Concentration en migration
Le groupe bancaire a initié en juillet 2001 la réorganisation de son dispositif de contact téléphonique avec la clientèle. Deux sites pour un centre virtuel unique, qui devrait pouvoir prendre en charge dès juin 2003 la totalité des appels émis vers les agences. Explications du responsable du centre de relations clients de BNP Paribas.
Comment le centre de relations clients s'inscrit-il dans la stratégie générale de développement de BNP-Paribas ?
Le centre de
relations clients, ou CRC, est une composante importante du projet multicanal
de BNP Paribas. Les deux plates-formes de Paris-Tolbiac et d'Orléans ont été
ouvertes en juillet 2001. La montée en charge a été assurée par l'équipe de
pilotage. Parallèlement au développement du CRC, les équipes multicanal
travaillent depuis le printemps 2002 à l'insertion du poste de travail
commercial au sein du réseau. L'ergonomie des transactions pour l'ensemble des
commerciaux du réseau métropolitain, l'accès au dossier client, la gestion de
la relation client, l'aide en ligne des conseillers et la consommation des
services au quotidien ont été complètement revus. Le CRC et les agences
disposent ainsi du même poste de travail, avec les mêmes outils partagés. Entre
avril et mi-septembre 2002, toutes les équipes commerciales du réseau ont été
formées à la pratique de l'outil. Et aujourd'hui, les équipes de pilotage sont
de nouveau sur le terrain pour voir comment les collaborateurs se sont
approprié leur nouveau poste de travail et les modes de communication entre
banque de proximité et banque à distance.
Où en êtes-vous du programme de migration ?
Aujourd'hui, les appels émis vers 42 % du
dispositif des agences arrivent sur le CRC. Compte tenu du programme de montée
en charge, on aura migré un peu plus de 50 % des agences à la fin de l'année.
L'ensemble du réseau, soit 2 200 agences, sera intégré au système autour de
juin 2003. Nous avons pris un petit peu de retard mais nous sommes à peu près
dans le schéma cible. Ce qui dicte la montée en charge du projet, c'est notre
capacité à recruter des collaborateurs en nombre suffisant. Et c'est notre
principale difficulté. A terme, le CRC emploiera 240 téléconseillers sur
Orléans et 160 sur Paris. Aujourd'hui, nous sommes un peu au-dessus de 250 au
total, équitablement répartis sur les deux sites.
Pourquoi deux sites ?
Le CRC est virtuel. La distribution des appels est
organisée de manière complètement indifférenciée sur les deux sites de
Paris-Tolbiac et d'Orléans. Le fait d'avoir deux sites répond bien sûr à une
problématique de recrutement, a fortiori dans un schéma de rapide montée en
charge, puisque nous aurons recruté quelque 500 personnes en deux ans. Il
s'agissait aussi de diviser les risques afin d'empêcher la discontinuité du
service, chaque plate-forme assurant le back-up technique de l'autre.
Comment entre-t-on en contact avec le CRC ?
Il y a deux
modes de mise en contact. Premièrement, le rebond du SVI, lequel est ouvert 24
h/24, avec un taux de prise de 90 %. Le serveur vocal reçoit aujourd'hui 1,5
million d'appels par mois. Entre 12 et 15 % des appelants demandent à être en
contact avec un téléconseiller. Deuxièmement, la migration progressive sur le
CRC des appels jusqu'alors émis vers les groupes d'agences. Nous disposions
dans chacun des 105 groupes d'agences d'un SAT, ou service d'accueil
téléphonique. Aujourd'hui, 42 % des flux téléphoniques qui arrivaient
précédemment dans les groupes d'agences, donc sur ces SAT, sont directement
orientés sur le CRC, sans passer par le SVI. Ce qui représente aujourd'hui
environ 300 000 appels par mois. Par séquences de quatre semaines, on les amène
progressivement sur le SVI. Un client appelle son numéro d'agence, donc celui
de son ancien SAT : l'appel est immédiatement orienté sur le CRC. Bientôt, pour
les agences qui ont basculé dans l'été, le client entendra un message l'infor-
mant qu'il peut directement appeler le 0820 820 01, c'est-à-dire le numéro
unique du CRC, ouvert 6 jours/7 jusqu'à 22 h. Le tout s'étalant sur 16
semaines, pour ne pas perturber les clients - d'autant que les SAT
fonctionnaient plutôt bien - et faire les choses dans la transparence en leur
expliquant qu'on les amène progressivement sur un système centralisé de gestion
de l'accueil téléphonique.
On a parlé d'un budget de plus de 200 millions d'euros autour de ce projet...
