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LE CONSOMMATEUR ET LE SCHIZOPHRENE

Publié par La rédaction le
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Vous avez déjà entendu parler du dilemme Wal-Mart? Il s'agit de la caissière employée chez Wal-Mart (que l'on peut remplacer par Aldi, Lidl ou Ed) , écrasée dans la journée par la pression sociale au sein de l'entreprise, mais ravie le soir venu d'acheter ses articles à vil prix... chez Wal-Mart.

Ayant animé de nombreuses conférences dans toute la France ces derniers mois, je suis frappé de constater que les questions tournent souvent autour du problème de l'emploi et des délocalisations. Collectivement, nous sommes tous scandalisés par les friches industrielles qui entourent nos villes et le triste spectacle des usines qui ferment. Pourtant, individuellement, le sport favori des Français en 2010 semble bien être la chasse aux bonnes affaires et aux prix bas, spécialité bien connue de notre pays champion des 3 5 heures et des coûts de main-d'oeuvre élevés.

Exactement comme ce bon citoyen qui roule en Logan, fait ses courses chez Lidl, n'achète que du textile made in China et traque les produits importés à bas coûts. Rentré à la maison, après avoir écouté du Ferrat, il regarde le journal télévisé qui montre des images d'une énième usine qui ferme en France pour être transférée au Maghreb ou dans les pays de l'Est et qui s'exclame: «Regarde ces salauds de patrons, ils continuent à délocaliser!»

Le consommateur d'aujourd'hui, plein de contradictions, est tiraillé entre ses aspirations citoyennes et la réalité de son pouvoir d'achat. Nous vivons ce décalage entre ce que le «consomm'acteur» responsable déclare vouloir consommer dans les sondages et le comportement véritable de l'acheteur dans les rayons des magasins. Toutes les enquêtes le prouvent: lorsque l'on demande au Français quelle est la télé de ses rêves, il décrit Arte. Nous sommes pourtant plus de 9 millions à suivre la finale de l'élection de Miss France sur TF1...

«Plus aucun secteur n'échappe au phénomène?«Plow cost. Synonyme d'achat ma lin, le low cost se traduit le plus souvent par une logique folle de réduction des coûts au détriment de la qualité des produits, des conditions de travail des salariés, des emplois, de la santé et de la sécurité des consommateurs». C'est la thèse que défendent deux journalistes, Bruno Fay et Stéphane Reynaud, dans leur ouvrage No Low Cost (Editions du Moment). Et, comme ils l'expliquent, ce phénomène est en train de tuer la planète à petit feu. «Drapés dans notre bonne conscience, nous refusons de voir que nous sommes les premiers producteurs de CO2 en nous ruant sur les étalages de tee-shirts à 2 euros ou en prenant l'avion pour passer des vacances à Saint-Domingue à 299 euros la semaine. En vérité, le miracle low cost n'est qu'un mirage. Le consommateur à bas coût est le premier responsable du réchauffement climatique.»

Au-delà de la schizophrénie du consommateur, il faut aussi évoquer celle du directeur marketing, tiraillé entre deux objectifs contradictoires: vendre plus et plus souvent, comme il a toujours appris à le faire, et vendre moins et moins souvent s'il veut s'inscrire dans une consommation durable. Les pistes intéressantes à explorer: la vente de services (plus difficilement délocalisable) et la dématérialisation (qui protège la planète).

Le comble du cynisme en matière de low cost est probablement atteint par Ryanair, qui prévient ses 70 millions de clients attendus pour 2010: «Si vous n'imprimez pas vous-même votre carte d'embarquement en couleur, le coût sera de 40 Euros à l'aéroport». La raison d'une telle injonction? Toute simple. Pour gagner encore plus d'argent, un espace commercial sera réservé sur la carte. Une seule bonne raison de vous préoccuper de l'environnement? «No business on a dead planet».

RALPH HABABOU
Directeur Général de PB RH Conseil L'Etat d'Esprit Service

Auteur de Service gagnant (éditions First, 2007) et de Génération W (éditions First, 2009). www.pbrhconseil.com et www.generationw.fr

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