Ascenseurs sous surveillance
Quelle est la finalité d'Otis Line ?
La mission
d'Otis Line est de réceptionner les appels des clients qui ont un problème avec
leur ascenseur. Quel que soit le problème : du luminaire défectueux à un
verrouillage des portes qui empêcherait "l'usager cabine" - comme nous appelons
l'utilisateur dans notre jargon - de sortir de l'ascenseur. La fonction d'Otis
Line est d'accueillir le client, de le reconnaître, de s'assurer qu'il a bien
un contrat chez nous - sachant que, pour des raisons de sécurité, nous n'irons
pas sur un site hors contrat. Nous enregistrons la plainte du client et lui
assurons qu'un technicien va intervenir le plus rapidement possible,
c'est-à-dire théoriquement dans la demi-journée pour les incidents n'impliquant
pas d'usager cabine. Otis Line va ensuite transmettre l'incident au service
technique, soit à nos 3 500 techniciens partout en France. Par ailleurs, sur
nos 150 000 ascenseurs, 40 000 sont "télésurveillés", c'est-à-dire dotés au
niveau de l'installation d'un système de suivi des points de sécurité. Dès
l'instant où le système repérera un défaut sur ces points de contrôle, une
alarme sera déclenchée chez Otis Line, qui transmettra au technicien. Les
appareils sous télésurveillance étant en outre tous munis d'un système de
phonie qui permet aux usagers cabine d'entrer en contact avec un conseiller
d'Otis Line.
Le service n'a pas toujours été centralisé...
Otis Line est né en 1986. Auparavant, les appels
passaient par les structures régionales opérationnelles de l'entreprise. Le
regroupement en une entité permet, d'une part, la centralisation de toutes les
données clients sur un même site, d'autre part, un investissement mutualisé
dans l'équipement informatique, d'où un reporting et des procédures
standardisés. Nous avons pu dès lors initier la maintenance préventive, sur la
base d'une identification et d'une classification des pannes, avec constitution
de données statistiques... Enfin, la création d'un service centralisé
garantissait une qualité de service unique. Otis a sans doute été la première
entreprise du secteur à opter pour un service centralisé de ce type.
Aujourd'hui, nos compétiteurs ont également opté pour un modèle de centre
d'appels unique.
Comment s'organise le centre d'appels ?
En tant que service d'accueil et de télésurveillance, il
fonctionne 24 h/24 et 7 j/7. 110 opérateurs travaillent sur un modèle en trois
cycles : 7 h-15 h, 15 h-23 h et 23 h-7 h. Jusqu'à 2 h, ils ne sont plus que
quatre opérateurs, entre 2 et 6 h, deux. Les opérateurs de nuit ont le titre de
responsables d'activité, ils peuvent donc travailler de manière autonome, en
l'absence de superviseurs. L'encadrement est constitué de 5 personnes au staff
et de 6 superviseurs.
Quels sont les grands segments de clientèle ?
Nous avons segmenté le marché en trois segments de clientèle :
la copropriété, qui représente 50 % du parc, l'habitat social et
l'administration, les immeubles de bureaux ou commerciaux. Chaque segment
recouvrant des types de contrats spécifiques. Mais les opérateurs sont, pour
leur part, polyvalents. La règle de distribution des appels arrivant sur le
Numéro Vert d'Otis Line est avant tout la disponibilité. De notre côté, nous
contactons les techniciens sur leur mobile, soit en vocal, soit par SMS, selon
le degré d'urgence et la nature du contrat. Dans les ascenseurs qui ne sont pas
dotés d'un système de phonie, un numéro d'appel est théoriquement mentionné. Et
nous avons de plus en plus d'appels émis par des usagers depuis leur portable,
quand les gaines des ascenseurs laissent passer les communications.
Quel est le volume d'appels traités par Otis Line ?
Au
total, Otis Line reçoit 5 000 appels jour. Ca ne chôme pas : la moyenne pour un
opérateur, c'est 32 appels de l'heure, soit une durée de contact d'1 minute et
20 secondes. L'objectif est de traiter 75 % des appels pris en moins de 10
secondes. On y arrive en général. Il n'y a pas vraiment de saisonnalité. Des
pointes le lundi, un peu aussi le vendredi et le samedi, un mois d'août plus
calme. Les conditions climatiques peuvent aussi jouer : de grosses vagues de
froid ou de chaleur peuvent entraîner des dysfonctionnements au niveau des
installations.
Pas de mails ?
