Le métier fait la différence
Quelle est l'architecture du centre d'appels de la banque Cortal ?
Stéphane Prunet (directeur du conseil clientèle de
Cortal). - Il se calque sur l'organisation des différents métiers au sein de
l'entreprise. Nous développons en fait deux axes principaux d'activité. Le
premier concerne les fonds collectifs de placements, à savoir les Sicav. Nous
proposons aujourd'hui à notre clientèle quelque 1 200 Sicav sur les 4 300
existantes sur le marché français. A ce titre, on peut comparer Cortal à un
supermarché - unique en son genre - spécialisé dans les Sicav. Notre deuxième
activité, appelée Service Bourse, regroupe la transmission d'ordres sur les
marchés boursiers pour le compte d'investisseurs individuels. Nous considérons
que ces deux métiers doivent être traités de manière spécifique. A chacun
d'entre eux correspond donc une plate-forme, un centre d'appels dédié.
Comment se traduit cette différence de traitement ?
S.P. : Plus que sur le mode de fonctionnement lui-même, la différence porte sur
la nature essentielle de la prestation. Les conseillers financiers du plateau
Sicav ont une mission très affirmée de fidélisation de la clientèle et ont de
ce fait un véritable rôle de conseil. Ils disposent d'une base de connaissances
extrêmement riche en matière de codes Sicav. Pour ce qui est du plateau Bourse,
notre politique est radicalement différente. Elle répond au positionnement de
la banque en matière de transmission d'ordres. L'activité bourse en direct est
née chez Cortal en 1993. Il nous fallait adopter une politique propre pour nous
différencier de la concurrence.
Quelle est-elle ?
S.P. : Nous avons fait le choix du discount tarifaire et de la rapidité dans le
service. Nous sommes de 20 à 30 % moins chers que les prix du marché et
effectuons 96 % des ordres en moins de trois minutes. En revanche, nous
n'apportons pas de conseil. Et l'on peut de fait considérer qu'un client qui
fait la démarche d'acheter en bourse des titres individuels n'a pas
véritablement besoin de conseil.
Comment s'organise le centre d'appels dédié aux placements collectifs ?
Eric Vasseur
(directeur des centres d'appels). - Nous y recevons 37 000 appels par mois. Il
s'agit d'une moyenne : le trafic peut aller de 25 000 à 53 000 appels mensuels.
Le centre d'appels se compose pour l'heure de 44 conseillers financiers, qui
disposent tous d'une ligne personnelle : de 9 h à 19 h, six jours sur sept, les
clients composent le numéro (RTC) propre à leur conseiller. Ce numéro est
mentionné avec le nom de leur interlocuteur sur chaque mailing. Nous tenons en
effet à développer une approche très personnalisée de la relation clientèle.
Le personnel est-il intéressé aux résultats ?
S.P. :
Avec le positionnement qui est le nôtre, il nous serait difficile d'instaurer
un quelconque intéressement aux produits. Si nous nous considérons comme des
distributeurs de Sicav en revendiquant une forte valeur ajoutée en matière de
conseil, je ne vois pas comment nous pourrions dans l'absolu favoriser la Sicav
de tel établissement bancaire au détriment d'une autre. Cela étant, nous avons
bien sûr des objectifs commerciaux. Mais nous privilégions une politique
salariale récurrente avec une dose de participation - sur des critères
qualitatifs autant que quantitatifs - à toute politique de prime sur les
produits. E.V. : Nous n'avons pas l'obsession de la productivité. La durée
moyenne d'une communication est de six minutes, mais rien n'empêche une
conversation de dépasser la demi-heure. En fait, les conseillers ont tous un
portefeuille de clients à gérer. On peut considérer que, chaque mois, si la
totalité des clients reçoit un mailing, 50 % d'entre eux sont appelés et 37 %
appellent leur conseiller financier. Nous travaillons dans une optique de
fidélisation. Les conseillers financiers ne s'occupent pas de recrutement.
Ce qui signifie donc que vous ne travaillez qu'en appels entrants ?
