Faire carrière : de la fiction à la réalité
Loin de l'éphémère qui caractérisait la fin des années 90, de réelles perspectives de carrière sont désormais envisageables dans l'univers des centres d'appels. Un nouvel horizon rendu possible grâce à la professionnalisation et la plus grande maturité d'un secteur encore jeune.
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Un point commun semble réunir les personnes ayant réussi à gravir les
échelons et les étapes des fonctions dites “classiques” au sein d'un centre
d'appels: toutes y sont arrivées un peu par hasard. « On constate que les
carrières réalisées dans les centres d'appels n'avaient pas cette destinée à
l'origine. Peu de personnes l'ont prévue. Dans les faits, même si elles n'y
pensent pas forcément à leur arrivée sur un plateau, l'idée fait
progressivement son chemin en raison des nombreuses opportunités qui se
présentent », souligne Frédéric Russo, directeur de site chez arvato et qui,
lui-même, a gravi tous les échelons d'un centre de contacts. Un discours
similaire est tenu par Patrick Spinosa, créateur de Phoneweb: « On peut
effectivement parler désormais de plan de carrière, même si l'on a du mal à
dire qu'il soit pensé, étudié ou planifié. Nous sommes tous un peu venus aux
métiers de la relation client par hasard. On en n'a pas rêvé, on y arrive par
nécessité ou pour rebondir, en s'appuyant sur des origines et des profils très
différents les uns des autres. »
Simple passage ou plan de carrière ?
Entre la fin des années 90 et aujourd'hui, il existe une différence importante. Non seulement quant à la perception des métiers liés aux centres d'appels, mais également en raison des motivations qui ont animé et qui animent toujours les acteurs lors de leur entrée dans un centre de contacts. Durant la bulle internet, de nombreuses personnes y sont arrivées soit “par accident”, soit parce que le secteur était porteur en termes d'emploi. Aujourd'hui, avec quelques années d'expériences supplémentaires et une maturité accrue, les métiers de la relation client à distance sont perçus de manière plus précise, au point de se demander si l'on peut désormais résolument parler de plan de carrière dans les centres de contacts. Oui, si l'on se fie aux chiffres des entreprises, que ce soit celles possédant un (ou plusieurs) centre(s) interne(s) ou auprès des outsourceurs (voir ci-contre). Il est à noter que, plus la fonction réclame de responsabilités, plus le recours à un recrutement à l'extérieur de l'entreprise est élevé. Indéniablement, la jeunesse du secteur reste un handicap. « Les métiers des centres de contacts étant jeunes, nous avons peu de candidats sur le marché de l'emploi possédant des caractéristiques propres à ce secteur. Faute de candidats, nous avons recours à des promotions internes qui nécessitent un accompagnement pour obtenir une montée en compétences des collaborateurs. D'où l'importance des programmes de formation pour les superviseurs, mais également pour les responsables de plateau et de comptes clients. Si on ne le fait pas, les salariés sont “aspirés” par les postes, mais ils ne disposent pas, pour autant, des qualités nécessaires que l'on attend d'eux pour les fonctions visées », précise Patrick Kaczmarek, directeur des ressources humaines chez Sitel.
Des opportunités de carrière ?
