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Anne Perez (France Loisirs) « La relation client doit être tranverse à toute l'entreprise »

Il y a deux ans, France Loisirs a remis à plat sa stratégie de relation client. Avec pour objectif d'instaurer de manière transversale, quel que soit le canal de distribution et de contact, une préoccupation quotidienne du client, cohérente avec la modernisation de l'image de l'enseigne. Les explications de sa directrice Relations clients.

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Quelle est la place de la relation client au sein de la stratégie de France Loisirs ?

Anne Perez : La relation client a toujours été fortement positionnée au sein de France Loisirs, qui fonctionne sur une base d'adhérents extrêmement riche. Cette relation avait été dynamisée il y a dix ans avec la création de structures qui n'existaient pas, et notamment le centre d'appels. Ces dernières années, nous avions entamé un travail énorme au quotidien sur la modernisation de la marque, de son image, en passant notamment par l'offre produits, le catalogue… Nous avions une forte capacité à être innovant, des approches marketing très développées. Mais, il y a deux ans, nous nous sommes posé des questions : parallèlement à ce travail, quel chemin avons-nous parcouru vis-à-vis du client ? Sommes-nous aussi performants, avons-nous la même réactivité vis-à-vis de lui ? Qu'est-ce qui n'a pas encore été fait ? Sachant que notre force, c'est d'être véritablement multi-canaux, tant en termes de distribution, avec les points de vente et la vente à distance, qu'en termes de canaux de contacts.

Nous avons alors fait un arrêt sur image et vu qu'il y avait encore beaucoup de choses à faire. Nous avons donc lancé une stratégie de relation client transverse à l'ensemble de l'entreprise, baptisée “Stratégie Contact Client”. Avec pour objectif d'avoir un projet qui donne une vraie vision du client où que l'on soit dans l'entreprise et de créer une véritable transversalité entre les canaux vente à distance et points de vente. Un adhérent pouvant être amené à nous joindre via nos différents points de contacts, nous devons lui assurer un niveau de qualité de service maximum avec une véritable cohérence d'approche, d'offre, de services, etc., quel que soit le point de contact. Aujourd'hui, nous sommes vraiment dans cette recherche d'optimisation. Si la relation client chez France Loisirs est stratégique, elle n'est pas qu'à distance. C'est la relation client tout court. Et nous redéployons au service du réseau physique le capital d'expertise de gestion de la relation client que nous avons développé et acquis au travers de nos centres de contacts.

Comment se traduit concrètement ce projet “Stratégie Contact Client” ?

A. P : Nous avons mis en place une charte, qui a pour base line “Une entreprise résolument au service de ses clients”, avec des valeurs véhiculées et appropriées par l'ensemble des acteurs de la relation client. Le projet se traduit par la mise en place d'un certain nombre de plans d'actions transversales, extrêmement concrets et opérationnels, sur des thèmes clés que nous avons identifiés, tels que la qualité de l'accueil, la qualité du conseil… Et dont le point de départ est, à la limite, très basique : s'assurer qu'à chaque moment de contact avec le client, les incontournables sont là, en passant par le “bonjour” quand il franchit la porte d'un magasin. A partir de ce niveau incontour­nable, nous avons bâti des niveaux d'exigence de façon adaptée, en tenant compte des ­contextes : en vente à distance, en point de vente, avec tel type de client, à tel moment de son cycle de vie en tant qu'adhérent, à tel moment de son cycle commercial…

Existait-il, auparavant, une séparation entre les deux types de distribution ?

A. P : France Loisirs n'a jamais fait fonctionner ses réseaux de façon séparée. Personnellement j'ai été rattachée, depuis le départ, à la direction générale des ventes qui intègre les deux réseaux. Mais cette absence de séparation ne suffit pas pour générer et faire vivre des actions communes au quotidien. Depuis deux ans, les liens se sont renforcés. Nous travaillons en très forte synergie entre les deux directions vente à distance et points de vente. Nous participons à des séminaires communs, à des échanges d'équipes. Nos équipes travaillent en commun sur un certain nombre de sujets de réflexion.

Ce n'est donc pas une révolution culturelle ?

A. P : Non. La relation existait déjà, mais plutôt au niveau des “têtes”. Nous ne l'avions jamais vraiment fait vivre auparavant sur le terrain. C'est ce que nous faisons désormais. Il existe un véritable esprit de coordination, de collaboration et nous sommes dans une recherche de solutions très synergiques. Les opérationnels se parlent, se rencontrent, ont appris à connaître le métier des autres. Nous avons créé des groupes de travail où des responsables de boutiques réfléchissent avec des acteurs de la relation client à distance sur des sujets pour lesquels on a vraiment besoin d'avancer ensemble. Nous utilisons, dans la mesure où l'organisation le permet, chaque occasion de créer le contact : séminaires communs, animations ou concours commerciaux communs, challenges entre réseaux… Tout cela avec un seul objectif : enrichir notre relation client et mettre vraiment le client au cœur de nos préoccupations quotidiennes, où que l'on soit.

