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FIDELISATION : QU'EST-CE QUI MARCHE VRAIMENT?

Les enseignes explorent de nouvelles voies pour améliorer leurs dispositifs de fidélisation. L'objectif? Favoriser le retour des clients, encore plus volages en cette période de crise.

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Que ceux qui n'ont jamais accepté une carte de fidélité chez un commerçant lèvent la main! Les analystes sont unanimes: les Français collectionnent ces supports qui récompensent leur assiduité auprès d'une enseigne, qu'il s'agisse d'un hypermarché, d'une librairie, d'un restaurant ou d'une chaîne de salons de coiffure. Selon une enquête de l'institut d'études marketing Init, 96 % des personnes interrogées déclarent disposer d'au moins une carte de fidélité. Et chacun en détient en moyenne cinq dans son portefeuille ! Pourtant, ces cartes ne sont pas toujours pleinement utilisées. Plus de 60 % des personnes interrogées déclarent passer à côté des avantages associés aux programmes, faute de pouvoir présenter le précieux sésame à l'instant T. Et 45 % jugent que les récompenses ne sont pas suffisamment intéressantes. Une tendance qui s'accentuerait d'année en année...

Fabienne Goarzin (Cabinet conseil Vertone)

Fabienne Goarzin (Cabinet conseil Vertone)

Fabienne Goarzin (Cabinet conseil Vertone)

«Les détenteurs de cartes de fidélité ont accès à des catalogues de primes qui mettent de plus en plus en avant des récompenses dématérialisées.»

Franck Rosenthal (Leclerc)

Franck Rosenthal (Leclerc)

Franck Rosenthal (Leclerc)

Rien de tel que de récompenser le client qui vous confie ses données.

Des offres plus généreuses et personnalisées

Pourtant, les enseignes ont accompli des progrès considérables, elles qui multiplient les petites attentions censées séduire les chalands physiques ou digitaux. Le site de vente de chaussures Spartoo.com n'hésite pas à envoyer à certains de ses clients qui fêtent leur anniversaire un bon d'achat de 15 euros (valable un mois) à valoir sur tout achat d'une paire de chaussures d'un montant minimum de 60 euros. Dans le monde «réel», de plus en plus de commerçants s'efforcent de panacher le cagnottage classique (le cumul de points ouvrant droit à des réductions) avec des modes de rétribution immédiate. « Une façon de récompenser des clients qui adorent consommer vite et avoir des récompenses rapides», explique le consultant en marketing Frank Rosenthal. Entre autres exemples, les centres Leclerc permettent aux détenteurs d'une carte E. Leclerc de cumuler des tickets E.Leclerc (sur l'achat de produits signalés), utilisables dès le lendemain de leur obtention.

Pour tous, le nerf de la guerre consiste à collecter, en amont et de façon subtile, les informations permettant de personnaliser les offres - sans effrayer le client. «Rien de tel que de récompenser le client qui vous confie ses données», souligne Frank Rosenthal, qui précise qu'il s'agit d'une tendance lourde aux Etats-Unis. De ce côté-ci de l'Atlantique, la pratique est plus rare... pour l'instant. Dernièrement, les jardineries Gamm Vert ont ainsi promu une opération permettant de bénéficier d'un bon d'achat de cinq euros pour toute ouverture d'un compte sur le site Gammvert.fr. Une inscription nécessitant d'enregistrer ses coordonnées, bien sûr, mais aussi de préciser ses préférences : le client devait ainsi déclarer s'il possédait un animal domestique, si son domicile était doté d'une terrasse, d'un balcon, d'un potager... Une fois l'inscription au programme de fidélité effectuée, d'autres informations peuvent être exploitées pour mieux cerner les attentes du client en utilisant, par exemple, des outils d'analyse des conversations sur différents canaux : appels ou mails adressés à l'enseigne, forums, tchats, réseaux sociaux. L'idée ? « Analyser automatiquement le discours afin d'identifier précisément les réclamations et les points de mécontentement », explique Claire Richardson, directrice optimisation des équipes pour l'Europe chez l'éditeur américain Verint Systems.

En France, Akio s'est, quant à lui, spécialisé dans les solutions de gestion des interactions clients (mail, voix, fax, courrier, réseaux sociaux...). Son credo : «Aider les entreprises à répondre vite et bien à toutes les demandes de leurs clients», détaille Malik Fadel, directeur général. L'historique des interactions est non seulement mis à la disposition des téléconseillers, mais il est aussi, de plus en plus en souvent, transmis aux professionnels du marketing et de la communication, qui ajustent leurs opérations en conséquence.