En outre, même si les formations tendent à se développer (formations dispensées
par l'Education nationale, l'Afpa, CFA, etc.), elles continuent à souffrir d'un
déficit d'image auprès des étudiants. Pourtant, une fois la crainte et
l'appréhension passées quant à l'entrée dans un centre de contacts, une grande
majorité de téléconseillers évoquent ouvertement la possibilité d'entreprendre
une carrière et gravir les marches. Il semble loin désormais le temps où les
postes de téléconseillers étaient uniquement considérés comme un travail
intermittent (effectué durant ses vacances ou simplement pour payer ses
études). « Certes, le secteur se professionnalise, mais il reste encore du
chemin à parcourir pour apporter davantage de visibilité sur le potentiel et la
diversité des métiers de la relation client à distance, remarque Patrick
Kaczmarek. Les téléacteurs connaissent très souvent la définition des postes
supérieurs, mais ils ne possèdent pas la méthodologie pour y arriver dans de
bonnes conditions. L'image du réseau autoroutier résume assez bien la
situation: c'est un peu comme si nous avions aujourd'hui les stations-service
mais sans les autoroutes. Il faut d'abord montrer aux gens où se trouvent les
autoroutes avant de repérer les stations-service pour
parvenir à la destination voulue. »
Entre les outsourceurs et les entreprises
possédant des plateaux internalisés, les caractéristiques concernant la gestion
de carrière sont assez similaires. Concernant les sous-traitants, vient
s'ajouter la dimension commerciale du compte client donneur d'ordres, même si,
dans un centre interne, des objectifs commerciaux peuvent également être fixés.
En revanche, les opportunités de carrière offertes au sein d'un prestataire de
services sont plus larges dans la mesure où, très souvent, les outsourceurs
doivent gérer plusieurs comptes, ce qui sous-entend différents domaines
d'activité. La perspective de pouvoir changer de secteur d'activité s'avère
être un élément motivant dans la gestion d'une carrière.
Et une carrière à l'off-shore?
La situation est quelque peu différente à l'off-shore où la perspective de réaliser une carrière dans l'univers des centres de contacts possède un aspect nettement plus positif. En outre, les postulants dans les centres d'appels du Maghreb connaissent désormais l'univers. « Tous côtoient plus ou moins une personne qui travaille déjà sur un plateau téléphonique. Ce n'était pas le cas il y a six ou sept ans », remarque Tarik Belarbi, directeur de clientèle chez Webhelp. En outre, l'engouement pour une carrière dans les centres de contacts à l'étranger s'explique par un ratio salaire-coût de la vie nettement à l'avantage de ces pays, comparé au territoire national. Par ailleurs, la notoriété des grands outsourceurs présents à l'off-shore (SR.Teleperformance, Sitel, Webhelp, Stream, etc.) attire une population plus avide d'emploi qu'en France. Et, une fois le premier poste décroché, l'évolution de carrière est encore plus rapide que sur le sol national. « Au Maroc, une forme d'impatience existe chez les jeunes. Elle peut s'expliquer par un besoin fort d'être rassuré sur sa vie professionnelle. En outre, évoluer rapidement rime avec un salaire beaucoup plus important. En effet, l'écart salarial existant entre les premiers postes et ceux à responsabilités est plus important qu'en France. Un facteur de trois à quatre dans les pays du Maghreb », souligne Olivier Tabusse, directeur général adjoint d'Accolade. A ce titre, les outsourceurs ont tout intérêt à montrer à leurs salariés les diverses possibilités d'avancement, en un an et plus, sous peine de les voir partir sur les plateaux concurrents.
Mise au point de méthodologies
Des efforts sont actuellement
entrepris, notamment au travers de l'encadrement, de l'accompagnement et de la
formation, afin de déterminer les aspirations de chacun, et voir si une
carrière peut être envisagée, même si la difficulté de connaître les futurs
parcours reste grande. « En plus des suivis réguliers, l'entretien annuel avec
nos collaborateurs s'avère capital: il permet de faire le point sur ce qui
s'est passé et d'évoquer les perspectives futures, afin de définir un plan de
formation sur l'année. Face aux compétences acquises, nous sommes amenés à nous
demander, avec le conseiller de clientèle, celles que l'on peut davantage
développer afin de l'accompagner, dans la durée, vers un élargissement de son
savoir-faire », explique Ludovic Mériaux, directeur du centre de Tours de
Bouygues Telecom. Même si tout le monde ne possède pas l'envie d'évoluer vers
un poste d'encadrement, les managers essaient de percevoir les différents
chemins envisageables pour les salariés. Parmi lesquels, les postes d'expert
métier ou de coach apparaissent bien adaptés à des progressions rapides.
