La formation se réinvente en douceur
Tous les métiers de la relation client requièrent un minimum de formation, que ce soit celui de téléconseiller, de manager ou de superviseur. Deux types d'apprentissage sont envisageables. Le premier - la formation initiale - s'applique généralement après le cursus scolaire afin d'acquérir un savoir-faire adapté à l'univers de la relation client. Le second - la formation continue - permet de renforcer certains acquis et garantit un niveau de compétences afin d'être en phase avec les exigences des métiers en question.
Steve Fieh (Crossknowledge):
«Avec une formation qui s'étale sur plusieurs semaines, le phénomène de dissipation du contenu est moindre.»
Lorsque l'on observe les grandes entreprises, on constate qu'elles sont souvent très bien organisées avec, en leur sein, des équipes de formation. Pour autant, un «regard» externe est souvent nécessaire, soit dans le cadre d'un audit réalisé en amont pour évaluer le niveau des employés, soit pour apporter de la valeur ajoutée dans les compétences. Que ce soit pour les services d'appels entrants ou sortants, l'enrichissement des fonctions est un point crucial pour la compétitivité des entreprises, notamment parce qu'il touche les services clients. «Aujourd'hui, cet enrichissement aborde trois aspects incontournables: le savoir-faire, la maîtrise des outils des systèmes d'information et le savoir être», détaille Flore Ferino Martel, p-dg de Téléressources.
L'alternance est en vogue
Une chose est sûre: les formations continues qui s'étalent sur plusieurs jours sont en voie de disparition dans l'univers de la relation client. «L'époque où les formations se déroulaient sur trois jours a disparu. Nous sommes dans un contexte où il faut proposer de l'alternance entre des séquences courtes et des mises en situation professionnelle. Il s'agit d'un va-et-vient permanent entre le formateur et l'entreprise, à la fois théorique et pratique», explique Laurent Robillard, chargé du développement chez LB Développement. Raison de cette évolution: lors de formations mises en place sur trois jours consécutifs, seuls 20% du contenu était retenu. «A contrario, avec une formation qui s étale sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois, le phénomène de dissipation du contenu est moindre», confirme Steve Fiehl, directeur associé de Crossknowledge.
Francine Bonnard (SupMédiaCom):
«Le niveau requis s'élève progressivement avec le développement de plateaux spécialisés afin d'obtenir une certaine valeur ajoutée.»
L'aspect théorique des formations a également disparu. Désormais, les stages se réalisent au sein des entreprises, soit en mode simulation, soit en situation réelle avec un client. Face aux impératifs des métiers de la relation client, les formateurs ont dû s'ajuster afin d'apporter un contenu non seulement adapté sur le fond, mais également sur la forme, de façon à ne pas parasiter les équipes de production en ligne avec les clients/consommateurs.
Parmi les tendances en vogue actuellement, on note que les besoins des entreprises se tournent désormais vers le développement des dynamiques commerciales, quel que soit le secteur. «A partir de simples appels, de type information, les téléopérateurs doivent acquérir le réflexe et la technique pour amener le client à consommer davantage», souligne Flore Ferino Martel. «Les formations autour des techniques de recouvrement et de rétention représentent les tendances lourdes de nombreux secteurs d'activité», confirme Laurent Robillard. Autre point intéressant: on n'est plus dans une logique d'acquisition des connaissances, mais davantage dans une logique de développement des compétences, comme le suggère Catherine Gonnu, responsable activité formation chez Digiway: «Aujourd'hui, nous considérons, de manière quasi unanime, que les téléconseillers ont acquis les fondamentaux de la relation client par téléphone. Le contenu des formations doit donc être plus pointu, de façon à apporter aux téléopérateurs et aux chefs d'équipe le petit plus qui va faire la différence aux yeux des clients.»
Par ailleurs, les managers doivent détecter les besoins pour choisir la formation adéquate, tout en jouant également un rôle central dans le développement des compétences. Et, face à une situation de pénurie de main-d'oeuvre qualifiée autour des métiers de la relation client, la formation leur fournit des atouts essentiels pour garder leurs effectifs et éviter le phénomène de turnover.
à lire
- Réalisé par l'AFRC, l'Observatoire de la formation, Sourcea et Philippe Riveron, le Guide des métiers et formations à la relation client à distance 2008 devrait sortir avant la fin de l'année. Il est destiné à toutes les personnes qui s'intéressent aux métiers de la relation client, avec une présentation des acteurs de la formation, des témoignages de salariés d'entreprises et des dispositifs de formation.
Par rapport à l'édition 2005, le guide évolue quelque peu. La distinction entre les conseillers a disparu, les métiers de statisticien et de responsable planification sont devenus des postes identifiés, sans oublier les incontournables mises à jour de l'ensemble des fiches métiers et des organismes de formation.
Le guide est distribué via le site de l'AFRC, www.afrc.org.
