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Le téléphone au secours du e-commerce

Le décollage trop lent du e-commerce oblige les sites transactionnels à multiplier les initiatives pour satisfaire les internautes et les inciter à acheter en ligne. Les sites web ont donc tout intérêt à se doter de centres d'appels pour les rassurer. Mais, pour que le couplage d'un call center et d'un site marchand soit réussi, il faut combiner les bons outils technologiques à une organisation performante. Sans tomber pour autant dans la fascination du "tout techno".

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Les chiffres parlent d'eux-mêmes : installer un centre d'appels en soutien d'un site web marchand ferait augmenter le nombre de transactions de 20 à 30 %. Une évaluation non négligeable en ces temps difficiles pour l'ensemble des acteurs de l'ex-"nouvelle économie". Pour Fabrice Delaporte, directeur général de Snarx e-customer care, prestataire en call center et CRM, un centre d'appels peut être rentable pour un web transactionnel si le panier moyen et le volume d'appels sont suffisants : « Il faut dégager une marge d'environ 100 francs par transaction et générer un nombre d'appels conséquent. » Mais, créer un call center pour supporter un site marchand implique la résolution de certains points critiques. Philippe Clapin, responsable du marché des biens d'équipement chez Orga Consultants (filiale conseil de Sopra), en a déterminé trois principaux. Tout d'abord, la technologie. « Il faut éviter la rupture entre les canaux », estime-t-il. Ensuite, le call center doit posséder une valeur ajoutée supérieure à un centre d'appels classique. « Il y a déjà beaucoup d'information sur le site. Si les téléopérateurs ne font que répéter ce que le client a déjà lu en ligne, ça ne peut pas fonctionner. » Et enfin, les opérateurs doivent être dotés de capacités de négociation. « Ils peuvent, par exemple, prendre des engagements sur les délais de livraison », détaille Philippe Clapin, pour qui, si ces trois points ne sont pas respectés, les résultats attendus ne seront pas au rendez-vous. Les exploitants de sites web doivent-ils pour autant se précipiter sur les solutions de web call center ? « Attention, prévient Christophe Fulcran, responsable des contacts centers chez Deloitte Consulting. Cela peut donner une image exceptionnelle comme désastreuse ! » Prudentes, les entreprises gérant des sites web le sont déjà, puisque la ruée annoncée sur les solutions de web call center n'a pas vraiment eu lieu. « Au Seca 1999, on n'entendait parler que de ça. Deux ans plus tard, à part La Redoute, très peu de sites ont intégré ce type de solution », estime Nicolas Morel, consultant chez PA Consulting Group. Selon Philippe Clapin, seuls 10 % des centres d'appels sont de véritables web call centers.

LES BOUTONS DE RAPPEL PLÉBISCITÉS


Ce qui n'empêche pas les fournisseurs de proposer toute une gamme d'outils visant à améliorer les interactions entre Internet et centre d'appels. « Si on développe le mode transactionnel sur un site, les clients doivent pouvoir contacter la société via n'importe quel média », affirme Jean-Philippe Sloves, directeur marketing d'Avaya. Et de citer en exemple le secteur bancaire, qui propose à ses clients un réseau d'agences, un accès au Minitel, au Web, aux téléphones portables et au téléphone via des call centers. Philippe Cassoulat, associé chez Valoris et responsable du centre d'expertise CRM, énumère les moyens d'interaction possibles. D'abord, le téléphone, puis l'e-mail et les formulaires avec bouton de rappel (call back). Viennent ensuite chat et co-browsing et enfin la voix sur IP. « C'est le système le moins utilisé car on ne connaît pas son niveau de fiabilité », explique l'associé de Valoris. D'autant que, dans les tests effectués en voix sur IP, la plupart des appelants cherchaient surtout à essayer le micro de leur PC... Pour Philippe Cassoulat, il est trop tôt pour cette technologie : « La Redoute l'a enlevée après sept mois car elle n'avait aucune véritable valeur ajoutée. » Nicolas Morel rejette également cette technique car le parc de PC équipés, en particulier du logiciel de Microsoft NetMeeting, est très faible et parce que le haut débit n'est pas encore répandu chez les particuliers. Fabrice Delaporte est encore plus définitif : « Le parc n'est pas installé. Ca ne sert à rien d'en parler. » Les boutons de rappel ou web call back sont, eux, de plus en plus utilisés par les sites web. « L'intérêt pour l'internaute, c'est que la société le rappelle et endosse le prix de la communication. Par contre, cet appel a un coût pour le site, environ 5 francs par minute », avertit Nicolas Morel. Selon Philippe Cassoulat, le call back est efficace et peu onéreux. Il représente un premier niveau d'interaction asynchrone. « Cela permet de préserver un moment pour l'opérateur du centre qui peut préparer son coup de fil. » Le chat, en revanche, est très peu employé par les sites transactionnels. Cet outil semblant mieux convenir aux sites communautaires. « Il y a une contrainte forte avec le chat qui est l'orthographe. Si on met en place cet outil, il faut recruter des téléconseillers qui écrivent correctement », note Nicolas Morel. Cette dimension orthographique ne doit pas être prise à la légère, puisque la relation écrite en temps réel qu'est le chat peut, elle aussi, mettre en cause l'image de la société, au même titre que l'échange verbal via le téléphone.