Les atouts de la grille de compétences
Des efforts sont actuellement
entrepris, notamment au travers de l'encadrement, de l'accompagnement et de la
formation, afin de déterminer les aspirations de chacun, et voir si une
carrière peut être envisagée, même si la difficulté de connaître les futurs
parcours reste grande. « En plus des suivis réguliers, l'entretien annuel avec
nos collaborateurs s'avère capital: il permet de faire le point sur ce qui
s'est passé et d'évoquer les perspectives futures, afin de définir un plan de
formation sur l'année. Face aux compétences acquises, nous sommes amenés à nous
demander, avec le conseiller de clientèle, celles que l'on peut davantage
développer afin de l'accompagner, dans la durée, vers un élargissement de son
savoir-faire », explique Ludovic Mériaux, directeur du centre de Tours de
Bouygues Telecom. Même si tout le monde ne possède pas l'envie d'évoluer vers
un poste d'encadrement, les managers essaient de percevoir les différents
chemins envisageables pour les salariés. Parmi lesquels, les postes d'expert
métier ou de coach apparaissent bien adaptés à des progressions rapides. La
mise en place de grilles (ou matrices) de compétences, largement répandues dans
de nombreux secteurs, commence à se développer dans les centres d'appels. Elles
permettent de déterminer, en fonction des comptes clients, les différentes
compétences dont les managers ont besoin dans leurs services ; compétences
qu'ils ont fréquemment du mal à appréhender.
En outre, cette grille va
permettre de savoir si toutes les personnes sont prêtes à franchir les échelons
en évitant de sauter les étapes. « Aussi, pour apporter les ajustements
nécessaires, on peut envoyer les collaborateurs sur des programmes individuels:
détachement (on passe x semaines à côté d'une autre personne pour la regarder
travailler), prise d'information sur le poste futur, et surtout formation. Bien
sûr, temps et argent sont requis, mais les dépenses entreprises ne sont rien
comparées aux échecs liés aux promotions. Echecs sur le plan personnel, mais
qui ont également des répercussions négatives sur les équipes », remarque
Patrick Kaczmarek. Certaines évaluations s'appuient sur des courbes de
progression qui sont revues tous les six mois. Ces courbes se basent sur le
potentiel et l'expérience des téléacteurs afin que ceux-ci puissent visualiser
leur situation. Pour les managers, cette courbe, non seulement détermine le
potentiel d'un point de vue compétences des collaborateurs, mais assure
également les progressions salariales. « La poursuite d'une carrière
managériale nécessite de disposer des aptitudes nécessaires. Le management
s'apprend très peu à l'école, mais davantage sur le terrain, grâce à
l'expérience accumulée et à ses
qualités intrinsèques », précise Olivier Tabusse.
L'autoformation ?
Face aux impératifs du
marché des centres d'appels, le manque de managers compétents entraîne les
spécialistes de la profession à les former eux-mêmes. Or, même si ce n'est pas
forcément une mauvaise chose en soi, cela réclame temps et argent pour un enjeu
de taille. En effet, non seulement le rôle du manager (responsable de plateau
ou de site) est vital pour le fonctionnement des centres - grâce à sa faculté,
entre autres, à réduire l'absentéisme ou le taux de turn-over -, mais sa façon
de partager ses
connaissances avec les salariés est également importante. Il symbolise en
quelque sorte le “professeur” qui saura (ou non) donner à ses élèves le goût
pour la discipline qu'il enseigne.
Dans le secteur des Télécoms, un
minimum de six mois est généralement requis pour maîtriser l'ensemble du panel
des compétences et ce, quelles que soient les fonctions occupées. Il faut,
ensuite, entre quatre et cinq années d'expérience pour espérer évoluer vers un
poste supérieur, même s'il est toujours possible de rencontrer des exemples
d'évolution plus rapides. Afin de promouvoir les métiers des téléconseillers,
il est intéressant de souligner la méthode prônée par Bouygues Telecom.