Les budgets sont
importants, c'est clair, mais ils concernent l'ensemble du budget de la banque
multicanal et pas le seul CRC. C'est un projet très engageant, qui a
aujourd'hui trois ans. Nous avons peu communiqué autour de ce projet. Il n'est
pas question de faire des promesses que nous ne pourrions tenir. Et nous
voulons tout faire de manière transparente. Le conseiller à Orléans ne cachera
pas au client qu'il n'est pas dans le groupement d'agences ou dans l'agence du
client qui l'appelle. Mais il expliquera au client qu'il le connaît tout aussi
bien que son conseiller en agence. En septembre, 23 % des appels arrivant sur
le CRC étaient transférés sur les agences à la demande des clients. Notre
objectif étant de tomber à 15 % lorsque les appels concernant les entreprises
seront mieux dirigés.
Quel taux de rétention des appels visez-vous à terme au niveau du SVI ?
Le serveur vocal exerce aujourd'hui un
bon taux de rétention sur les appels des clients. Lorsque tous les appels
seront migrés vers le SVI, nous pensons que 30 % des appels au total seront
retenus par le SVI. C'est un modèle relativement prudent, mais très structurant
en termes d'offre de qualité de service et important pour dimensionner la
capacité d'accueil du CRC et ne pas se trouver pris de court.
La migration des SAT vers le CRC va-t-elle générer des suppressions d'emplois ?
Les services clients disparaissant, des postes vont être
supprimés. Mais, en aucun cas, des emplois car nous avons de gros besoins de
personnel du fait du déploiement de notre réseau d'agences. Cela nécessite bien
sûr des efforts en reconversion interne. Pour ma part, j'aurais préféré pouvoir
intégrer davantage de collaborateurs des SAT au sein du CRC. Aujourd'hui, à
peine un tiers des conseillers en place sur la plate-forme de Paris, par
exemple, viennent des SAT ou de BNP en ligne. Pratiquement tous les
collaborateurs qui nous rejoignent aujourd'hui ont été recrutés à l'extérieur
du groupe.
Quels sont les profils que vous recherchez pour le CRC ?
Le profil de recrutement est orienté bac + 2. 70 % des
collaborateurs doivent avoir ce type de profil. C'est le constat que nous avons
fait et nous ne souhaitons pas à ce jour le déformer. Pourquoi ? Notre
dispositif est intégré dans un environnement beaucoup plus large que le CRC.
Nos collaborateurs veulent pour la plupart intégrer au bout de deux-trois ans
le réseau des conseillers d'agences. Par ailleurs, au vu de la pyramide des
âges dans les établissements bancaires en France, nous savons qu'il faudra
remplacer des générations de collaborateurs de 2004-2005 à 2010-2012. A cet
égard, la DRH nous a aussi donné pour mission d'être un vivier de recrutement
pour l'entreprise. Il est donc important qu'ici, nous puissions investir sur la
formation aux métiers de la banque à partir d'une population homogène,
pratiquement au même niveau. Nous avons également besoin de quelques profils
expérimentés et des bac + 3 et bac + 4, plutôt sur des formations un peu
littéraires pour apporter un peu de maturité. Enfin, nous intégrons des femmes,
plus ou moins âgées, qui souhaitent travailler à temps partiel et reprendre
ainsi une activité professionnelle.
Quelle est votre politique de formation ?
Au premier semestre 2002, nous avons distribué auprès
de 268 collaborateurs 14 400 heures de formation initiale, 7 000 heures de
formation continue et 1 500 heures de formation diplômante aux métiers de la
banque. La formation initiale dure quatre semaines, organisées autour de quatre
domaines de modules : la maîtrise de l'outil, la maîtrise de la relation
client, la maîtrise de l'offre commerciale du CRC et la maîtrise bancaire.
Puisque nous recrutons par vagues de 20-25 personnes, on peut quasiment parler
de formation sur-mesure. Les conseillers du CRC l'apprécient, très conscients
qu'ils ne pourraient pas bénéficier de ce niveau d'accompagnement en agence.
Nous avons par ailleurs développé un parcours aménagé de formation pour les 16
contrats de qualification en poste sur les deux plates-formes. Pour 2003, nous
avons prévu 72 000 heures, dont 26 000 pour les nouveaux embauchés, 21 000 en
formation continue et 15 000 pour le parcours diplômant.
Quel est le salaire d'entrée ?
On est dans les grilles pratiquées dans le
réseau. Le salaire d'entrée tourne autour de 18 000 euros annuels. Et pour les
profils qui seraient recrutés à des niveaux de qualification moindres,
c'est-à-dire en dessous du niveau bac + 2, nous allons valoriser l'expérience.
Un collaborateur avec deux ans d'expérience se retrouvera au même niveau de
salaire qu'un bac + 2.
Comment est organisé le management ?