Autre tendance, plus structurelle: les formations s'effectuent dans le cadre de parcours vers l'emploi, avec des modules adaptés en fonction des besoins des entreprises. Autrefois, les candidats recevaient des formations généralistes aux métiers de téléconseiller, sans tenir compte des particularités. «Nous retrouvons désormais des spécificités propres au traitement du recouvrement, de la vente, ou bien qui sont fonction des secteurs d'activité. De même, le niveau requis s'élève progressivement avec le développement de plateaux spécialisés afin d'obtenir davantage de valeur ajoutée», note Francine Bonnard, chargée du développement chez SupMédiaCom.
Flore Ferino Martel (Téléressources)
«A partir de simples appels de type information des consommateurs, les téléopérateurs doivent acquérir le réflexe et la technique pour amener le client à Consommer davantage!»
L'e-learning en renfort
Si les formations classiques de type séminaires tendent à disparaître, celles prodiguées à distance ont, a contrario, le vent en poupe. Internet étant devenu un canal de communication à part entière, l'e-learning (ou formation en ligne à distance) fait l'objet de toutes les attentions. Très souples et rapides à mettre en place, les solutions d'e-learning sont parfaitement adaptées pour alimenter les périodes de creux d'activité sur les plateaux téléphoniques. «L'apprentissage se fait naturellement à distance. Il peut très bien s'effectuer en alternance avec des séances en mode présentiel ou bien être renforcé par le suivi d'une personne qui fera office de tuteur et sera en charge de la correction des études de cas», constate Philippe Riveron, président de Learning CRM. Le succès de l'e-learning s'explique aussi par les réductions de coûts qu'il engendre, de l'ordre de 30% en moyenne en comparaison avec une formation dite classique.
Interview
Hugues Defoy, délégué régional de l'Agefiph
Pourriez-vous décrire l'activité de l'Agefiph?
Il s'agit du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Notre mission consiste à favoriser l'accès et le maintien de l'emploi des personnes handicapées en milieu ordinaire de travail. L'Agefiph est le résultat de la loi du 10 juillet 1987 qui a instauré une obligation d'emploi (dans le service publia mais surtout dans le secteur privé) de 6% d'handicapés pour les entreprises de plus de 20 salariés. A défaut les sociétés peuvent passer des accords d'entreprise agrées par I Etat ou verser une contribution volontaire a l'Agefiph pour le secteur privé essentiellement. La loi du 1 1 février 2005 a réaffirmé l'obligation d'emploi à 6% et a créé l'équivalent de l'Agefiph pour le secteur publia le FIPHFP.
Quel est votre poids concernant la formation pour ce profil de personnes?
Les formations interviennent dans un contexte non seulement d'accès à l'emploi mais également de maintien de l'emploi. Notre action consiste à ce que les personnes handicapées puissent s'insérer professionnellement et avoir accès au dispositif de droit commun. Nous considérons que, si les formations d'aujourd'hui sont les emplois de demain pour une personne complètement valide, ce constat est d'autant plus vrai pour la population handicapée. Nous avons, à ce titre, développé Handicompétences, qui permet de mettre en place des actions de formation, de passer des conventions avec les régions, de développer des dispositifs de remise à niveau.
Les personnes handicapées peuvent-elles disposer de formations spécifiques?
Oui et non! De nombreuses personnes handicapées peuvent se joindre aux formations classiques, même s'il existe en parallèle des formations spécialisées. En revanche, je ne sais pas s'il existe un organisme de formation qui ne fait que ça. Il existe un dispositif particulier de formation pour les personnes handicapées avec les centres de reclassement professionnel (CRP) gérés par la Sécurité sociale. Il existe également des spécialistes du handicap sur l'accompagnement vers l'emploi tels que le réseau Cap Emploi, l'équivalent d'une ANPE spéciale travailleurs handicapés. Dans le cadre de notre convention avec l'Afpa, nous avons mis en place une action spécifique (un SAS) afin de tester les personnes pour les métiers de relation client. Au-delà du test, une qualification est possible avec un titre professionnel. Enfin, ne pas oublier qu'une convention nationale a été signée entre l'Etat, l'ANPE, l'Afpa, l'Agefiph et les deux représentants de la profession, le SMT devenu le SP2C et l'AFRC. Elle vise à favoriser l'accès de ces métiers à des personnes en difficulté.
Que représentent les métiers de la relation client pour cette population?
Les métiers de la relation client sont très bien adaptés à notre public, avec une dimension physique et sensorielle qui est souvent compatible avec la majorité des handicaps. Je pense que les différentes actions mises en place sur le plan national montrent que nous sommes sur le bon chemin, puisque nous arrivons à insérer des personnes même lourdement handicapées. Grâce, notamment, aux formations adéquates, mais également à l'aménagement et à l'ergonomie des postes de travail.