Affublés
du titre “Cercle des chargés de clientèle”, un certain nombre de collaborateurs
expliquent tous les ans les caractéristiques de leur métier à l'extérieur de
l'entreprise. Ils sont considérés d'une certaine manière comme des ambassadeurs
des métiers de la relation client. Il convient également de ne pas sous-estimer
les facteurs conditions de travail et financiers sur la gestion d'une carrière.
« Très souvent le lancement d'une carrière dans une entreprise s'appuie sur des
conditions de travail motivantes: treizième mois, reversement d'un pourcentage
du résultat net, salaire variable motivant avec primes, mutuelles acquises,
etc. », reconnaît Patrick Spinosa.
évoluer à Paris ou en province ?
“On devient téléacteur faute de mieux” était une expression courante à la fin des années 90. Aujourd'hui, il est fréquent de rencontrer de véritables carrières construites progressivement. Certes, les taux de turn-over, oscillant bien souvent entre 20 et 30 % dans les centres de contacts de la région parisienne, montrent bien la marge de progression encore possible pour fixer les salariés sur du long terme. Pourtant, Paris ne serait-il pas l'arbre qui cache la forêt d'une situation somme toute plus favorable en matière de carrière? La province affiche, en effet, des taux de turn-over (entre 5 et 8 %) bien plus proches de ceux rencontrés dans les autres secteurs d'activité, voire même inférieurs. Plusieurs facteurs expliquent cette embellie et favorisent les perspectives de carrière. D'une part, l'image de la profession se bonifie peu à peu et les conditions sociales dans les centres d'appels se sont fortement améliorées. La mise en place du Label Responsabilité Sociale en 2006 devrait encore renforcer cette tendance. Ensuite, les opportunités pour franchir les étapes se sont multipliées avec la création non seulement de postes intermédiaires (formateur, coach), mais également grâce à la notion de niveaux. Il s'agit, par exemple, de téléconseillers dits “experts” qui sont en mesure de garantir une réponse au client au cas où le premier niveau se trouve dans une impasse. Enfin, les managers tentent de diversifier les types d'activité en donnant aux téléacteurs des missions autres que celles de réception d'appels: gestion du back-office, émission d'appels, gestion des e-mails, etc. Autrement dit, il s'agit de favoriser des évolutions transversales.
Le facteur motivation
Certes, savoir où évoluer s'avère précieux, mais savoir être
motivé pour progresser et gravir les marches est encore mieux. « La direction
doit savoir créer un environnement propice à l'expression de l'unicité du
talent de chacun. Le fonctionnement et les performances d'un centre d'appels
doivent se faire avec les collaborateurs et non contre », souligne Patrick
Spinosa. Autrement dit, la motivation créée par l'encadrement impacte
directement le parcours d'un salarié. Travailler dans un climat serein et
constructif est souvent déterminant.
Certains outsourceurs mettent en place des
baromètres de satisfaction, souvent comparés à des audits sociaux internes, qui
permettent de tirer les enseignements qui s'imposent. Utiles non seulement pour
l'encadrement, mais également pour les acteurs eux-mêmes qui peuvent apprécier
l'état et l'évolution de leur motivation et faire le point sur la suite à
donner à leur carrière. Gérer une carrière en suivant un processus de
développement de ses propres compétences est une démarche positive. Pour
autant, cela ne doit pas se réaliser en faisant l'impasse sur sa propre
satisfaction et en éliminant toute trace de plaisir personnel. Etre en phase
avec son entreprise et vouloir y rester suppose également de la part de
l'encadrement d'être à l'écoute des revendications. Or, une des premières
sources de démotivation est l'absence de réponse à une demande d'un salarié, ce
qui ne veut pas dire pour autant obtenir une réponse positive quelle que soit
la requête. Une carrière bien gérée dans un centre d'appels ne s'effectue pas
à la légère. Certes, même si l'entrée dans ces métiers n'est pas toujours un
acte que l'on a choisi avec le plus grand des plaisirs, le retour d'expérience
de la plupart de ceux qui ont franchi les étapes, met en lumière une certaine
satisfaction personnelle. Nul doute qu'avec la maturité croissante des métiers
de la relation client à distance, de nombreuses autres vocations vont
progressivement se dessiner.