Nous avons intégré à
notre site otis.com, un module de gestion de messagerie. Les mails sont reçus
ici, sur Otis Line. Soit nous avons la compétence pour répon-dre directement,
soit nous transférons l'e-mail à la bonne personne au sein de l'entreprise.
Depuis un an, nous abonnons également nos clients à "e-service", une offre via
Extranet qui leur permet de suivre l'historique des incidents et de leur
traitement. Le client peut ainsi savoir quel type de prestation a été fourni,
utiliser ces données pour discuter avec nous ou, dans le cas, par exemple, d'un
syndic, argumenter auprès d'une assemblée de copropriétaires. C'est pour nous
une offre de différentiation par rapport à la concurrence. Aujourd'hui, nous
avons plus de 10 000 clients abonnés à e-service. Développer un outil de ce
type n'a été possible que parce que nous avions créé en amont un système de
reporting unique et informatisé et des outils de traçabilité fiables. Nous
avions en effet équipé tous nos techniciens d'un ordinateur permettant le
référencement de l'ensemble des missions.
Quel est le process de reporting ?
Voilà comment les choses se passent. Le technicien
reçoit l'alerte par SMS sur son portable. Il se rend sur site et "badge",
c'est-à-dire signale son arrivée en passant son ordinateur devant le badge dont
est doté tout contrôleur de manoeuvre, qui est en quelque sorte le "cerveau" de
l'ascenseur. Il procède à la maintenance ou au dépannage, introduit un certain
nombre d'informations dans l'ordinateur et, en partant, "badge" à nouveau pour
signaler son départ. En fin de journée, il logue son ordinateur à notre base de
données centrale. Le client pourra ainsi, à J + 3, avoir accès aux données
d'intervention le concernant.
Comment s'organise la formation ?
La formation, je ne crois qu'à ça. En 2001, nous avons délivré
12 800 heures de formation. La formation initiale, prise en charge par la
responsable de formation interne, dure trois semaines, trois fois 5 jours, par
groupe de quatre. Les trois premiers jours sont consacrés à la découverte des
basiques de notre métier, de l'application informatique, de l'organisation de
l'entreprise. Le quatrième jour, les opérateurs sont déconnectés du plateau et
partent chez un prestataire, en l'occurrence Adia ou Manpower, suivre une
session appelée "attitude service". Le cinquième jour, ils reviennent en salle
de formation pour conjuguer ce qu'ils auront appris du savoir-faire et du
savoir-être. En deuxième semaine, ils entrent dans la pratique et le détail des
procédures de traitement de l'accueil client. La troisième semaine, ils sont
placés en salle de débordement, avec une formatrice en support. Ces trois
semaines, pour moi, sont sacrées. Il y a encore un an et demi, la formation
était concentrée sur 7 jours. Depuis que nous l'avons renforcée, le niveau de
qualité est nettement supérieur : meilleure directivité avec le client,
meilleure maîtrise des problèmes, temps de réponse plus courte...
Et pour les postes comme la télésurveillance ?
Après
plusieurs semaines en production sur l'appel client, les opérateurs vont être
formés durant deux jours à l'accueil technique, c'est-à-dire au traitement des
appels de nos techniciens. Puis, suivra une formation de trois jours sur la
transmission. En fonction de la nature de la panne, le mode de transmission
varie. En cas d'incident cabine, l'alerte est transmise au technicien sur son
téléphone mobile en vocal. Dans d'autres cas de figure, on utilisera le SMS.
Ces deux formations font partie de la formation de base de tout opérateur, au
même titre que la formation à l'accueil client. La formation à la
télésurveillance, qui dure deux semaines, est réservée à ceux qui maîtrisent
déjà très bien tout le reste. Nous mettons également en oeuvre des sessions
plus spécifiques, comme la formation au poste usager cabine, qui dure une
journée
Quel est le profil des opérateurs ?
Bac-bac +
2, avec une bonne aisance relationnelle et une très bonne aptitude à l'écoute
et à l'empathie. Le plateau emploie 63 % de femmes, pour une moyenne d'âge de
31 ans. Pour tout dire, je suis plutôt à la recherche d'opérateurs pas trop
jeunes. L'expérience m'a montré que les jeunes se lassent dix fois plus vite et
qu'on a du mal à les faire tenir sur la durée. Et puis, la maturité, c'est
important dans ces métiers. Certains opérateurs sont entrés à Otis Line dès la
création, d'autres ont intégré le service après y avoir travaillé en temps
partiel. J'ai aussi des gens en reclassement, qui viennent du terrain, par
exemple après un accident du travail. C'est une population que j'aime bien
parce qu'il s'agit de gens qui ont une forte culture d'entreprise. Mais il faut
leur apprendre à gérer la relation client par téléphone. Pour les recrutements
extérieurs, nous procédons systématiquement par une période d'intérim.
