PIERRE-ANTOINE LAGE VIRGIN MOBILE
Directeur du service client: Soutenu par des offres en rupture, une communication puissante et décalée et une marque forte, Virgin Mobile est devenu en trois ans le quatrième opérateur de téléphonie mobile en France. Positionné sur la proximité, le MVNOMVNO pour Mobile Virtual Network Operator, (opérateur de réseau mobile virtuel) entend être aussi bien proche de ses clients que de ses outsourceurs, considérés avant tout comme des partenaires.
Existe-t-il, selon vous, des caractéristiques propres à la relation client dans le secteur des télécommunications ?
La relation client est sans doute plus développée dans les télécommunications que dans d'autres secteurs. Les opérateurs sont des donneurs d'ordres ayant d'importantes activités, avec des motifs de demandes de la part des clients relativement similaires : problèmes de facturation, de tarifs, de changement de mobile... Toute la différence va se faire dans la façon dont le service va être rendu, dont le client va être traité. Chez Virgin Mobile, nous avons fait le choix de la simplicité à la fois dans nos offres, dans les process et dans le discours avec nos clients. A la simplicité qui amène la satisfaction client, nous ajoutons la proximité, au coeur des valeurs de notre marque. C'est pourquoi, nous mettons tout en oeuvre pour «détendre» nos clients, avec des chargés de clientèle eux-mêmes détendus. Par exemple, nous demandons au client s'il veut bien être appelé par son prénom. Mais nous ne le tutoyons pas pour autant. Avoir une relation de proximité n'empêche pas le respect.
Sur un plan global, les problèmes de fidélisation ne sont-ils pas devenus plus importants que ceux de conquête ?
Effectivement, le poids de la fidélisation devient plus important pour l'ensemble du secteur et, en particulier, pour les acteurs installés depuis longtemps. Chez Virgin Mobile, notre base clients est encore récente. Avec un objectif ambitieux de 2 millions de clients à fin 20 1 0, nous sommes à la fois dans une phase de conquête et de fidélisation. Au-delà de la fidélisation des clients, la relation avec le service client devient un moment de contact privilégié entre le client et l'entreprise. Le passage dans les boutiques existe toujours mais une grosse partie de la relation se fait davantage via le service client, le site web... Le poids du service client est donc devenu plus important. D'une manière générale, quel que soit le secteur ou l'entreprise, on est passé d'un service clients qui était un peu «un mal nécessaire» (il faut que quelqu'un décroche pour répondre au client) à un outil incontournable pour maintenir le contact avec le client, pour le fidéliser et éventuellement lui vendre d'autres produits. C'est un vrai levier de marketing one-to-one et de développement de la valeur au sein de l'entreprise.
A quels facteurs attribuez-vous le succès de Virgin Mobile en France ?
Nous avons été l'aiguillon, l'agitateur du marché avec des lancements fortement innovants et qui ont entraîné derrière eux l'ensemble du marché. Par exemple, ceux des premières offres avec SMS illimités, dès notre lancement en avril 2006, ou des SMS à 1 centime d'euro en prépayé et en forfait bloqué. Récemment, nous avons lancé les premières offres grand public 100 % illimitées avec la gamme de forfaits Paradyse, qui sont déjà un très grand succès avec plus de 100 000 forfaits en trois mois, dont 90 % de nouveaux clients. Et, même si j'anticipe, on peut supposer que le marché va suivre.
Au-delà de l'offre tarifaire et de la mise à disposition de services sur mesure, comme un SAV Express, nous avons dès le départ proposé une large gamme de terminaux innovants et misé sur la distribution. Aujourd'hui, nous avons 2 000 points de vente et 26 000 points de recharge. Auxquels s'ajoutent notre site web (plus d'un million de visiteurs uniques en septembre dernier, selon Médiamétrie// NetRatings) et un canal de télévente entrante, le 1005, complémentaire du Web. Et, bien sûr, parmi les facteurs-clés de succès, il y a la marque elle-même, qui s'est vite installée avec une forte notoriété et un positionnement clair d'opérateur alternatif.
Quelle est la place de la relation client au sein de la stratégie de Virgin Mobile ?
