La relation client victime de son image
Conditions de travail difficiles, faibles salaires, ventes forcées, mauvaise qualité de service: l'image de la relation client est souvent mise à mal par le grand public et certains médias. Cet état de fait entraîne un mal-être dans la profession et une difficulté à recruter pour les entreprises. Pour près de six employeurs sur dix, l'image représente un véritable handicap pour embaucher. C'est le principal constat qui émerge du premier baromètre de l'Observatoire de la relation client, réalisé par Ipsos et présenté lors des «Rendez-vous de la Relation Client» qui se sont tenus au Conseil économique, social et environnemental, à Paris, le 1 2 mai. Consciente depuis longtemps de cette problématique, la profession s'est mobilisée ces dernières années pour redorer son image. Première initiative en date: l'accord-cadre conclu fin 2004 avec Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'Emploi, pour engager les entreprises du secteur à promouvoir l'emploi durable et la professionnalisation de l'activité. Depuis cette impulsion, la profession s'est organisée en 2008. Elle a créé la Mission nationale de la relation client dans une démarche partenariale Etat-profession, entre le ministère de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi et les instances professionnelles représentatives du secteur. Son but: structurer la filière et développer l'emploi et les compétences.
Méthodologie
Le baromètre est issu d'une étude menée auprès de 153 dirigeants d'établissements de la relation client, du 18 au 25 février 2011 pour la partie quantitative et du 7 au 10 mars 2011 pour la partie qualitative.
Une reconnaissance marquée dans les entreprises
Outre sa mauvaise image, la profession recense également d'autres freins à l'attractivité du métier. Selon le baromètre réalisé par Ipsos pour la Mission de la relation client, 49 % des entreprises citent le niveau de rémunération, 40 % les perspectives de carrière, 38 % les conditions de travail et la pénibilité du travail, et 36 % les horaires et le temps de travail. Pour y pallier, les acteurs suggèrent de valoriser leur image, de créer des formations diplômantes en relation client et de faire baisser les charges sociales, une demande formulée par 60 % des dirigeants de centres externes.
Le baromètre s'est également attaché à décrire l'état d'esprit des acteurs de la filière et leur vision de la conjoncture. Et sur ce point, il révèle un certain optimisme. Au global, les dirigeants interrogés prévoient une hausse de leurs effectifs de 7 % dans les six prochains mois, les centres externes envisageant une croissance encore plus marquée (+14 %). Bien sûr, cette politique volontariste d'embauches est le reflet d'un fort dynamisme de l'activité: plus de la moitié des acteurs s'attendent à voir leur chiffre d'affaires croître d'ici à la fin de l'année.
Ces prévisions pourraient se confirmer compte tenu de la valorisation du métier au sein même de l'entreprise. En effet, alors que la relation client souffre d'un déficit d'image auprès du grand public, il semblerait que les directions générales prennent davantage conscience de sa valeur. Ainsi, plus de 90 % des centres - internes et externes confondus - estiment que l'activité de la relation client est perçue comme prioritaire et importante aux yeux des dirigeants. Un constat encourageant pour la filière qui, une fois valorisée en interne par le top management, devrait pouvoir bénéficier d'une meilleure presse.
Interview
En octobre 2010, la Mission que vous dirigez organisait les assises de la relation client, auxquelles participaient Laurent Wauquiez, alors secrétaire d'Etat à l'Emploi, et les organisations professionnelles. Depuis, quel chemin avez-vous parcouru?
Les assises de la relation client ont donné lieu à deux initiatives. D'une part, le médiateur des relations interentreprises et de la sous-traitance sollicite les entreprises sur les questions des relations donneurs d'ordres/ prestataires, et il devrait présenter son rapport prochainement. D'autre part, nous avons créé un groupe de travail, réunissant plus de 40 représentants du secteur, répartis de façon tripartite: l'Etat, les syndicats de salariés et les entreprises de la filière. Ce groupe se penche actuellement sur des axes prioritaires qu'il a retenus et se réunira à l'occasion d'un séminaire de trois jours, fin juin, pour trouver les solutions les plus adaptées à la filière. D'ici à la fin de l'année, nous présenterons le fruit de ce travail.
Pouvez-vous détailler ces axes de travail?
Le premier axe de travail vise à identifier les alternatives au modèle économique taylorien actuellement dominant: organisation, conditions de travail et santé. Après l'analyse de ces problématiques, il est possible que certaines entreprises pilotes soient soumises à des expérimentations.
Le deuxième axe consiste à construire une politique de formation et de compétences. Le groupe travaille donc pour mieux comprendre les métiers et les parcours des salariés, avec leurs évolutions et leurs ruptures.
Le troisième axe concerne la structuration du modèle professionnel. Nous souhaitons créer un modèle idéal qui s'appuie sur des conventions collectives, une organisation interprofessionnelle, etc. Enfin, le quatrième axe vise l'amélioration de l'attractivité de la filière avec principalement une dominante RH, car nous devons améliorer l'image du métier.
En marge de ces initiatives, le projet de développement de la formation dans les régions se concrétise-t-il?
Début 2009, seules trois régions pilotes étaient concernées par ce projet. En 2010, grâce à l'accord-cadre, nous sommes passés à neuf et, aujourd'hui, nous accompagnons 14 régions prioritaires. Nous aidons les acteurs à se rassembler pour s'organiser et structurer la profession dans chacune de leur région. Concrètement, nous collaborons avec les services de l'Etat et les Agefos PME en vue d'élaborer des conventions pour favoriser le financement de formations des salariés (formation pour les personnes qui viennent d'intégrer l'entreprise ou formation continue). Cinq de ces quatorze régions ont déjà conclu un accord ayant permis de débloquer 3,4 millions d'euros pour former près de 2800 salariés. Aujourd'hui, les entreprises doivent se mettre en contact avec leur Agefos PME régionale pour que leurs salariés bénéficient de ces formations. Parvenir à mobiliser les territoires représente un travail de longue haleine, qui débouchera sur des évolutions au fil des ans.
Propos recueillis par Claire Morel
MICHEL GUIDO Directeur de la Mission nationale de la relation client