Les spécialistes du secteur ont bien détecté les avantages du e-learning et nombreux sont ceux qui en proposent dans leur catalogue ou qui sont sur le point d'en commercialiser. Ainsi, Digiway est actuellement en phase de réflexion avant la commercialisation probable d'une solution durant le courant de l'année 2008. En revanche, CrossKnowledge est déjà prêt depuis le mois de septembre dernier, avec une nouvelle formation développée avec deux spécialistes: Jacques Orowitz (professeur à l'IMD) et Laurence Ducharne (Clienteam). Le programme s'articule autour de trois axes: la production d'un service en phase avec l'attente des clients en intégrant la notion de service de qualité; la mise en place d'une organisation interne pour que le travail des collaborateurs soit orienté client; une action sur l'aspect comportemental des collaborateurs afin qu'ils acquièrent un esprit orienté client.
Catherine Gonnu (Digiway)
Il est nécessaire d'impliquer très en amont l'encadrement, puisqu'il va tenir un rôle important une fois la formation effectuée, afin que les effets positifs perdurent
Des limites visibles
Tous les acteurs semblent également s'accorder sur un autre point: l'adhésion totale des responsables d'entreprises est nécessaire, avec un travail de «préparation du terrain» indispensable pour que les formations ne soient pas vécues comme un passage obligé par les intéressés. «Il est nécessaire d'impliquer très en amont l'encadrement, puisqu'il va tenir un rôle important une fois la formation effectuée, afin que les effets positifs perdurent», remarque Catherine Gonnu.
Les limites des formations sont également visibles sur l'orthographe, la syntaxe ou la manière de communiquer des téléconseillers. «Aucun stage n'est en mesure d'effacer en quelques mois des années d'apprentissage d'une langue en cumulant les défauts. Notre langue est de moins en moins bien parlée. C'est un vrai sujet de bataille; nous devons faire preuve de davantage de vigilance», estime Flore Ferino Martel. Même si les entreprises ont pris conscience de ce dérapage progressif, elles estiment que ce n'est pas pour autant la priorité absolue, puisqu'elles mettent d'abord l'accent sur les formations produits ou les techniques de vente. Enfin, le comportement professionnel, ou «savoir être», constitue un autre sujet qui requiert une attention particulière. Ainsi, de gros efforts sont portés durant les formations sur l'assiduité et la ponctualité, points essentiels pour le bon fonctionnement et la rotation des équipes de centres d'appels.
@ Marc Bertrand
Interview
Philippe Riveron, p-dg de Learning CRM
Quel est le poids de l'e-learning dans la formation des métiers de la relation client?
L'e-learning a été présenté dans un premier temps comme étant uniquement de l'autoformation, ce qui a entraîné un échec. En revanche, depuis deux ans, il est davantage perçu comme un mix. Un mix caractérisé par un système de tutorat avec un formateur qui suit et corrige les exercices, de manière asynchrone. L'apprenant n'est donc pas laissé à lui-même, un lien est conservé. Il faut voir désormais l'e-learning comme un outil de management, disponible 24h/24, 7j/7. Dès que le manager détecte le besoin de former un téléconseiller, il trouve la réponse de façon immédiate.
Il ne faut pas oublier que la formation en face-à-face est la meilleure, mais la plus chère. Or, dans les métiers de la relation client où le besoin de continuité de production est très important, il est délicat de retirer dix personnes d'un plateau sans avoir anticipé cette situation.
Quelles sont les tendances?
De nombreuses formations sont orientées sur l'aspect commercial afin d'acquérir des compétences de vente additionnelle ou de détecter de nouveaux besoins auprès des clients. Mais la grande révolution se fera avec la Visio. Jusqu'à maintenant, seule la voix était prise en compte dans les centres d'appels; la Visio va apporter la notion de physique. Il y a, par conséquent, un gros travail à réaliser sur les attitudes à maîtriser ou à acquérir. Cette révolution est attendue pour les centres d'appels à l'horizon 2009-2010, mais c'est aujourd'hui qu'il faut commencer à s'y préparer. En matière de recrutements d'une part, et pour préparer les formations comportementales sur la gestion de la pression client, du stress, d'autre part.
Quelles peuvent être les limites liées aux formations?
Les apprenants ne partant pas tous avec les mêmes acquis, leur profil est déjà en soi une limite. Il existe ensuite des limites sur ce que l'on veut faire avec la formation: il faut savoir ce que l'on veut mettre en e-learning et ce que l'on réserve en mode présentiel.
Comment voyez-vous évoluer la valeur et la reconnaissance des formations?
Même si les pouvoirs publics ne représentent pas un frein, il ne faut pas non plus compter sur eux. Ainsi, avec l'AFRC et le SP2C, nous souhaitons créer un vrai diplôme de la profession de la relation client à bac+3, au niveau européen, reconnu par toutes les entreprises du secteur et porté par un réseau d'écoles et d'universités. Ce qui nous permettra de parler de ce métier avec une voix plus forte et une autre dimension. C'est par la formation que le métier va prendre de l'ampleur et attirer des profils de meilleurs niveaux. Nous sommes très avancés sur le sujet avec l'AFRC et le SP2C et, d'ici deux ans, l'organisme délivrant une formation initiale devrait voir le jour.