution au premier appel.
- Nombre d'appels abandonnés. Il permet de connaître la taille de ses capacités humaines.
- Nombre d'appels pris avant un laps de temps déterminé. Son taux est souvent fixé à 80% des appels décrochés en moins de 20 secondes.
- Durée moyenne de conversation (DMC).
- Taux d'abandon client. Même s'il est très difficile à mesurer, ce taux est un moyen de constater une mauvaise qualité de service pour un centre d'appels. Temps d'attente.
- Nombre d'heures de production.
Les quatre niveaux de mesure de la performance
1- La performance souhaitée par l'entreprise.
2- La performance délivrée et mesurable.
3- La performance attendue par le client via une bonne adéquation entre ce que l'entreprise souhaite fournir et ce que le client souhaite obtenir.
4- La performance perçue par le client, susceptible d'être différente de celle estimée par l'entreprise. Il est en effet très fréquent de constater un écart entre ce que le client pense être acceptable en termes de temps d'attente et le délai lui aussi jugé acceptable selon les critères retenus par les managers de centres d'appels.