E.V. : Sur la plate-forme proprement dite, la réception d'appels
est en effet très largement dominante, même si chaque conseiller financier
dispose de fichiers d'émission d'appels, qui demeurent réservés à certains
traitements ponctuels. Mais la production en émission est en fait confiée à une
filiale de Cortal, l'Institut de Télémarketing, qui constitue notre pôle de
recrutement et de formation des téléconseillers ainsi que notre plate-forme de
prospection et de relance de la clientèle. Toutes les six semaines, chaque
conseiller financier est affecté durant quelques jours à une mission d'émission
sous la responsabilité de formateurs. Ce qui présente le double avantage
d'organiser des sessions fréquentes et régulières de formation libérées de
toute production en réception, et de décharger le plateau Sicav des opérations
de prospection. Reste pour nous à organiser les sessions de formation de
manière à ne pas altérer le service rendu à la clientèle. C'est pourquoi nous
privilégions pour ces opérations de recrutement-formation les périodes à
production ralentie. S.P. : Cette organisation a été mise en place dès le
début. Nous pourrions aujourd'hui intégrer les nouvelles technologies en
matière de "call blending". Mais je continue de penser, et nos résultats m'y
encouragent, que la distinction dans l'exploitation de l'émission et de la
réception est justifiée.
La plate-forme Bourse obéit-elle aux mêmes impératifs que le centre d'appels Sicav?
S.P. : Nous sommes
ici soumis à des contraintes strictement établies en terme de productivité. Les
40 brokers de Cortal doivent traiter les demandes dans un temps réduit. Si
chacun d'entre eux décline son identité après avoir décroché, nous n'insistons
pas sur la personnalisation de relations avec la clientèle. En l'occurrence, le
centre d'appels Bourse est accessible via un Numéro Indigo unique. Il faut
d'autre part noter que le Web, sur lequel nous proposons depuis octobre 1998 un
service de passation d'ordres, est devenu l'un des deux principaux canaux de
notre activité. Sur notre site, nous mettons à disposition de nos clients les
informations qui circulent sur le marché.
Les objectifs de productivité vous permettent-ils de traiter l'ensemble des appels aboutissant sur votre ACD ?
S.P. : Aujourd'hui, nous perdons moins de 3 % des
appels. Mais il s'agit là encore d'une moyenne. Le 4 janvier 1999, premier jour
de cotation de l'euro à la bourse de Paris, nous avons, par exemple, dû faire
face à un trafic très important : environ 8 000 appels. Il est évident que nous
en avons perdu un certain nombre. Pour dissuader les attentes prolongées, nous
diffusons un message encourageant à rappeler ultérieurement. Les clients ont
par ailleurs accès à un serveur vocal interactif, à partir duquel ils peuvent
prendre un rendez-vous avec un conseiller financier.
Quel est le profil des personnels travaillant sur les centres d'appels ?
S.P.
: Il s'agit de jeunes gens, d'une moyenne d'âge de 24 ans, recrutés dans leur
majorité à niveau Bac + 3-4 et sans expérience professionnelle. Nous avons la
chance de ne pas connaître la moindre pénurie en matière de recrutement. Par
exemple, nous n'avons pas besoin d'en passer par des petites annonces dans la
presse. Tous nos collaborateurs reçoivent une formation initiale de sept
semaines. Nous avons, qui plus est, institué un diplôme, le "Cortal Degree",
qui vient sanctionner le travail des téléconseillers. Diplôme qui valorise
autant la dimension qualitative que les résultats de chacun. Il s'agit bien sûr
d'une reconnaissance strictement interne à l'entreprise. Mais, qui sait...
peut-être pourrons-nous un jour la faire admettre officiellement. En ce qui
concerne les conseillers financiers (population à majorité féminine), ils
proviennent d'horizons universitaires très variés. Les brokers (en majorité des
hommes) sont plutôt recrutés au sein de formations économiques ou financières.
Quant au personnel d'encadrement (un manager pour 10-12 personnes), il est en
grande partie issu des rangs de nos plateaux.
Comment envisagez-vous les axes majeurs de développement de vos centres d'appels ?
S. P. : Nous sommes en phase de redéfinition de notre équipement
technologique, notamment en matière de CTI. En sachant que la technologie
constitue pour nous un moyen et ne doit en aucun cas occulter la mission
première de service qui est la nôtre. Par ailleurs, nous ne pouvons pas
aujourd'hui ne pas nous préparer à une européanisation des marchés et de la
relation avec nos clients. Les centres d'appels constituent à cet égard un
excellent vecteur transfrontalier.
Biographies
Stéphane Prunet, 32 ans, diplômé de l'IEP Paris, a commencé sa carrière au sein de la direction marketing de l'UAP. Il intègre ensuite Invesco, société américaine de gestion de capitaux, et en devient le directeur général adjoint. Depuis mai 1998, il est directeur du conseil clientèle de Cortal. Eric Vasseur, 35 ans, est la parfaite illustration de la politique de promotion interne développée par la banque. Il entre chez Cortal en juillet 1991 comme conseiller financier. Après un séjour au centre conseil lillois de l'entreprise, il intègre le siège de Neuilly pour prendre la tête de l'entité régionale parisienne. Depuis septembre 1997, il est directeur des centres d'appels.