L'ergonomie, une affaire de fidélisation
En pleine ère du "think global", les centres de contacts n'échappent pas à la mode de la conceptualisation. Une tendance qui pourrait devenir incontournable au vu des enjeux de la fidélisation. Aujourd'hui, pour les centres d'appels, l'ergonomie ne peut plus se limiter à des bureaux bien dessinés et des sièges réglables. Au-delà du mobilier, l'acoustique et l'éclairage apparaissent comme deux données incontournables pour optimiser l'ergonomie au sein du centre de contacts.
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Comparativement aux pays anglo-saxons, la France accuse un retard dans la
prise de conscience que le poste de travail et son amélioration sont des
éléments profitables à l'entreprise. Cela est tout particulièrement vrai dans
le secteur des centres d'appels où l'on ne considère pas encore l'aménagement
et le poste de travail comme un outil de production. Depuis deux ou trois ans
cependant, le turn-over excessif qui règne sur ce secteur d'activité semble
avoir donné lieu à une certaine amélioration de l'environnement de travail.
L'ergonomie d'un centre d'appels doit s'entendre au sens global du terme :
mobilier, organisation des postes de travail, acoustique, éclairage,
colorimétrie, décoration. Aujourd'hui, la tendance est au concept et au
conseil. A l'instar de Herman Miller, Ediburo, Matéric, Steelcase Strafor...,
certains fabricants de mobilier de bureaux offrent des prestations bien au-delà
de la simple fabrication avec de véritables bureaux d'études prêts au
sur-mesure. « Depuis deux ou trois ans, beaucoup de villes ont ouvert leurs
portes à un grand nombre de centres d'appels, épuisant très rapidement le
nombre des téléopérateurs, explique Christian de Mullenheim, directeur général
de Matéric. Pour faire face à un turn-over inquiétant, il devenait
indispensable à ces centres de fidéliser cette population en offrant de
meilleures conditions de travail. Ecouter les attentes des téléacteurs et
repenser l'ergonomie générale du centre de contacts sont devenus
incontournables. » La dimension sociale du projet est un point sensible. «
L'implication des gens pour que le projet soit assimilé et accepté est
indispensable, l'idéal étant de pouvoir mettre en place un groupe de pilotage
avec chef de projet et interlocuteurs techniques, estime Olivier Génuite,
architecte d'intérieur et fondateur d'Elemens. Centres d'appels nouveaux ou
travail curatif, à partir du moment où c'est une démarche positive pour le
salarié, l'impact pour l'entreprise sera également positif. » En matière
d'ergonomie, il n'y a pas beaucoup de normes, il est donc indispensable
d'écouter les recommandations des différents corps de métier travaillant autour
de l'ergonomie. Si la voie est ouverte, le chemin sera encore long avant que le
centre de contacts soit entièrement dévoué à la cause "ergonomique".
LA TENDANCE EST À L'ATMOSPHÈRE
« Une vraie tendance est
observée dans les cabinets d'architecture qui la répercutent sur les centres
d'appels : une ergonomie basée sur des formes rondes, des couleurs acidulées
visant à rendre l'atmosphère plus chaleureuse et conviviale », analyse Cécile
Benoît, consultante au Cesmo. Les "Casques d'Or" et "d'Argent" de la meilleure
ergonomie, décernés lors du SeCA 2002, ont ainsi été remportés respectivement
par Yves Rocher et la CCI de Nice qui, inspirés par les conseils du cabinet
d'architecture Elemens, ont misé sur une colorimétrie vive et un environnement
très design. La tendance est aussi à l'espace accordé à chaque poste de
travail. Les centres qui ont fait le choix d'une ergonomie nouvelle semblent
opter pour de plus grands espaces avec, lorsque l'architecture d'origine le
permet, une ouverture sur l'extérieur pour accentuer la luminosité naturelle.
