Enquête CFDT : Sophie de Menthon réagit
Suite à la parution dans Centres d'Appels n° 25, p. 34, d'un article sur une enquête de la CFDT et titré "Et si on arrêtait la démago ? " Sophie de Menthon, P-dg de Multilignes Conseil, nous a fait parvenir une longue réaction. Dont voici les principaux éléments.
« Il faut avoir le courage d'affronter la réalité : Oui, ce métier ne se
départit pas des schémas du monde industriel, et pour cause il en a toutes les
caractéristiques : ratios horaires, cadences obligatoires liées au décrochage.
Ne soyons pas schizophrènes, ce sont les mêmes qui crient au retour du
taylorisme et qui hurlent lorsque leur service consommateur ne répond pas !
Les "perspectives professionnelles" ?
On ne peut pas
les inventer, c'est vrai. Tout le monde ne peut pas être superviseur ou chargé
de production au bout de deux ans, il faut tous les jours des centaines de
téléacteurs supplémentaires, ils ne peuvent pas tous devenir "chef", nous ne
demanderions pas mieux... Ne nous cachons pas non plus la vérité sur ceux qui
viennent travailler dans les call centers. Ce sont les déçus de l'Education
nationale (...). Ils sont donc mécontents dès le départ. Exception faite de
ceux qui considèrent que c'est un métier d'appoint ou transitoire, permettant
de poursuivre leurs études, de se spécialiser ou de faire un autre métier en
même temps. Ceux-là veulent une grande souplesse d'horaires, des CDD renouvelés
selon leurs autres exigences d'emploi du temps, et pour eux nous ne pouvons
rien car renouveler des CDD est interdit. Quant au "vrai" métier tant souhaité,
on se demande un peu qui le souhaite après les tombereaux de critiques
ressortant de l'étude : "répétitif", "stressant", "inintéressant", "sans
débouchés" etc. ! Cela dit, il est vrai que ce métier qui nécessite des
qualités d'expression et de communication, d'écoute, de répartie, fait que
sortent de nos entreprises des gens qui ont acquis des compétences de vente, de
solides compétences en informatique et une culture-client que personne en
France ne juge utile d'enseigner. Aussi, l'excellente initiative
gouvernementale consistant à introduire le concept d'entreprises diplômantes
est-elle parfaitement adaptée à ces métiers de contacts relégués au rang de
petits boulots non gratifiants. (...) Reste les autres critiques liées à
l'exercice même de cette profession, il faut aussi avoir le courage de
reconnaître dans certains cas leur bien fondé. "Répétitif" ? Qui peut dire le
contraire ? Lorsque la qualité de notre prestation repose sur l'uniformité du
discours travaillé dans les argumentaires, et dans le respect parfois
scrupuleux des réponses aux objections ; oui, c'est répétitif et ce le
demeurera. Le fait même d'ailleurs de passer six heures par jour au téléphone
est fastidieux et répétitif, c'est pourquoi je pense que 80 % des téléacteurs
passeront trois ans en moyenne dans un call center ou une société de
télémarketing et que l'idéal est que ce passage leur permette d'avoir un
diplôme à la sortie, qui aura d'autant plus de valeur qu'il sera la garantie
d'une vraie activité exercée sur le terrain.
"Une profession reconnue" ?
Encore faut-il qu'on puisse l'exercer ! Qu'elle cesse
d'être la source de revendications pour l'instant impossibles à satisfaire.
Depuis quand en France, après avoir des années subventionné l'industrie,
tire-t-on à boulets rouges sur une nouvelle forme d'industrie du tertiaire
promise à un développement inéluctable ? (...) On pourrait aussi ne pas laisser
détruire l'image de cette profession, ne pas contribuer inlassablement à
expliquer à ces jeunes de toutes origines qu'ils exercent un non-métier. On
pourrait partir du principe que c'est une opportunité que d'avoir un million
d'emplois qualifiants, que les nouvelles exigences des consommateurs que nous
sommes, s'affirment 24 heures sur 24 et que nous souhaitons aménager des
accords qui permettent d'y répondre à l'intérieur de nos frontières, même s'il
s'agit "d'horaires difficiles". On pourrait rêver que nos clients pensent qu'il
n'est pas normal de payer un téléacteur moins qu'une femme de ménage. Et,
puisque dans cette enquête 30 % des interviewés réclament plus de
"considération", alors commençons tout de suite en refusant de tout dire et
tout faire pour dévaloriser ce qu'ils font dans les médias. Que chacun balaye
devant sa porte ! »