Malik Fadel (Akio)

Malik Fadel (Akio)

Les enseignes ont également fait des progrès notables dans l'analyse de la consultation des e-mails qu'elles transmettent aux abonnés des programmes de fidélité. François Houste, directeur associé chargé du marché du tourisme chez LSF Interative, explique ainsi que la collecte d'adresses électroniques ne constitue plus qu'une petite partie du travail. «L'important consiste à qualifier les informations pour chaque abonné : son code postal, ses centres d'intérêt, les informations qu'il a déjà reçues...», souligne-t-il. Pour y parvenir, cette agence marketing, qui travaille pour de nombreux offices de tourisme, s'appuie sur des données déclaratives, mais aussi «sur une analyse automatisée des affinités» de chaque abonné, basée sur un examen des informations qu'il a consultées dans les newsletters qui lui ont été envoyées. «S'il est manifeste qu'un destinataire ne s'intéresse qu'aux cures de thalassothérapie, aux séjours en bord de mer ou encore à la gastronomie, nous lui adresserons des informations et des promotions plus ciblées.», précise François Houste.

JEAN-FRANCOIS NOVAK, président d'Adelya, opérateur de fidélisation

JEAN-FRANCOIS NOVAK, président d'Adelya, opérateur de fidélisation

Trois question à JEAN-FRANCOIS NOVAK, président d'Adelya, opérateur de fidélisation

«Il ne faut pas avoir peur d?Internet.»


Pourquoi est-il plus difficile de fidéliser aujourd'hui?
Parce que le consommateur a terriblement changé. Il se renseigne très souvent sur Internet avant de faire ses achats, il est mieux informé des fonctionnalités et de la qualité des produits, et il recherche très souvent des prix.
C'est particulièrement vrai pour les jeunes, très sensibles aux promotions et aux bonnes affaires. La mode du «deal» et des ventes privées sur le Web, avec l'essor des sites comme Groupon ou Vente-privee.com, rend difficile toute tentative de fidélisation de la part de commerçants.


Ces derniers peuvent-ils rivaliser?
Il ne faut pas avoir peur d'Internet, et lutter avec les mêmes armes. Les commerçants doivent apprendre à gérer la relation client en utilisant ce que ceux-ci aiment, par exemple, utiliser les nouveaux médias pour promouvoir leurs produits et attirer une nouvelle clientèle. Il faut ensuite fidéliser cette clientèle. Les cartes, de plus en plus dématérialisées, conservent tout leur sens. Elles aident le commerçant à informer son client et à lui faire plaisir. C'est important.


Le «sans contact» va-t-il faciliter la fidélisation?
Oui, et on le voit bien aux Etats-Unis. En France, le déploiement du sans contact a été plus lent que prévu, alors que la technologie est parfaitement maîtrisée. Au démarrage, les clients recevaient des cartes et des stickers dotés de puces de communication sans contact NFC (Near Field Communication). Désormais, nos applications sont aussi compatibles avec les mobiles NFC, de plus en plus nombreux sur le marché français. La massification de cette technologie ouvrira de nouvelles portes pour la fidélisation.

Virgin a sorti, fin 2011, une nouvelle application, dédiée à la carte de fidélité Virgin Megastore.

Virgin a sorti, fin 2011, une nouvelle application, dédiée à la carte de fidélité Virgin Megastore.