Pourquoi ?
Ça a toujours été comme ça. Ça a le mérite
de la rapidité puisque nous avons des prestataires, Manpower et notamment Adia,
qui traitent le prérecrutement. Sachant que l'on arrive aujourd'hui à des taux
de réussite (adéquation profil/poste) de presque 100 %. Les missions d'intérim
durent généralement trois mois au minimum. Il faut que chacun ait le temps de
se rendre compte si le travail lui convient. Après, dès lors qu'un opérateur
intérimaire correspond parfaitement au poste, nous allons chercher à
l'embaucher. Ce qu'il ne souhaitera pas nécessairement de son côté. Le taux
d'intégration étant environ d'un tiers.
Mais l'intérim, ça coûte cher...
Oui. Mais ça fait partie aujourd'hui de notre politique.
Cela dit, je vais commencer à réfléchir à d'autres formules. Plus dans un souci
d'ouverture que d'économie. Le marché évolue, il y a aujourd'hui des modèles en
contrat de qualification, des formations qualifiantes existent. Ça m'intéresse
de savoir si ça marche. Un opérateur qui suivrait une formation en alternance
sera-t-il, au terme de six mois, meilleur, égal ou moins bon ? Il faut
tester.
Quel est le taux de turn-over ?
10 %. Et le
niveau d'absentéisme atteint 8 %. C'est plus élevé que sur le reste de la
compagnie, mais je suis très sereine par rapport à ces taux : pour un plateau
qui fonctionne en 24 h/24, on est là dans des ratios qui ne sont pas alarmants.
Il arrive que l'on soit en surcharge certains jours. Quand j'ai cinq absents,
on est mal, je ne vais pas vous dire le contraire. Mais on ne perd jamais
d'appels. Si un appelant n'arrive pas à joindre l'accueil clients, il va
rappeler dans les minutes qui suivent. Cela dit, si on se trouve vraiment en
surcharge, on va, par exemple, réduire les volumes sur les transmissions et
mettre plus d'opérateurs en réception d'appels.
Les opérateurs bénéficient-ils d'une rémunération variable ?
Hors les primes de
panier liées aux horaires : le soir, le week-end (un week-end sur quatre est
travaillé), nous n'avons pas mis en place de politique de variable. Je ne dis
pas que ça ne viendra pas, mais il ne faut pas oublier que nous ne faisons pas
de la vente, c'est donc difficile de quantifier la performance. En revanche, il
existe chez Otis un plan de participation au global, qui est plutôt
intéressant, autour d'un mois et demi de salaire. Sachant que le salaire
d'entrée est de 1 300 euros sur 13 mois, avec un petit plus dès lors que l'on
traite la télésurveillance.
Quelles perspectives d'évolution offrez-vous pour les salariés d'Otis Line ?
Otis emploie 6 000
personnes, il y a un potentiel. Nous avons ouvert une bourse de l'emploi sur
l'Intranet. J'ai, par exemple, des gens qui sont partis en opérations dans les
agences régionales, comme assistants chantier. D'autres collaboratrices sont
devenues assistantes de chefs de service. Je viens d'intégrer quelqu'un qui
vient des opérations. Mais il faut toujours faire attention. Quand les
opérateurs d'Otis Line arrivent aux opérations, ils peuvent se sentir un peu
perdus. Ici, nous sommes sur un rythme de travail très cadré, parce que lié à
la production. Une assistante d'ingénieur commercial devra jongler avec de la
multicompétence, de la réactivité... Je fais très attention à ne pas envoyer
les gens au casse-pipe. Il faut s'assurer qu'il y ait un vrai potentiel
d'adaptation et d'évolution.
Biographie
Coralie Mulin, 36 ans, école de commerce, a mené toute sa carrière chez Otis, d'abord en faisant du commercial auprès des sociétés de copropriété. Pendant quatre ans, elle a ensuite animé, au siège à Courbevoie, les projets d'entreprise. En 2000, elle a été nommée responsable d'Otis Line.
L'entreprise en France
Leader mondial de l'ascenseur, Otis, société américaine, conçoit, fabrique, installe et maintient 150 000 des 350 000 ascenseurs recensés en France. L'entreprise emploie dans l'Hexagone 5 700 personnes, pour un chiffre d'affaires de 852 millions d'euros et une part de marché de 35 %. Otis "transporte" chaque jour 30 millions de personnes.