La forme et le fond
« Ici, le centre d'appels est physiquement adossé au magasin, qui se trouve
lui-même au siège social. De ce fait, nous pouvons tout tester en temps réel et
faire remonter l'information très vite. Il n'y a pas d'effet de tour d'ivoire.
C'est assez unique pour une entreprise de 20 000 salariés », lance Frédéric
Croccel, directeur de la communication de Décathlon. Installé au-dessus du
magasin de Villeneuve d'Ascq, en périphérie de Lille, le call center de
Décathlon est né en juillet 1999. A l'époque, sa finalité était très nettement
liée à la gestion du Club Décathlon. Fonctionnant aujourd'hui sur un numéro
d'accès unique, Décathlon Contact est également le point de réception et de
traitement d'appels aboutissant sur d'autres lignes déployées par l'enseigne.
Comme le Numéro Vert dédié aux opérations spéciales, liées à des avaries
qualité : lorsqu'une anomalie technique est constatée sur un article, les
acheteurs dudit produit reçoivent un mailing les invitant à contacter le centre
d'appels pour prendre un rendez-vous auprès du point de vente le plus proche
afin de procéder à une vérification ou une réparation. Autre numéro pris en
charge, celui des réclamations et litiges. Mais le plateau traite aussi les
débordements de Décathlon Voyage, l'agence tourisme de l'enseigne, qui
soustraite également à Décathlon Contact la totalité des appels émis sur son
numéro spécial opérations commerciales sur les séjours en kit. De la même
manière, le call center gère les contacts liés aux opérations spécifiques,
mises en place par les directions régionales de l'enseigne, ou encore le numéro
Audiotel de la carte de fidélité. Enfin, le numéro de "Sport à Domicile",
service de prise de rendez-vous pour des cours particuliers ou collectifs,
aboutit également sur le plateau de Décathlon Contact. Le tout s'opérant pour
les appelants dans la plus entière transparence.
RECRUTEMENT INTERNE ET SEREIN
En 24 mois, le centre d'appels a ainsi agi comme
un aimant, ralliant peu à peu les divers pôles de contact que l'enseigne
nordiste avait essaimés au cours des années. Afin d'assurer une qualité de
service homogène auprès des utilisateurs de ces différents services, les
managers de Décathlon Contact ont opté pour une polyvalence quasi totale. Seul
l'international reste l'apanage de conseillères attitrées. Car Décathlon
Contact n'est pas qu'un centre d'appels national. Il traite également les
ventes pour l'étranger. « Nous livrons partout dans le monde, précise Martine
Coupet, responsable du centre d'appels. La prestation apportée allant du devis
à la prise de commande, en passant par les informations techniques produits et
les renseignements les plus divers sur l'enseigne. Par téléphone ou par mail.
Ce qui fait de la maîtrise de l'anglais l'un des critères de base de notre
recrutement. » Lorsqu'elle lance le service en 1999, Martine Coupet, qui
cumule à l'époque 16 années de "maison", opte d'emblée pour un recrutement
interne. Le vivier est incontestable : 10 000 vendeurs, 4 000 hôtesses. Des
annonces sont lancées. Mais les candidats ne se bousculent pas. « C'est
toujours pareil. Au début, on ne fait pas bien la différence entre un call
center et un standard. » Mais, très vite, dès que les premières conseillères
tâtent du Numéro Azur, l'effet bouche à oreille joue, la perception change et
les velléités se déclarent. Deux ans plus tard, la responsable de Décathlon
Contact peut se vanter de ne pas connaître, même de très loin, cette pénurie
qui préoccupe tant les managers de centres d'appels en France. Le service
emploie 11 personnes au total (encadrement compris), 9 femmes, 2 hommes. Tous
anciens vendeurs ou hôtesses, tous ayant au moins trois ans d'ancienneté chez
Décathlon. Les trois quarts étant des "monitrices", c'est-à-dire des salariées
formées à former. Décathlon consacrant 4,8 % de son budget à la formation, via
son "université des métiers" entre autres. Manifestement, le service n'a pas
encore cédé aux sirènes du productivisme. Sur le plateau, l'ambiance est
visiblement détendue. Ce qui peut très bien s'expliquer par, entre autres, un
simple ratio. Décathlon Contact reçoit, toutes lignes confondues, un maximum de
1 200 appels par semaine. Sachant que le service est ouvert du lundi au samedi
inclus (9 h-20 h, horaires calqués sur ceux des magasins), on peut considérer
que chaque conseiller doit traiter 25 appels quotidiens en moyenne haute. On
est bien loin du taylorisme. D'autant plus que la polyvalence ajoute aux
ruptures de rythme. « En deux ans, le client a changé assez sensiblement,
souligne Martine Coupet. Avant de se déplacer sur le point de vente, il se
renseigne, pose toutes sortes de questions. Allant jusqu'à demander une
réservation avant de se rendre en magasin. » Décathlon Contact gère en effet
les livraisons à domicile. De 8 à 10 jours de délai de livraison avec les
transporteurs, de 3 à 4 jours avec la Poste. « Nous ne pratiquons pas le 48
heures chrono. Décathlon n'est pas un vépéciste. La livraison à domicile est
considérée comme un service supplémentaire apporté à la clientèle », ajoute la
responsable du centre. De signes extérieurs d'un appel à la productivité,
Martine Coupet n'en veut surtout pas. Pas de SVI en accueil. Sur les écrans des
conseillères, pas de script. « De toutes façons, si on essayait de leur
installer un module de script, elles ne l'accepteraient pas », lance
Georges-Eric Lehembre, chef de projet informatique. Sur le plateau de Décathlon
Contact, pas de bandeau défilant non plus. La responsable et l'animatrice sont
les seules à pouvoir visualiser sur leur écran le niveau des files d'attente et
le taux d'occupation des postes : « Quand un client attend, je décroche
moi-même ou je préviens une des filles. » Après 40 secondes d'attente, le
client est mis en relation avec un serveur vocal, qui l'invite à laisser ses
coordonnées pour être rappelé quand il le souhaite, contacté par mail ou par
courrier. Au final, la perte d'appels avoisine les 3-4 %. En juin 2000,
Décathlon Contact a ajouté le mail aux canaux de contact possibles avec le
client.