A terme, le CRC comptera 40 coaches, un pour 10 téléconseillers.
Plus 10 managers, et un patron pour chaque site. Nous avons également mis en
place de petites équipes de support ainsi qu'une équipe centrale que je pilote
directement. Autres pôles d'encadrement : la partie gestion des ressources
humaines, organisation et formation et le pôle POQ (procédures organisation
qualité), une cellule de cinq personnes chargées d'écrire toutes les procédures
et de mettre un book formalisé à disposition de chaque téléconseiller. Book que
nous sommes en train de mettre en ligne. Le POQ doit également maintenir les
échanges en répondant aux demandes émanant du réseau, et ce en moins de 48
heures.
Sur les plateaux, vous avez opté pour la polyvalence ou pour la spécialisation ?
Nous avons développé pour l'instant trois
filières de compétences : la banque au quotidien (BAQ), les opérations titres
et la maintenance des canaux télématiques. Les téléconseillers sont capables de
tout faire, sauf les opérations titres. Mais nous allons ouvrir d'autres
filières de compétences. A moi de définir quelle devra être l'organisation des
flux en fonction de la nature des besoins de la clientèle. Car, grâce au SVI,
avant même que le client ne soit en contact avec un conseiller, on peut savoir
pourquoi il appelle. Cela présente de grands avantages en termes de management
pour gérer la courbe d'expérience de chacun de nos collaborateurs afin de leur
offrir des profils d'évolution adaptés. Nous travaillons à cet égard sur un
projet d'évolution des métiers du CRC, dans le cadre duquel nous avons déjà
défini 12 modules d'expertise.
Et le traitement des e-mails ?
Aux deux filières opérationnelles, j'ajouterai l'e-mailing que
tous les téléconseillers sont capables d'assumer. Nous traitons chaque mois
environ 5 000 e-mails entrants via les sites de BNP-Paribas, dont 75 % sont
répondus dans la journée. 70 % sont traités directement au niveau du CRC, les
30 % restants sont reroutés vers des ressources spécialisées en interne, pour
un délai de réponse maximal de 48 h. Nous avons intégré une couche logicielle
Cisco, ce qui est assez peu fréquent en France. Il y a un an, nous recevions
environ 1 000 e-mails par mois, soit cinq fois moins qu'aujourd'hui.
Quels sont les effets directs de cette nouvelle organisation ?
Pour ce qui est de la durée moyenne de conversation, du nombre
de contacts générés et du nombre de rendez-vous pris en agences, il n'y a pas
photo. Mais, par-delà la seule productivité, mon modèle d'appréciation des
performances se mesure aussi par ce que le système apporte aux agences comme
opportunités de contacts commerciaux. Plus tard, ce sera la troisième étape,
nous pourrons également mesurer ce que le CRC nous permet de concrétiser
commercialement. Mais aujourd'hui, le sortant n'est pas la priorité. Dans le
schéma cible à court terme du CRC, le modèle repose pour l'instant uniquement
sur de l'entrant. Avec une posture résolument orientée service client. Nous ne
demandons pas à nos téléconseillers de rebondir systématiquement sur de la
proposition commerciale. Je n'ai rien budgété en ce sens pour 2002 et 2003 est
en discussion.
Et pour la qualité de service ?
Nous ne
sommes pas tout à fait au standard de qualité de 95 % d'appels pris en moins de
20 secondes, mais on s'en approche. Nous sommes à 90 %. Mais c'est très clair,
on ne va pas faire la course à la productivité. Nous avons connu deux périodes
difficiles, au début du printemps et durant l'été du fait de la montée en
charge de l'activité. Pour permettre au CRC de respecter les normes de qualité
définies par le modèle initial et stabiliser la qualité de notre prestation,
j'ai même fait arrêter entre le 14 juillet et fin septembre le mouvement de
migration des groupes d'agences, tout en intégrant par petites touches un
certain nombre de développements supplémentaires.
Biographie
Bruno Petit, 47 ans, troisièmes cycles d'économie et de l'Essec, a commencé sa carrière dans l'enseignement avant d'être recruté par la BNP pour entrer au département négoce international. Nommé responsable de la clientèle entreprises sur le grand Marseille, il rejoint ensuite la direction régionale de Toulouse comme numéro 2. Il devient responsable qualité du groupe, puis directeur du groupe des agences d'Annecy. En juillet 2002, il a été nommé responsable du centre de relations clients de BNP Paribas.
L'équipement du CRC
- PABX Nortel Symposium. - ACD et ICM (moteur de distribution des appels) : couplage Nortel et Cisco. Le routage et les fonctionnalités avancées se faisant au niveau de l'ICM (couche France Télécom-Cisco). - Outil CRM maison. - Casques : GN Netcom. - PC : IBM.