L'E-MAIL : INCONTOURNABLE, MAIS SENSIBLE


La technique du co-browsing, avec laquelle un opérateur téléphonique guide en temps réel un internaute (et inversement), peut s'avérer intéressante, particulièrement pour les sites à orientation professionnelle. « C'est un moyen de faire du conseil en ligne avant l'achat. Mais cela coûte cher », rappelle Philippe Cassoulat. C'est pourquoi, d'après Nicolas Morel, le co-browsing est à envisager pour les sites B to B. Mais l'instrument incontournable du web call center, c'est bien sûr l'e-mail. Les internautes sont tentés d'utiliser ce nouveau moyen de communication avec les sociétés, surtout s'ils surfent en dehors des heures d'ouverture des structures destinées à recevoir leurs appels. Cependant, la gestion de ces messages écrits doit être particulièrement soignée, sous peine de mécontenter l'internaute, client difficile s'il en est. « Le mail est générateur d'une grande insatisfaction et il est cher. Plus de la moitié des acheteurs changent de site marchand en raison d'une mauvaise gestion de leurs mails », avertit Philippe Cassoulat. Nombre de sociétés se vantent de répondre aux mails en 48 heures, alors que les internautes réclament une réponse sous deux heures... Valoris estime que les internautes sont obligés d'envoyer entre trois et cinq mails avant d'obtenir satisfaction. Le responsable CRM de la société de conseil met également en garde contre le discours de certains fournisseurs, qui affirment que leur système de réponse automatique peut convenir dans 70 % des cas. « Ca marche, mais plutôt pour 20 % des questions », tempère-t-il. La solution est peut-être dans la constitution d'une base d'adresses e-mails, puis dans sa décomposition en fonction des réponses à délivrer. La gestion des flux de mails peut se faire via des logiciels, comme ceux d'Akio Solution ou eGain. « Seule la gestion des mails est opérationnelle dans les sites marchands. La voix sur IP, le chat, le co-browsing fonctionnent, mais ne sont pas déployés. Le réseau IP grand public ne possède pas les qualités nécessaires et le PC reste un frein majeur », estime Jean-Philippe Sloves.

UNE INTÉGRATION OBLIGATOIRE


Le mail peut également devenir source d'embarras pour la société qui gère le site marchand. En effet, si l'internaute adresse une demande par mail, puis appelle le call center quelques heures ou quelques jours plus tard, il faut que le téléopérateur soit au courant de cet envoi pour répondre le plus efficacement possible. Ce qui soulève la problématique de la mise en place d'un véritable outil de CRM. « Il est fondamental de disposer d'un applicatif de CRM, interfacé avec la gestion des commandes. C'est ce qu'ont oublié la plupart des prestataires », reproche Fabrice Delaporte. « Il faut mettre en place des solutions multicanales, de type Siebel ou Peoplesoft. Mais cette mise en oeuvre nécessite de l'intégration au système d'information de l'entreprise », prévient Philippe Clapin. Pour Jean-Philippe Sloves, « le centre d'appels doit rassembler toute l'information nécessaire à tout moment pour être efficace. L'agent doit être au courant des transactions préalables. On est ici en plein CRM. » Or, cette intégration n'est pas évidente et peut s'avérer coûteuse. On sait que, pour un franc dépensé en licence logicielle, il faut rajouter de trois à cinq francs pour l'intégration. Et connecter un middleware CTI à un progiciel CRM, lui-même relié à une application de gestion des mails, ne s'avère pas toujours facile. « On s'est rendu compte des difficultés de l'intégration, d'autant que le centre d'appels est un vrai métier », rappelle Nicolas Morel. En effet, la société qui cherche un prestataire pour intégrer son call center à son site marchand peut se poser la question : faut-il choisir un intégrateur issu de l'univers du Net ou privilégier un spécialiste du centre d'appels ? La réponse dépend du besoin du client. Installer un bouton de call back et deux postes de téléopérateurs ne demande pas une compétence extrême. Mettre en place tout un système CRM, doté d'outils logiciels sophistiqués, comme un CTI, des progiciels, une liaison à un ERP, nécessite de se tourner vers des SSII qui maîtrisent bien ce domaine de la gestion de la relation client. Sauf que les pure players qui décident de créer un centre d'appels en soutien de leur site marchand n'ont pas toujours les moyens de se payer un grand cabinet, dont les honoraires peuvent vite faire exploser le budget. C'est pourquoi la plupart des experts conseillent d'avancer selon une stratégie du "pas à pas", et d'éviter les solutions dites "big bang" dans lesquelles on installe tous les outils d'un seul coup. Au risque de déstabiliser l'activité de la société concernée.