Pratiques
Une mobilité en interne ou en externe En moyenne, entre 80 et 90 % (parfois 95 %) des superviseurs le sont après avoir été au préalable téléconseiller de “premier niveau”. Un pourcentage nettement inférieur lors du passage de superviseur à une fonction de responsable de plateau, 75 %
en moyenne. Pourcentage qui n'excède généralement pas les 50 % à l'occasion
du passage de responsable de plateau à celui de responsable de site. A noter : peu d'entreprises prônent le recrutement à cent pour cent en interne,
car la plupart estiment “qu'injecter régulièrement du sang neuf” ne peut être que
bénéfique.
Témoignage. « Ne pas être trop figé sur ce que l'on veut faire de son avenir »
Quelles sont les grandes lignes de votre parcours?
Issu d'une formation informatique, mais très intéressé par la notion de service, je suis entré chez Mondial Assistance France en 1994 en qualité de responsable de groupe manager premier niveau (équivalent à un poste de superviseur). Ce rôle consistait à encadrer 40 chargés d'assistance (téléconseillers). En tant que première personne à entrer dans l'entreprise n'ayant pas été téléconseiller, il m'a été assez difficile d'obtenir une légitimité aux yeux des téléconseillers alors en place. Pourtant, en 1996, je prends en charge le département assistance automobile, doté d'une centaine de personnes. En 1997, j'inaugure le poste de directeur adjoint des opérations (200 personnes), avec pour mission la mise en place d'une nouvelle organisation opérationnelle. En 2001, j'ai eu l'opportunité de prendre en charge une équipe opérationnelle aux Etats-Unis. Mais les événements du 11 septembre ont fait disparaître ce projet. Néanmoins, en février 2002, je deviens responsable des réseaux internationaux en quittant Mondial Assistance France, pour rejoindre le groupe Mondial Assistance en qualité de directeur des réseaux de prestataires internationaux. Le travail exigé fait alors appel à plus de fonctionnel que de management. En septembre 2003, je prends en charge la direction des opérations de Mondial Assistance France sur les deux sites du Mans et de Paris. Je suis à la tête de 12 responsables de service et 55 responsables de groupe, pour un effectif de 650 personnes hors saison.
Selon vous, est-ce un parcours atypique au sein de Mondial Assistance ?
Même s'il existe un cas similaire avec l'ancien directeur général qui était entré dans le groupe en tant que chargé d'assistance, je dois reconnaître que mon parcours est peu fréquent. Pourtant, 53 % des promotions se font en interne, autrement dit, une personne sur deux peut gravir les échelons pas à pas. En parallèle, nous sommes passés d'une phase de recrutement de postes généralistes (avec une bonne culture générale) à des postes de spécialistes, ce qui a créé des opportunités. Par ailleurs, soit le recrutement s'appuie sur une connaissance du métier en mettant l'accent sur la formation en management, soit le recrutement à l'extérieur est privilégié en misant sur une bonne expérience du candidat, capable d'apporter un savoir-faire différent issu d'autres entreprises. En réalité, la seule règle est de s'assurer au préalable que l'on ne dispose pas des compétences en interne.
Compte tenu de votre expérience, comment convaincre les autres que l'on est la bonne personne pour le poste demandé ?