La dématérialisation gagne du terrain

«La multiplication des dispositifs sur mobile facilite aujourd'hui l'utilisation des cartes de fidélité», assure Julien Dubreuil, directeur stratégie et innovation chez Tessi Marketing Services, une société spécialisée dans le marketing opérationnel et la gestion d'opérations promotionnelles. «Cette solution n'est pas pertinente dans 100 % des cas», prévient-il - selon les derniers chiffres du CrédocCentre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie. Enquête menée du 15 au 18 mars 2012., et même si ce taux progresse rapidement, seuls 17 % des Français étaient équipés d'un smartphone connecté à l'Internet mobile en décembre 2011. «Le mobile est cependant la clé de voûte des nouveaux usages des cartes», estime Julien Dubreuil. Notamment parce qu'il facilite l'inscription aux programmes et leur utilisation par le client. Avec leur nouvelle application pour l'iPhone, les restaurants La Boucherie ont par exemple, simplifié le processus d'adhésion au programme Privilège de l'enseigne, qui ouvre droit à des réductions, des avant-premières et des alertes sur certaines offres exclusives. « Muni de son iPhone, il suffit de flasher le code 2D affiché en restaurant pour télécharger gratuitement l'application sur l'App Store et s'inscrire », indique Marlène Colegrave-Velé, directrice marketing de La Boucherie. Le groupe s'efforce aussi de glaner des informations optionnelles qui lui permettront de diffuser des offres plus ciblées. Ceux qui viennent en famille seront, par exemple, sensibles à la gratuité du menu enfant (pour tout menu payant acheté), tandis que les fans de foot seront prévenus des opérations spéciales susceptibles d'être organisées pendant les championnats...

Dans le même esprit, Virgin a sorti, fin 2011, une nouvelle application, compatible avec tous les smartphones et dédiée à la carte de fidélité Virgin Megastore. Premier bénéfice: «Lors du passage en caisse, la personne devra simplement présenter son mobile pour cumuler des points », annonce le groupe. Deuxième avantage: « Où qu'il se trouve, le client a la possibilité de consulter ses infos personnelles, son solde de points, son niveau dans le pro-gramme de fidélité », ou encore de jeter un coup d'oeil aux dernières nouveautés et promotions en magasin.

Avec sa nouvelle application Digifid destinée aux commerçants, Tessi Marketing Services va un peu plus loin dans l'exploitation des codes 2D. Cette nouvelle technologie doit permettre de proposer au client de cumuler des points grâce à « la validation des achats à partir de codes 2D uniques et sécurisés [...], imprimés à l'intérieur des produits ». Les promotions seront de plus prochainement annoncées sur un portail multicanal, baptisé Consosmart by Tessi et destiné à « tisser une communauté intéressée par les offres promotionnelles », détaille Julien Dubreuil.

Les primes, elles aussi, passent au numérique. Selon Fabienne Goarzin, directrice associée du cabinet de conseil Vertone, les détenteurs de cartes de fidélité ont en effet « accès à des catalogues de primes qui mettent de plus en plus en avant des récompenses dématérialisées, comme des crédits iTunes ».

CHEZ CITROEN, CONDUCTEURS HAUT DE GAMME = FIDELISATION DE HAUTE VOLEE

«Le programme Citroën DS Privilège s'inscrit dans notre volonté de nous renforcer sur le marché premium et de fidéliser les clients concernés», lance Gérard Alfaro, responsable marketing promotion véhicules neufs chez Citroën, lorsqu'on l'interroge sur le club exclusif ouvert en début d'année pour les acheteurs de véhicules haut de gamme DS. Le moins que l'on puisse dire est que les membres dudit club sont cajolés par la marque : ils sont invités à des événements (matchs de football, spectacles, expositions...), et même à des «nuits DS» organisées dans des maisons à l'architecture remarquable.
Ils bénéficient aussi d'un service de conciergerie privée, géré par la société John Paul. Du lundi au vendredi, de 9 h à 20 h, chaque membre a ainsi la possibilité de faire appel à un assistant personnel qui lui facilitera le quotidien: recherche d'une baby-sitter, location d'un piano pour une soirée... Avec ce dispositif, Citroën fait d'une pierre deux coups. Le constructeur fait plaisir à une clientèle très exigeante, et dans le même temps connaît mieux les goûts de chacun grâce à un service considéré comme un outil de «profilage comportemental» du client.

François Houste (LSF Interactive)

François Houste (LSF Interactive)

François Houste (LSF Interactive)

«L'important consiste à qualifier les informations pour chaque abonné: son code postal, ses centres d'intérêt, les informations qu'il a déjà reçues...»