Quant à l'aménagement des postes de travail, l'abandon de l'alignement se fait
au profit de la configuration en marguerite, le regroupement par petits groupes
permettant une meilleure visibilité d'ensemble. Au-delà du mobilier, la
communication et l'organisation interne sont à étudier de près afin de
déterminer les solutions adéquates. Si les entreprises traditionnelles ont une
certaine expérience de la prise en compte de tous ces critères, les outsourcers
restent encore frileux face à de telles démarches. Il faut cependant
relativiser cette situation car certains centres ont réalisé depuis deux ou
trois ans de réels efforts en la matière. Ainsi, l'outsourcer AD Marketing a
misé dès le départ sur l'importance de l'ergonomie et plus largement sur le
cadre de travail dans ses centres d'appels. « Nos trois sites, qui comprennent
entre 100 et 120 positions, sont installés sur le même concept : des
marguerites de 2 à 4 positions, des plans de travail de 140 cm par
téléopérateur, explique Thomas Buffard, directeur associé chez AD Marketing.
C'est pour éviter le phénomène du turn-over que, dès l'installation de nos
centres, nous avons misé sur l'ergonomie liée au poste et au lieu de travail.
Nous n'avons pas lésiné sur les moyens déployés : cela va du choix de très
grands espaces pour les plateaux, d'un cadre lumineux et climatisé avec un vrai
travail au niveau de l'éclairage, à une acoustique soigneusement étudiée avec
des panneaux antibruit, un matériel ergonomiquement adapté au travail des
téléopérateurs, en passant par des sièges à dossier réglable à balancier, des
écrans 17 pouces, sans oublier les salles de pose dédiées à chaque plateau et
de nombreuses plantes vertes. Globalement, le prix de revient d'une ergonomie
optimale se monte à 930 euros par poste de travail. »
L'ERGONOMIE, C'EST AUSSI LE TRAVAIL SUR LE BRUIT
Encore trop souvent négligée
par certains centres d'appels, l'acoustique est pourtant un élément pilier dans
l'ergonomie et l'environnement de travail. « La vertèbre cervicale d'un agent
commercial qui hurle, la géométrie ratée d'un bureau, l'anonymat accablant d'un
open space soporifique..., le client peut les entendre à des milliers de
kilomètres », explique très poétiquement Olivier Génuite. Les entreprises qui
ont internalisé leur centre d'appels ont depuis longtemps compris qu'une
ambiance bruyante reflétait une très mauvaise image de marque auprès des
clients qui ont un contact téléphonique avec elle. « La distance entre deux
opérateurs excède rarement 2 à 2,5 mètres, précise Olivier Weil, responsable
grands comptes chez Ecophon. Etant donné l'atténuation naturelle des bruits
aériens, pour un niveau sonore de 65 dB émis par un opérateur, son voisin le
plus proche percevra 59 dB. Ce qui explique que 40 % du personnel d'un centre
de service clientèle est dérangé par les conversations provenant des autres
stations de travail. » Plus la densité des stations de travail est élevée, plus
la propagation du bruit est importante. Les sources de bruit peuvent venir de
collègues parlant au téléphone ou tenant des réunions informelles, des systèmes
de ventilation et air conditionné ou des sonneries de téléphone. La première
cause de gêne reste la voix humaine. Pour réduire la propagation des bruits, le
recours à des matériaux absorbants est une solution idéale. Dans les centres
d'appels, l'acoustique est encore appréhendée avec des modes traditionnels,
alors que la problématique est particulière. Le bruit étant une énergie, un
plafond adapté et performant permettra de le transformer en une chaleur qui
reste minime. Il est certes difficile de calculer l'impact exact de
l'environnement de travail sur le gain de productivité, mais on peut constater
une diminution des taux d'erreur et du taux d'absentéisme lorsque l'acoustique
est optimisée. « Les centres d'appels ont visiblement du mal à passer le cap,
estime Olivier Weil. Il est cependant important de les amener à un
investissement spécifique pour l'acoustique et l'éclairage. L'installation d'un
plafond acoustique de classe A dans un espace où travaillent 20 opérateurs
contribue à réduire le niveau de bruit de fond de 3 dB. Le même effet serait
obtenu en réduisant le nombre d'opérateurs par 10. Le "lot" plafond ne
représente que 3 % du bâtiment global, un investissement en la matière n'est
que peu de choses par rapport à l'axe de l'investissement technologique et son