C'est une priorité partagée par toute l'entreprise. Ce que démontre, par exemple, le fait que tout collaborateur qui entre chez nous, quel que soit son service, va sur un centre d'appels dès qu'il arrive. C'est une volonté de lui faire entendre nos clients, lui faire comprendre ce dont ils ont besoin, comment on les gère, comment on leur répond, etc. C'est un élément-clé. Autre exemple : le comité exécutif se déplace régulièrement sur nos deux sites externes et échange avec les chargés de clientèle. Nous allons aussi régulièrement sur ces sites faire des «road shows» pour parler de l'entreprise et de ses projets. C'est une façon d'impliquer les chargés de clientèle dans la vie de l'entreprise. Un chargé de clientèle sera encore meilleur s'il adhère à la marque, à l'entreprise et s'il a compris ce qu'elle voulait faire. On ne peut pas anticiper toutes les demandes de nos clients et, à un moment donné, c'est le chargé de clientèle qui va avoir une partie de la décision en mains. Et, même si nous avons des process à respecter, nous avons choisi d'en limiter la complexité afin de laisser une certaine autonomie au chargé de clientèle.
Quel est votre champ personnel de responsabilités ?
Une fois le client acquis, je le gère tout au long de sa vie. A travers les activités de service client, de SAV et au-delà, de fidélisation, qui est un domaine sur lequel nous travaillons en commun avec le marketing, mais pour lequel la relation client est porteur et moteur. La relation client est un élément-clé de l'organisation, en tant que vecteur de la marque et point de contact avec les clients.
Comment est organisé le service client?
Nous n'avons pas en interne de centre de contacts. Nous travaillons depuis notre lancement avec des professionnels, Teleperformance, à Laval, et Webhelp, à Vitré. Ces centres traitent à la fois les appels, le courrier et les mails. Et nous avons souhaité développer la polyvalence des conseillers afin qu'ils puissent gérer l'ensemble du spectre du service client. Pour nos partenaires, cela permet de faire évoluer les chargés de clientèle et de créer de véritables parcours professionnels. Et nos clients bénéficient d'un meilleur service, grâce à une meilleure qualité du discours.
Quelle est votre philosophie vis-à-vis de l' outsourcing ?
Je suis intimement convaincu que la relation client à distance est un métier de spécialiste et, à ce titre, qu'il vaut mieux la déléguer. Je ne vois pas la valeur ajoutée apportée par le fait d'avoir des activités de centre d'appels en interne. Il existe des méthodes de pilotage, des outils de reporting ... qui ont du sens à être mutualisés sur plusieurs clients. On bénéfcie également de plus de souplesse en passant par un outsourceur, surtout s'il dispose d'une certaine taille, parce qu'il peut créer de la fexibilité entre différentes activités. De plus, gérer un centre en interne peut, dans certains cas de fgure, être un frein dans la gestion de l'évolution de l'activité. Je pense aussi que l'on va plus vite avec un prestataire externe.
En revanche, il faut être dans une relation de partenariat. Si votre prestataire est votre «sous-traitant», avec une relation purement contractuelle, cela ne marchera pas.
Chez Virgin Mobile, nous avons construit depuis 2006 des relations très fortes et partenariales avec chacun de nos deux prestataires. Nous nous sommes engagés dans la durée avec eux, tout comme ils l'ont fait vis-à-vis de nous, puisque l'un et l'autre ont construit leur centre pour nous, même si l'un est aujourd'hui multiclient. Ce partenariat vit et se construit quotidiennement : nous les associons à la vie de l'entreprise et, de leur côté, ils sont plutôt proactifs par rapport à l'organisation même du service client. Tout cela marche bien, aussi, parce que nous avons mis en place beaucoup de reporting, d'indicateurs, quantitatifs et qualitatifs, nous permettant d'auditer, de vérifier que nous délivrons bien la qualité souhaitée. Et, si nous les benchmarkons, nous sommes dans une vraie relation de proximité, avec nos partenaires comme avec nos clients.
Côté clients, qu'avez-vous mis en place?
Nous avons un baromètre de satisfaction permanent, qui est notre «juge de paix». Nos clients nous renvoient des résultats dont nous sommes très fers et qui progressent dans le temps. Aujourd'hui, 90 % d'entre eux sont satisfaits de la réponse apportée à leur problème, 91 % trouvent que notre service client est meilleur que celui de leur opérateur précédent, 92 % recommanderaient Virgin Mobile, selon une étude Maxiphone 2009.
Depuis 2008, vous disposez d'une cellule en home-shoring. pour quelles raisons et avec quels résultats ?