En 1994, j'ai ressenti beaucoup de doutes et de jalousie de la part de certains de mes collaborateurs en raison de ma formation et de mon recrutement extérieur : « Comment peut-il prétendre être un superviseur alors qu'il n'est pas du métier? ». Il s'agit avant tout de faire preuve de beaucoup d'humilité et de considérer le métier des collaborateurs à leur juste mesure. Au tout début, je me suis installé sur une plate-forme, un casque sur les oreilles, en suivant une formation comme tout le monde et surtout en posant de nombreuses questions. Durant plusieurs mois, j'ai traité les dossiers comme un chargé d'assistance avant de prendre complètement en charge mes fonctions de responsable de groupe.
Peut-on définir des règles quant à la façon de gérer sa carrière ?
Même si cela peut paraître surprenant, je n'ai jamais visé le poste que j'occupe actuellement. L'évolution s'est faite naturellement, sans suivre un plan de carrière bien défini. Au niveau des ingrédients nécessaires pour franchir les étapes, il faut d'abord posséder les bonnes aptitudes et les développer en fonction des postes. Se servir de son expérience est aussi important. Autre élément, il faut être très curieux de l'évolution des services de l'entreprise qui bougent souvent bien plus vite qu'on ne le pense. Et cette curiosité permet de mieux la décrypter. D'un autre côté, il convient de ne pas être trop figé sur ce que l'on veut faire
de son avenir. Autrement dit, être ouvert dans ses réflexions. Il faut laisser la place à ce que l'on ressent au fil du temps et faire preuve d'enthousiasme. Ne pas oublier le facteur chance qui permet d'être là au bon moment lorsque les opportunités apparaissent. Il faut également que les collaborateurs reconnaissent vos aptitudes. Enfin, lorsqu'une personne peut encore donner beaucoup de choses à une entreprise, mais qu'en contrepartie celle-ci ne peut plus lui apporter ce qu'elle attend, il faut accepter l'idée que la personne se sépare de l'entreprise. On ne peut pour autant parler d'échec.
Profils
Carrière rime avec qualités L'escalade vers des postes supérieurs réclame un certain nombre de qualités.
N'est pas un bon manager qui veut. Encore faut-il posséder certaines aptitudes que partagent la plupart de ceux ayant fait carrière dans l'univers des centres de contacts. Outre les qualités somme toute élémentaires liées à ces professions relatives à l'assiduité, au sérieux et à la ponctualité, une bonne élocution et la maîtrise de la langue sont requises. Pour les missions à caractère commercial, la maîtrise de la dialectique, de la rhétorique et l'art de la négociation sont fortement appréciés. Posséder un certain charisme et faire preuve d'autorité sont autant d'aptitudes que l'on doit posséder. Etre épaulé continuellement par des personnes de rang hiérarchique supérieur permet d'acquérir plus vite les compétences pour s'élever dans la sphère des centres de contacts. En parallèle, posséder une connaissance précise de la stratégie marketing et commerciale de l'entreprise dans laquelle on travaille est un élément décisif pour anticiper les futurs besoins... et donc pouvoir s'y préparer plus rapidement.
Témoignage « Ne pas hésiter à se projeter dans l'avenir »
Quel est votre parcours professionnel ?
A mon arrivée chez Monster en 1999, en plein cœur de la bulle internet, j'ai commencé comme hôtesse d'accueil, autrement dit, standardiste. Un poste complètement nouveau pour moi. Six mois après, je suis devenue chargée de clientèle au niveau de la communication interne, domaine à nouveau inconnu jusque-là. Fin 2000, un poste de développeur commercial m'a été proposé. Dans un premier temps sur le terrain, ce poste est rapidement devenu sédentaire ce qui correspondait mieux à ma volonté d'utiliser l'outil téléphonique. Entre 2002 et 2003, je deviens télévendeuse chez Monster. Prenant à cœur ce poste - mes objectifs étant toujours dépassés- s'offre à moi une nouvelle opportunité : deux postes de managers en charge d'une équipe en région et sur Paris sont ouverts. Je saisis ma chance et m'aguerris au poste de manager avant d'évoluer en tant que manager new business, ce qui implique la responsabilité de trente commerciaux sédentaires sur Marseille.
