Comment sortir de la pénurie de main d'oeuvre ?
Manque de professionnalisation, flexibilité sans souplesse, contrats
précaire... Tout un ensemble d'éléments n'incite guère la population active à
s'orienter vers les métiers du téléphone. Leur exercice résulte rarement d'un
choix. « Beaucoup de salariés de centres d'appels n'ont pas la vocation de leur
métier, souvent découvert après un échec professionnel ou des études inadaptées
au marché du travail », remarque Olga Damiron, directrice des ressources
humaines de Convergys France. Les candidats se font rares, tandis que le
secteur connaît une croissance à deux chiffres. D'où une certaine carence de
main d'oeuvre qui préoccupe de nombreux acteurs du secteur des centres
d'appels. Révélateur de la difficulté des entreprises à recruter : les agences
de travail intérimaire relèvent une forte croissance de la demande venant des
entreprises.
LES DOUBLES COMPÉTENCES SONT TRÈS RECHERCHÉES
Certaines compétences sont particulièrement rares. «
Nous constatons divers degrés dans la pénurie, explique Frédérique Gautier,
directeur du développement de Plus Intérim. Les doubles compétences sont très
recherchées. Par exemple, des spécialistes des techniques de couplage
téléphonie-informatique également compétents en encadrement. En revanche, le
marché du travail compte beaucoup de téléacteurs expérimentés. » En décembre
1999, la pénurie de superviseurs semble avoir été particulièrement vive. « En
fin d'année 1999, nous avons enregistré, de la part des entreprises, une hausse
des demandes de recrutement de responsables de groupes et de superviseurs,
révèle Pierre Fonlupt, directeur général de Plus SA, holding de Plus Intérim.
Auparavant, les intérimaires recrutés étaient des personnes avec expérience. Ce
n'est plus forcément le cas aujourd'hui. » Comment s'explique cette situation ?
« La pénurie que connaît le marché de l'emploi devrait se résoudre avec le
temps, car elle provient de la jeunesse du secteur, analyse Frédérique Gautier.
Le marché du travail compte de plus en plus de téléacteurs ayant un ou deux ans
d'expérience. Cependant, beaucoup d'entre eux n'ont pas l'intention d'en faire
leur métier, car celui-ci garde un statut parfois dévalorisé et impose souvent
des horaires partiels. »
LA CONSIDÉRATION PORTÉE SUR CES MÉTIERS ÉVOLUE POSITIVEMENT
Malgré tout, les responsables de Plus Intérim
affirment qu'aujourd'hui, des étudiants s'inscrivent en BTS, notamment "Action
co", pour travailler dans des centres d'appels une fois leur diplôme obtenu. «
Contrairement à leurs aînés, beaucoup de jeunes diplômés portent la même
considération sur les métiers du téléphone et ceux du terrain, affirme
Frédérique Gautier. De plus, si au début peu d'entreprises ont créé des
passerelles, maintenant, beaucoup organisent l'évolution vers d'autres
fonctions. » Notamment dans la banque où une première expérience sur une
plate-forme est appréciée en agence. Les métiers du téléphone deviennent donc
une porte d'entrée. Dans beaucoup de secteurs, il est indispensable de passer
par le premier niveau hiérarchique, en exerçant, par exemple, la fonction de
téléacteur, avant d'accéder à d'autres fonctions. « Les métiers du téléphone
sont source de nombreuses opportunités de carrière », constate également
Catherine Mathieu, responsable de l'agence phoning Région Ile-de-France de
Manpower. Communiquer sur ce point peut permettre d'attirer des candidats.
S'ils ne sont pas assez nombreux à aller vers les entreprises, celles-ci
peuvent aller à eux. Une stratégie adoptée par Manpower. « Nous allons chercher
les candidats "à la source", c'est-à-dire dans les écoles et les universités,
mais aussi à l'ANPE, révèle la responsable de l'agence francilienne. Nous leur
faisons découvrir les métiers. Dans le cadre d'un partenariat noué avec l'ANPE,
nous formons des débutants. »
FIDÉLISER DEVIENT UNE PRIORITÉ
Comment attirer des candidats et fidéliser ses équipes ?
« Il faut professionnaliser les postes de téléacteurs, estime Pierre Fonlupt.
Ce qui veut dire organiser des formations, donner de l'intérêt au travail et
mettre en place des perspectives de carrière puisque c'est déjà un "vrai"
métier, qui peut être choisi par des non-étudiants dans le cadre d'une
stratégie d'évolution. » Olga Damiron partage cet avis : « L'un des principaux
facteurs de motivation des téléacteurs consiste en la possibilité d'évoluer et
de bénéficier de formations. Ils ont besoin de savoir comment monter les
échelons. D'où la nécessité de mettre sur pied des plans de carrière clairs.
L'évolution doit reposer sur des critères objectifs. » Dans beaucoup
d'entreprises, on se préoccupe désormais de garder ses téléconseillers, ce qui
était moins souvent le cas il y a deux ou trois ans. Catherine Mathieu le
constate : « Désormais, pour réduire le turn-over, les responsables de centres
d'appels proposent aux téléacteurs davantage de CDD à long terme ou de CDI. »
De plus, des entreprises améliorent la qualité de vie sur les plateaux. Salles
de repos avec téléviseurs, canapés et distributeurs de boissons commencent à
apparaître. « Améliorer l'environnement de travail et l'ergonomie est aussi un
moyen de fidéliser son personnel », affirme Catherine Mathieu.