UNE ÉMISSION D'APPELS ENCORE MARGINALE
Aujourd'hui, le service reçoit entre 80 et 120 courriers électroniques
quotidiens. « Nous essayons de répondre sous 48 heures grand maximum. Nous
sommes plutôt dans un délai à moins de 24 heures », précise Martine Coupet.
Lorsque les demandes s'avèrent trop techniques, trop pointues, le mail est
routé vers le chef de marché, qui répond personnellement, là encore, en moins
de 48 heures si possible. Le centre de contacts ne s'est pas encore mis au
chat. Celui-ci reste l'exclusivité des sites de marques développés par
l'enseigne (quecha.com, tribord.com...), plus communautaires et plus
interactifs que le portail de Décathlon. « Si cela prend du volume, je pense
que le chat sera directement géré chez nous », note la responsable du plateau.
Pour l'heure, et depuis le 3 septembre, Décathlon Contact teste sur le site
decathlon.fr le bouton de rappel. Mais la production en émission n'est pas
nouvelle sur le plateau. Quoique relativement marginale. Elle représente
environ 200 appels aboutis par mois. C'est-à-dire 3 à 4 % de la production
téléphonique globale du service. Marginal et un tantinet artisanal. Pas d'outil
prédictif. « Nous sommes très papier-crayon sur l'oreille », résume Martine
Coupet. Respect de la vie du client oblige, de ses heures supposées de repas,
de ses soirées. Outre le rappel des clients, les actions en émission relèvent
d'enquêtes diverses : perception de la carte de fidélité ; perception auprès
des salariés Décathlon cette fois-ci, du magazine interne, Passion ; soumission
d'un questionnaire concocté par tel fabricant de vélos désireux de revoir la
conception d'une selle... L'appel sortant pourrait bien, à terme, se
développer. « Pourquoi ne pas imaginer de le systématiser dans le cadre de
campagnes auprès de nos 15000 vendeurs. Ce sont eux qui sont en contact avec la
clientèle. Ce sont eux qui ont le plus de choses à nous apprendre », affirme
François Bournizien, contrôleur de gestion de la direction client de Décathlon
(centrale d'achat et call center). De là à intégrer un système prédictif, le
pas n'est pas franchi. De manière générale, Décathlon Contact n'est pas à
proprement parler un laboratoire des technologies de pointe en matière de
relation clientèle. On y cultive encore largement le Post-it. La structure n'a
même pas intégré d'outil de CRM. « Nous sommes en appel d'offres », nuance
Martine Coupet. Qui ajoute : « J'aimerais pouvoir développer une relation plus
personnalisée avec les clients. Connaître et exploiter l'historique de la
relation. » En juin 2001, Décathlon Contact a reçu le Grand Prix Or de la
Relation Client. Sur ce plateau, dont les murs sont ornés de cartes postales de
clients et d'où partent des photos dédicacées de l'équipe, l'intégration du CRM
est revendiquée comme le vecteur d'une personnalisation accrue des contacts,
non comme un levier pour la productivité. Les conseillères et leurs encadrants
tiennent à la polyvalence, à leur liberté dans la gestion des pauses, aux
déplacements incessants, mobile à l'oreille et un client à l'autre bout du fil,
vers les travées du point de vente pour une "excursion produit". Il est vrai
que chez Décathlon Contact, le show room n'est qu'à quelques marches
d'escalier. Sur 8 000 m2.
Décathlon
Décathlon, dont le premier magasin s'ouvre à Englos en 1976, est aujourd'hui le leader français et européen de la vente de produits et d'articles de sport. L'enseigne développe deux activités principales : la conception-production, qui regroupe 1 200 personnes dans 18 pays et réalise un chiffre d'affaires de 5 milliards de francs (2000) ; la distribution, qui concerne 291 magasins dans 12 pays (220 en France) pour un effectif de 18 000 personnes et un chiffre d'affaires de 16 MdF. Les salariés sont tous intéressés aux résultats de l'entreprise et 80 % en sont actionnaires.