Comment analysez-vous cette évolution rapide ?
Il est important de souligner que cette ascension a été rendue possible grâce aux dirigeants qui essaient de tirer le personnel vers le haut, notamment sous l'impulsion d'Eric Petco, le P-dg actuel de Monster. De même, le recrutement privilégie d'abord le personnel en interne avant de se tourner vers l'extérieur. En outre, mon expérience en tant que commercial sédentaire m'a permis de voir ce qu'il était possible d'améliorer dans l'entreprise ; ce qui m'a aidé et m'aide encore dans mon poste actuel de manager.
Quelles sont, selon vous, les qualités requises pour gravir les marches ?
Il faut tout d'abord apprécier et être motivé par ce que l'on fait.
D'où l'importance, lors de la montée en compétence, de se faire accompagner, de faire de son métier quelque chose de motivant, de s'intéresser aux problématiques des clients et d'essayer d'établir un vrai dialogue. Et non pas de se contenter simplement de lire un script. Pour cela, il est impératif de mettre en place non seulement des formations, des doubles écoutes, mais également de développer une aptitude pour pouvoir s'adapter rapidement aux nombreux cas clients que l'on peut rencontrer. Il est donc nécessaire de posséder une faculté d'adaptation, aimer apprendre, ne pas se décourager et, enfin, ne pas hésiter à se projeter dans l'avenir pour savoir vers quel poste on souhaite s'orienter.
Témoignage. « Mon but initial était d'arriver le plus haut possible en un minimum de temps »
Quel est votre parcours professionnel ?
Après une expérience d'entrepreneur, liée à la création d'une société (un studio de création graphique à Villeurbanne) jusqu'en 2002, je suis devenue téléacteur en travail temporaire en mars 2003 pour le compte d'Adecco au sein d'Ajilon. En septembre 2003, l'opportunité d'un poste de chef d'équipe (superviseur) s'offre à moi. Je la saisis en octobre 2003 en devenant responsable de huit téléacteurs. Après un départ en congés maternité en juillet 2004, une nouvelle alternative se dessine à mon retour, en décembre 2004, via un poste de responsable de plateau junior. Toujours à ce poste aujourd'hui, cette fonction exige une partie de production et de management avec la responsabilité de 27 personnes.
Comment expliquez-vous cette ascension rapide ?
Mon évolution rapide peut s'expliquer en partie par la faculté dont j'ai fait preuve à me donner les moyens nécessaires pour gravir les échelons, sachant que mon but initial était d'arriver le plus haut possible en un minimum de temps. La fonction de téléacteur était pour moi un tremplin pour arriver à faire autre chose et j'ai perçu cette fonction comme un pont entre deux carrières. Je n'ai pas reçu de formation spécifique si ce n'est celles dispensées très récemment. Il faut bien comprendre que ce secteur était propice aux embauches, à la différence de fonctions de communication, voire d'assistance commerciale. Preuve de la forte demande, lorsque j'ai postulé, j'avais été reçue dans la journée après réception de mon CV.
Comment percevez-vous le niveau de difficulté entre les postes ?
J'ai davantage de responsabilités quant à la production comme responsable de plateau qu'en tant que superviseur. Ce dernier n'a pas, ou très peu, de relations avec le client. Cela reste du coaching, de l'accompagnement, du suivi, du reporting, etc. Il est important de préciser qu'il m'aurait été difficile de devenir responsable de plateau sans, au préalable, avoir été téléacteur puis superviseur. Cette absence de franchissement des étapes une par une doit être non seulement difficile pour les responsables qui sont “parachutés” sans avoir fait leurs preuves, mais aussi pour les téléacteurs, dont le capital confiance envers le nouveau responsable ne peut pas être très important, du moins, dans un premier temps.