C'est une expérience que nous avons démarrée avec Webhelp. Aujourd'hui, nous avons une quinzaine de chargés de clientèle, plutôt expérimentés, qui travaillent de chez eux, mais aussi régulièrement sur le site. Nous avons lancé cette expérimentation parce que nous considérons qu'un conseiller qui est bien dans son environnement de travail, détendu mais sérieux, est un conseiller qui va encore mieux traiter son client. C'était aussi un moyen de donner encore plus envie de travailler pour nous à certains de nos chargés de clientèle pouvant avoir des contraintes d'emploi du temps, de déplacement... Enfin, c'est aussi le moyen de couvrir plus facilement certaines tranches horaires, même si nous n'avons pas encore mis en oeuvre cette possibilité. Ce type de dispositif peut aussi être très utile, par exemple, dans le cadre de la continuité d'activité en cas de Grippe A. Aujourd'hui, nous constatons que nous avons plutôt de meilleurs résultats en home-shoring, au niveau de la productivité, de la satisfaction des clients... , que sur le plateau. Mais il est vrai qu'il s'agit de conseillers confirmés, relativement autonomes dans leur métier.
Le canal mail est-il un canal qui se développe?
Oui. Nous avons pris le parti de l'ouvrir et c'est un canal que l'on souhaite continuer à développer et enrichir. Même si, quelle que soit l'activité, la difficulté du mail par rapport à l'appel, c'est que la demande n'est pas toujours très bien qualifiée. C'est un média intéressant si l'émetteur a une demande simple et bien expliquée. Sinon, elle génère de l' aller-retour
Ressentez-vous la tendance générale à l'automatisation ?
Pour le client, l'intérêt du self care est d'être gratuit et ouvert 24 h/24. Il est plutôt convivial et en particulier pour des clients qui veulent venir de façon récurrente. C'est un vrai bénéfice client en complément de notre «Room Service», notre service client. Nous avons un self care plutôt bien développé et probablement plus que ce que peuvent avoir les MVNO, du fait de notre cible qui est en forte appétence. Aujourd'hui, nous réalisons environ 40 % de nos actes en self care. Nous avons par ailleurs plus de 50 % de notre parc clients qui utilise les factures dématérialisées.
Comment voyez-vous l'évolution de votre fonction, sur un plan général ?
C'est une fonction qui prend du poids dans l'entreprise et d'autant plus avec Internet qui est un canal de contact et de business important. Il y aura toujours du marketing classique, mais le one-to-one se développe et le service client en est un des bras armés. D'une manière générale, les entreprises sont dans des approches de plus en plus segmentées, avec des offres qui le sont aussi et une relation client également de plus en plus segmentée.
PARCOURS
Ingénieur diplômé de l'Ecole Centrale Paris (1988), Pierre-Antoine Lagé, 43 ans, a démarré sa carrière dans le conseil, chez Bossard Consultants où il restera cinq ans. En 1995, il rejoint le secteur des télécommunications en entrant chez SFR. Il passera dix ans au marketing produit, sur le développement des usages des nouveaux services B to B et B to C, puis quatre ans dans le domaine de la relation client ; au départ au sein de la direction des études et méthodes puis en charge du rapprochement avec 9 Telecom. En juin 2009, Pierre-Antoine Lagé rejoint O mer Telecom (Virgin Mobile, Breizh Telecom, Tele2 Mobile) en tant que directeur du service client.
Virgin Mobile
Lancé en 1999 au Royaume-uni, Virgin Mobile est aujourd'hui le premier opérateur alternatif au monde, avec plus de 12 millions de clients et sept implantations (afrique du Sud, australie, canada, Etats-unis, France, inde et royaume-uni). L'activité a été lancée en France, le 3 avril 2006, par Omer Telecom (joint venture entre les groupes Virgin et carphone Warehouse présidé par Geoffroy roux de Bézieux. avec l'acquisition de Tele 2 Mobile en octobre 2009 (sous réserve de l'autorisation de l'autorité de concurrence), O mer Telecom réunit actuellement plus de 1,6 million de clients. avec pour objectif d'atteindre les deux millions d'ici fin 2010.
Service client : 40 000 à 50 000 appels par semaine, avec une qualité de service de 90 %. 10 000 courriers et e-mails chaque semaine traités en moins de 5 jours pour les courriers et moins de 48 heures pour les mails. Les contacts sont traités à Laval (53) et à Vitré (35) par environ 400 conseillers dédiés, ayant 29 ans de moyenne d'âge.