LES ETATS-UNIS EN PLEINE EFFERVESCENCE «FIDELISANTE»

Sous l'impulsion de Google, PayPal et d'autres, les Etats-Unis sont aux avant-postes de l'innovation en matière de fidélisation, en particulier avec des technologies utilisant les puces sans contact et la géolocalisation. Créée en 2010, Shopkick a ainsi développé une application pour mobile permettant de recevoir des offres géolocalisées et personnalisées pendant son parcours de shopping. De grandes enseignes comme Macy's l'ont déjà adoptée, et créditent ainsi automatiquement les comptes de leurs clients «encartés» dès qu'ils franchissent le seuil d'un magasin. Nul besoin de consommer : il suffit de franchir le seuil d'une enseigne partenaire pour gagner des points de fidélité et se voir proposer des offres de réduction! Cette technologie fait déjà des émules dans l'Hexagone, où Fidzup met à la disposition des commerçants une nouvelle application ludique d'animation de clientèle sur mobile, ainsi que des applications en marque blanche de dématérialisation de cartes de fidélité. Selon l'entreprise, l'utilisateur qui entre dans un magasin peut «gratter» des logos dans les applications pour «jouer et gagner des cadeaux».

Fidélisation et paiement appelés à converger

Pour alléger le portefeuille des clients, on voit aussi apparaître de nouvelles applications pour mobile, tels Fidall ou FidMe. Elles permettent de regrouper toutes les cartes de fidélité sur son mobile (pour enregistrer une nouvelle carte, il suffit d'en scanner le code-barres via l'appareil photo du mobile), mais aussi de demander en quelques clics à adhérer à de nouveaux programmes. Quant à la nouvelle version du système d'exploitation pour mobile iOS d'Apple, attendue pour octobre, elle devrait intégrer Passbook, une appli qui, selon Apple, «permettra de centraliser billets, tickets et cartes», et devrait, en outre, géolocaliser l'utilisateur afin d'afficher la bonne carte de fidélité lorsqu'il se trouve dans l'un de ses magasins préférés. A en juger par la quantité d'enseignes qui mènent des expérimentations, notamment Starbucks aux Etats-Unis, cette géolocalisation des clients a de beaux jours devant elle. En 2010, Flunch est devenue la première chaîne française de restaurants à utiliser Foursquare pour fidéliser ses clients : un café est offert dès le premier pointage dans un restaurant, trois checkin en 15 jours donnaient droit à un deuxième plat chaud à moitié prix (cette offre a aujourd'hui expiré), et un plat à cinq euros récompense chaque «maire» d'un Flunch, autrement dit celui qui a enregistré le plus grand nombre de check-in. Et ce, pendant toute la durée de son «mandat»...

Marlène Colegrave-Velé (La Boucherie)

Marlène Colegrave-Velé (La Boucherie)

Julien Dubreuil (Tessi Marketing)

Julien Dubreuil (Tessi Marketing)

Pour les spécialistes, nul doute que les technologies de paiement et de fidélisation finiront par converger. Notamment grâce à de nouvelles technologies packagées par des jeunes pousses. Florent Guilbert, président d'Up & Net, explique ainsi que sa société a développé un service de porte-monnaie virtuel pour sites marchands qui accepte les chèques cadeaux ou les points de fidélité. L'entreprise est aussi à l'origine d'autres systèmes permettant «d'attribuer des points de fidélité à un client on line récurrent», puis de les convertir en espèces sonnantes et trébuchantes lors d'un paiement. De quoi rebattre les cartes de la fidélisation.

Zoom sur

Casino cultive la proximité


Avec près de 9 500 magasins en France, Casino sait être géographiquement proche de ses clients. Mais pour les satisfaire, sur un marché de plus en plus concurrentiel, le groupe a aussi décidé de «tisser avec eux une proximité relationnelle», explique Adrien Moreira, responsable du nouveau site communautaire Cvous.com. Il mise sur la «cocréation» et la fidélisation : les avis les plus appréciés font gagner à leurs auteurs des points de contribution C'Top, ouvrant droit à des surprises. Chaque membre peut soumettre une idée de produit (C'Vos produits), de service (C'Vos idées), ou indiquer en toute liberté ce qui lui plaît ou pas dans son magasin (C'Entre nous). Ils sont déjà assez nombreux à exprimer leurs doléances, par exemple, concernant des étiquettes de codes-barres laissant des traces indélébiles, sur «la crasse de certains fonds de paniers» ou la sous-représentation des produits végétariens dans les rayons. Casino s'efforce de leur apporter des réponses. «Sans langue de bois et sans discours de «marketeurs» », assure Adrien Moreira. Pour ce qui est des produits végétariens, sujet phare du moment, la community manager de C'Vous, Marina Lin, précise ainsi qu'un projet est à l'étude en vue de mettre en valeur de nouveaux produits alimentaires «éthiques» répondant aux attentes des végétariens et végétaliens.

CHRISTOPHE DUTHEIL

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