FIDELITE DEMATERIALISEE: LES FRANCAIS RESTENT SCEPTIQUES
A l'occasion de la saint Fidèle, le 24 avril, Init a livré les résultats de son étude sur la dématérialisation des programmes de fidélité. Un des enseignements de son analyse: l'innovation ne doit pas faire perdre de vue la récompense ni la reconnaissance, les deux fondamentaux de la fidélisation.
CHRISTIAN BARBARAY (INIT)
La moitié des Français possèdent un smartphone et ils sont aussi nombreux à être attirés par la carte de fidélité en plastique. Ces deux résultats de l'étude menée par Init, publiés à l'occasion de la saint Fidèle, le 24 avril dernier, sur le site dédié www.journeedelafdelite.com, soulèvent une interrogation: 2012 sera-t-elle l'année de la dématérialisation des programmes de fidélité?
Selon le cabinet de conseil Init, certains chiffres militent en faveur de cette tendance. Plus d'un Français sur dix déclare connaître les programmes de fidélisation dématérialisés et cite spontanément ceux des enseignes de la grande consommation. 7 % d'entre eux ont déjà utilisé leur smartphone comme carte virtuelle. « Sachant que les premiers programmes dématérialisés sont apparus ces deux dernières années, ces données sont plutôt encourageantes », commente Christian Barbaray, p-dg d'Init.
En outre, 50 % des consommateurs interrogés possèdent un smartphone et les deux tiers d'entre eux jugent le concept de dématérialisation attractif. Par ailleurs, l'étude fait clairement apparaître l'attraction que suscite cette tendance. Par exemple, les mobinautes apprécient de pouvoir profiter des bons plans (73 %), des promotions (72 %), ou encore des ventes flashs (68 %) directement sur leur mobile. Malgré cet engouement, les Français restent raisonnables. Ils affirment, à 71 %, que les avantages de la dématérialisation n'entraîneront pas plus de visites en boutique. La majorité (73 %) pense également qu'elle ne dépensera pas plus en magasin. Les résultats témoignent également du scepticisme des Français face à la montée en puissance des programmes de fidélité sur mobile. Les consommateurs entretiennent en effet une relation paradoxale avec le digital et la dématérialisation. Ils veulent être reconnus mais craignent, en même temps, une trop forte intrusion des marques dans leur vie privée (à 70 %) , et redoutent (à 78 %) une sursollicitation des marques. « Une ambivalence qui montre bien l'attraction qu'offrent les smartphones et les craintes qu'ils inspirent », explique Christian Barbaray
Cette ambivalence n'est pas seulement une question d'évolution des mentalités. En effet, pour séduire un large public, l'offre doit être intuitive et les applications simplissimes. En outre, pour que le consommateur accepte de donner des informations personnelles, il faut qu'il en ressente clairement le bénéfice. « Le pouvoir d'attraction du mobile fera tomber les craintes naturellement. Les consommateurs ne considéreront plus les offres du programme: SMS de promotion, par exemple, comme intrusives », poursuit le p-dg d'Init.
Parallèlement, les cartes en plastique n'ont pas dit leur dernier mot. Certaines cartes d'appartenance à un club VIP, par exemple, apparaissent comme un signe de valorisation sociale pour leurs détenteurs. Il n'est donc pas certain que la dématérialisation les remplace de sitôt. Enfin, le téléphone reste moins pratique qu'une carte de fidélité classique. « C'est pourquoi il est capital que les enseignes proposent des programmes basiques et faciles à utiliser », commente Christian Barbaray.
Dématérialisé ou non, le programme de fidélité a encore du chemin à parcourir pour conquérir définitivement le coeur des Français. Près de la moitié des clients souffrent d'un manque de reconnaissance. L'étude révèle que seules 5 1 % des personnes interrogées se sentent considérées comme des clients privilégiés en adhérant à un programme de fidélité. Même si ce résultat est en progression par rapport à 20 11 (ce chiffre ne s'élevait alors qu'à 47 %) , les programmes de fidélité ne comblent pas toujours les attentes des consommateurs, qu'il s'agisse de récompenses transactionnelles ou relationnelles. En se diffusant et en se généralisant, les programmes de fidélisation ont perdu un peu de leur statut différenciant. Ainsi, deux tiers des personnes interrogées estiment que les récompenses ne sont pas à la hauteur de leurs espérances. Du coup, le client qui s'estime fidèle à une enseigne en est d'autant plus déçu. Pour Christian Barbaray, nous passons d'une société de consommation à une société de considération: « Les programmes doivent proposer des solutions plus adaptées à leurs clients et davantage de personnalisation, pour capitaliser sur la dimension relationnelle et affective ». Au-delà des cadeaux, les consommateurs attendent que le programme de fidélité leur facilite la vie: en leur consacrant une ligne de SAV dédiée, par exemple. Il ne s'agit plus seulement de conquérir la cible la plus large possible, mais aussi de veiller à la maintenir active. Le programme de fidélité s'impose, dès lors, comme un canal de communication à part entière.
Pour réussir le virage de la dématérialisation, les enseignes doivent non seulement accompagner leurs clients vers le digital, les rassurer et créer un vrai lien de confiance, mais aussi donner de la valeur à leur programme. Un enjeu de taille au regard des chiffres: 96 % de la population française déclarent posséder une carte de fidélité...
THIERRY SPENCER vice-président de Testntrust
CHRISTOPHE BENAVENT professeur à l'Université de Paris-X
Réactions
« Les cartes de fidélité n'atteignent pas leur objectif »
Dans les deux tiers des cas, les cartes de fidélité n'atteignent pas leur objectif parce que la majorité des personnes interrogées (67 %) oublie, tout simplement, d'utiliser les avantages (bons de réductions, points à convertir) de sa carte de fidélité. En outre, 57 % des consommateurs estiment que le délai de validité des bons de réduction ou autres points est trop court. Enfin, plus alarmant, près de 40 % des possesseurs de carte de fidélité ne sont pas intéressés par les avantages qu'elle procure. Trop d'enseignes ont tendance à concevoir leur programme de fidélité comme un gadget ou une obligation. Si certaines marques n'en possèdent même pas, c'est parce que finalement, elles considèrent qu'un bon produit ou qu'un service de qualité reste ce qu'il y a de plus fidélisant.
«Les insatisfactions des Français seront comblées par de nouveaux services»
Les Français déclarent posséder, en moyenne, cinq cartes de fidélité et les ont totalement intégrées dans leur processus d'achat. La valeur d'exception de la carte de fidélité semble avoir totalement disparu. Pour que les programmes de fidélité remplissent leur rôle, il faut qu'ils apportent plus de valeur ajoutée.
On peut ainsi espérer qu'avec la dématérialisation, les insatisfactions des Français soient comblées par de nouveaux services, comme la dimension sociale ou la géolocalisation, qui deviennent de véritables assistants d'achat de consommation. Enfin, grâce au mobile, les consommateurs auront toujours leur carte en poche et ne risqueront plus de l'oublier.
METHODOLOGIE
L'étude a été réalisée par la société Init, présidée par Christian Barbaray. Le sondage a été réalisé auprès d'un panel de 1 000 personnes de 15 à 65 ans, représentatif de la population française, entre le 15 et le 18 mars 2012, par easy panel, pour Init. La journée de la fidélité est organisée par Nathalie Rémi-Beaucé, Christian Barbaray, Thierry Spencer, vice-président de Testntrust, et Christophe Benavent, professeur à l'Université de paris-X Nanterre.