impact est conséquent. A titre d'exemple, la GMF a bénéficié d'un gain
acoustique de 8 dB grâce au plafond, au revêtement mural et à la moquette. »
L'ÉCLAIRAGE : UN PARAMÈTRE ESSENTIEL
Le call center
s'appuie sur des aménagements spécifiques en termes d'agencement de mobilier,
d'acoustique et de distribution des flux. La prise en compte de toutes les
contraintes techniques, de confort et de sécurité, de flexibilité et de
modularité incluent un paramètre trop souvent négligé : l'éclairage. Gérer et
optimiser l'espace de travail dans un centre d'appels réclame un traitement
nouveau et spécifique de l'éclairage, adapté au nomadisme des entreprises
nouvelles et aux exigences d'un travail visuel plus intense. Les nouvelles
directives européennes CEE 90/270 imposent de répondre à trois critères
essentiels particulièrement pertinents pour les call centers. Primo, créer des
conditions satisfaisantes en termes de niveau d'éclairage adaptées à la nature
de l'activité et aux facultés visuelles des individus. Secundo, maintenir un
contraste suffisant sur l'écran de visualisation tout en n'excédant pas un
certain rapport de luminance entre l'écran et l'environnement immédiat. Tertio,
ne pas générer d'éblouissement direct et de reflets parasites sur écran. A cela
s'ajoutent d'autres critères du cahier des charges de l'éclairage spécifique
aux centres d'appels : diminuer les conditions de stress générées par la
relation avec la clientèle et favoriser la concentration ; contribution au
bien-être ; modularité de la station de travail, qui doit pouvoir être utilisée
par plusieurs opérateurs n'ayant pas les mêmes besoins. Par ailleurs, le niveau
d'éclairage requis peut varier entre un poste utilisé de jour ou de nuit.
Enfin, la mobilité doit être un paramètre central, les réaménagements et
réimplantations étant fréquents dans le domaine des call centers. « Etant donné
la variété des types de centres d'appels au niveau de leur activité (réception
d'appels, téléprospection, vente, etc.) et du type d'implantation des postes de
travail (en trèfle, en marguerite, etc.), il n'existe pas de solution
standardisée, explique Pascal Martinez, conseiller chez Waldmann. Notre
philosophie en matière d'éclairage est de s'appuyer sur la combinaison de
l'éclairage indirect comme composant principal et de l'éclairage direct. Ils
sont d'ailleurs souvent réunis dans le même luminaire. »
MISER SUR LA MOBILITÉ
L'éclairage indirect semble être tout indiqué pour les
centres de contacts. L'installation bicéphale d'un éclairage indirect/direct
peut également se justifier. « D'un point de vue économique, l'éclairage
indirect induit un faible coût d'exploitation. Il permet de baisser
sensiblement le niveau de l'éclairage tout en conservant les mêmes performances
visuelles. L'économie d'énergie est importante, précise Pascal Martinez. Quant
aux frais de maintenance, ils sont faibles grâce à l'utilisation de composants
haut de gamme, permettant de rallonger la durée de vie des sources lumineuses
et d'espacer ainsi les actions de "relamping". La condition préalable réside
dans la nécessité de disposer de plafonds clairs et fermés. » Si, en matière de
mobilier, les généralistes ont souvent une réponse design de bonne qualité,
elle manque parfois de précision pour le cas particulier des centres de
contacts. « Aujourd'hui, les organisations de travail changent, le bureau
lambda est abandonné au profit de solutions offrant de la mobilité, de la
flexibilité, explique Michel Dahyot, directeur du développement chez Ediburo.
Nous misons sur des solutions évolutives où le mobilier est fondamentalement
adapté à son environnement et à son utilisateur, sans oublier que l'objectif
d'un centre d'appels est la rentabilité. » « La réponse adaptée pour les
centres de contacts est celle de l'ergonomie pour la mobilité avec des postes
modulables, estime Jean-Charles Guérite, P-dg d'Informater. Le corps est fait
pour bouger, l'opérateur doit être bien installé, la rentabilité par le confort
n'est pas un vain concept, les pays scandinaves, l'Allemagne ou la Hollande
l'ont bien compris. » Il ne faut donc pas oublier que les contraintes sont
définies par le corps humain dans le cadre de l'utilisation d'outils comme le
téléphone ou l'ordinateur, il doit pouvoir bouger sans subir de contorsion. Une
ergonomie optimisée prendra en compte le passage des flux, les contraintes
posturales, les outils de travail, l'acoustique, le besoin de confidentialité.