L'EXTERNALISATION EN QUESTION


Chez Deloitte Consulting, Christophe Fulcran évoque ainsi une grande entreprise internationale dont la décision d'implanter un web call center a entraîné la réorganisation de la holding. « Vouloir intégrer toutes les technologies d'un seul coup est illusoire », affirme le directeur marketing d'Avaya, pourtant fournisseur de technologies. Autre solution possible offerte aux sites web qui veulent se doter d'un call center : externaliser cette activité. « L'outsourcing permet de réaliser une économie d'échelle sur la durée et de se décharger d'une partie du traitement des demandes », analyse Fabrice Delaporte. Snarx a, par exemple, géré la partie télévente du call center du site marchand Rue du Commerce. D'après Philippe Clapin, « l'outsourcing est envisageable dès lors que le prestataire peut fournir le niveau de service attendu par les clients du site. Il faut donc faire attention aux demandes techniques, difficiles à externaliser. » C'est pourquoi, d'après lui, les sites transactionnels qui externalisent leur activité centre d'appels sont assez rares. Orga Consultants a réalisé une mission de ce type pour le site de tourisme promovacances.com. Début 2000, le cabinet a aidé le voyagiste en ligne à définir l'organisation et le dimensionnement du call center, afin d'affronter la campagne d'été, période critique pour cette activité. Outsourcing ou pas, installer un web call center a un coût. Snarx évoque un prix de 50 000 francs par mois pour deux agents pour une prestation d'externalisation. Ce chiffre augmente si on lui ajoute un service clients équipé en CRM. Selon Deloitte Consulting, un site marchand "basique" devra investir 2 à 3 millions de francs pour son call center, mais jusqu'à 20 à 30 millions si le CRM entre en jeu. Avaya place la barre à 100 000 francs la position pour un centre d'appels équipé de toutes les technologies. Pour son directeur marketing, le marché des centres de contacts multimédia est petit, mais il est en train de grossir. Orga Consultants estime que ce segment a un vrai potentiel. Chez Valoris, Philippe Cassoulat conclut : « Un site marchand sans centre d'appels n'est pas viable. »

Eptica, nouvel acteur du web call center


Eptica est un éditeur de logiciels issu d'une "spin off" de MATRAnet (groupe EADS). Son application M-Web Touch est dédiée au segment du web call center. « C'est une suite logicielle qui va permettre aux sites de créer ou développer des solutions de centres de contacts multimédia », détaille Olivier Njamfa, P-dg d'Eptica. La suite logicielle est composée de trois modules. Le premier "Profiling and Customer Behaviour Analysis", vise à cerner la navigation de l'internaute et à communiquer à l'agent ses centres d'intérêts. Le deuxième a pour nom "E-mail management", et permet de router les mails de manière intelligente vers le téléopérateur. Le troisième se nomme "Live interaction", pour les échanges en temps réel : chat, co-browsing, push de pages, voix sur IP. L'intégration de M-Web Touch au système d'information du site se fait via des interfaces. Plusieurs intégrateurs, dont Integra, commercialisent ce produit, et Eptica a réalisé des connecteurs avec les solutions de téléphonie de Com6. La connexion aux progiciels de CRM du marché s'effectue selon le même principe. « L'avantage est que notre produit est "full Web", écrit en J2EE (version améliorée du langage Java). Un intégrateur peut maîtriser notre solution en une semaine », précise Olivier Njamfa. Pour lui, l'interaction du téléphone et du Web est incontournable, sous peine de rester dans la configuration où sept clients sur dix ne remplissent pas le bon de commande en ligne. M-Web Touch est commercialisé au prix de 28 000 euros (183 667,96 francs) pour un module et cinq agents, et 60 000 euros (393 574,20 francs) pour les trois modules et cinq agents. Eptica revendique une quinzaine de clients dans le monde dont sept en Europe, comme Assurdiscount en France et Mundio Viaje (tourisme) en Espagne.

La lente progression des web call centers


Selon Datamonitor et IDC, les web call centers seraient encore marginaux en France : entre 2 et 3 % des sites. Et si les analystes font part d'un grand enthousiasme pour les années à venir en matière de développement des technologies internet dans l'exploitation des centres d'appels (selon les sources, cette part devait déjà fluctuer entre 20 et 30 % dès l'année 2001), il faut raison garder. On peut tout mettre derrière l'expression web call center, et les cabinets d'étude ne s'en privent pas. IDC, dont les prospectives sont souvent plus raisonnables que celles de certains de ses homologues, prévoit que, dans les deux années à venir, un cinquième des centres d'appels en France seront de véritables web call centers, intégrant co-browsing et chat en plus de la gestion des e-mails.

Patrick Cappelli

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