« Il n'y a cependant pas de configuration type, l'important est l'adéquation
entre le poste de travail et les objectifs du centre de contacts », souligne
Benoît Conthe, fondateur d'Equilibre. « Nous insistons toujours auprès de nos
clients sur la double problématique suivante : concevoir des lieux fonctionnels
et ergonomiques vis-à-vis des activités effectives mais aussi envisager et
prévoir les possibles évolutions », explique Olivier Génuite. Etant donné
l'évolution du marché et les demandes en personnel qualifié, il est vital de
pouvoir proposer un bon environnement de travail. D'expérience, on constate que
le coût humain représente près de 60 % du coût du fonctionnement d'un centre
d'appels. De ce fait, les centres de services doivent être organisés autour des
opérateurs. Enfin, les employeurs savent que le moral et la productivité du
personnel sont améliorés par des installations qui réduisent le stress et la
fatigue nerveuse. Quand on se lance dans une logique d'optimisation de
l'ergonomie de son centre de contacts, il s'agit de ne pas confondre harmonie
et gadget. Des souris sans fil, des écrans plats, des casques sans fil,
pourquoi pas, mais à la condition que cela réponde à un besoin réel. Plus
qu'ailleurs, au-delà de l'aspect fauteuil, petite table basse sympathique, il
s'agit avant tout de répondre aux exigences d'un usage fonctionnel et
quotidien. Pouvoir fédérer autour d'un projet de ce genre l'ensemble des
acteurs du centre de contacts est lui aussi un gage de paix sociale.
Des parasols contre le bruit
Présentés au salon SeCA 2002, les parasols de Texaa sont une solution originale pour résoudre certains problèmes d'acoustique au sein des centres de contacts. Une solution mobile pour une acoustique de proximité. « Le parasol permet de conserver l'appréhension du volume et le contact visuel tout en créant un espace plus confidentiel », explique Grégoire Comby, responsable commercial chez Texaa. Techniquement, ce sont des éléments standards de 2,40 m2 en surface, réglables entre 2 et 2,40 m en hauteur. Le chapeau peut se présenter à l'endroit ou à l'envers, dans un cas comme dans l'autre, l'absorption est la même. Dans certains cas, ces parasols sont une réponse à part entière à l'absorption des nuisances sonores, dans d'autres cas, ils sont le complément idéal des doubles plafonds en dalle. Un parasol permet de couvrir 4 postes de travail, il existe en version de base à 616 euros ou en version luxe à 1 385 euros. Certains centres de contacts belges et suisses se sont déjà laissés séduire par cette solution pour le moins originale.
Et pourquoi pas le Feng Shui ?
Très en vogue dans le milieu des affaires à Taïwan ou New York, le recours au Feng Shui s'introduit en Europe pour une optimisation de l'environnement et donc de l'ergonomie dans les bureaux. Mais qu'est-ce que le Feng Shui ? « Le Feng Shui est à l'environnement ce que l'acupuncture est au corps », selon Van Minh. Il s'agit d'une discipline dont l'objetest d'aménager l'espace de façon à optimiser la circulation de l'énergie. Art chinois millénaire, le Feng Shui cherche à équilibrer les énergies qui nous entourent dans nos habitations ou lieux de travail. C'est l'art de la disposition et de l'arrangement de l'environnement pour créer un idéal favorisant santé, bien-être et réussite. Cette pratique est avant tout la théorisation de l'adage "Chacun dépend de tout, et tout dépend de chacun". Il est possible de pratiquer le Feng Shui seul, mais si certains principes relèvent du bon sens, comme ne pas installer un bureau dos à une porte, les règles du Feng Shui et leur application sont d'une grande subtilité. Elles nécessitent généralement l'intervention d'un spécialiste. Renseignez-vous amplement, prenez votre décision sereinement. Le recours à l'expert n'est pas remboursé, mais, comme le dit un vieux sage, « le remboursement n'a jamais fait la santé ! ».