Le marketing est-il également concerné ?

A. P : Nous avons mis en place des structures, là aussi conjointes vente à distance et points de vente, ainsi que Marketing, pour les remontées “ressenti client”. Le vécu terrain, la voix du client permettent de faire remonter beaucoup de choses, d'alimenter nos échanges avec le marketing et nos prises de décision à un moment donné. Cela fonctionne très bien. Cela ne peut être mis en pratique que si les interlocuteurs à la tête des services sont convaincus que c'est de cette façon qu'il faut agir. C'est d'abord une question d'hommes. Et notre équipe permet ce fonctionnement.

Comment est structurée aujourd'hui la relation client à distance de France Loisirs ?

A. P : Nous avons deux structures dans la région de Lens, filiales à 100 % de France Loisirs. Socprest, qui est historiquement la première, gère toute la relation courrier et emploie 150 personnes pour cette partie-là de son activité. Même si c'est un canal de contact qui diminue, les flux restent importants car nous y gérons, outre le courrier “manuscrit”, tout ce qui est lié à la VPC : commandes, paiement… France Loisirs est un vépéciste, qui envoie environ 4 millions de catalogues chaque trimestre ; chacun générant son flux de contacts, sans parler des opérations intermédiaires, commerciales… Marigny&Joly, qui emploie 120 personnes, a une dizaine d'années d'existence et s'est structurée au moment où a été donné l'essor à la relation client à distance. Elle dispose de deux sites (Noyelles-sous-Lens et Bapaume), qui fonctionnent virtuellement comme un seul centre, et gère tous les contacts clients par téléphone, l'activité e-mail, ainsi que tous les contacts sortants par téléphone.

Avez-vous eu la tentation de l'off-shore ?

A. P : Non. La relation client est totalement “core business”, internalisée. Nous faisons ponctuellement appel à des outsourceurs avec lesquels nous essayons de créer des partenariats qui nous permettent de travailler avec un véritable niveau de proximité, mais uniquement sur des appels sortants et sur certaines campagnes. Nous avons, il est vrai, à un moment donné, testé l'off-shore sur ce type de campagnes, pour voir ce que cela donnait. Mais, même si l'expérience a été positive, ce n'est clairement pas une stratégie pour nous.

Entre téléphone et e-mails, comment se répartissent les flux chez Marigny&Joly ?

A. P : La dominante reste le téléphone avec environ 80 % des flux, mais la montée de l'e-mail est très significative, avec des progressions de l'ordre de 30 % de façon récurrente. Mais, parallèlement, le canal téléphone ­continue de croître.

Avez-vous dédié des téléconseillers spécifiquement au canal e-mail ?

A. P : Nous ne sommes pas, à proprement parler, dans une organisation dédiée, parce que je recherche de la souplesse et de la polyvalence au niveau des équipes. Pour constituer l'équipe e-mail, nous sommes partis du métier de l'écrit, en transférant des personnes de Socprest chez qui nous avons développé des compétences sur le téléphone. Cette équipe, d'une vingtaine de personnes, intervient donc de façon dominante sur l'e-mail, mais aussi sur la gestion des appels.

Dans le même temps, nous avons ­identifié au sein des équipes téléphone des personnes qui avaient la capacité d'intégrer la compétence e-mail et qui peuvent ainsi intervenir en ­support de l'équipe e-mail quand cela est nécessaire. En fonction des besoins de ­renfort sur l'e-mail, nous pouvons également solliciter des personnes de l'équipe de la ­correspondance. Pour assurer cette polyvalence à nos équipes, nous avons monté des outils de formation et d'accompagnement adaptés.

Ces outils ont-ils été créés en interne ?

A. P : Oui, nous avons un département ­formation très structuré qui intervient pour l'ensemble de la relation client, sur les différents canaux - téléphone, courrier et Internet - et qui a créé des modules. L'investissement formation est réalisé de façon pérenne.

Peut-on parler de plan de carrière au sein de vos centres de relation client ?

A. P : Dans des structures comme les nôtres, les plans de carrière sont compliqués, puisque nous sommes dans des organisations plates. Nous n'avons pas tous les jours des postes de superviseurs ou de responsables à pourvoir. A chaque opportunité, nous nous appuyons sur les ressources internes. Mais nous nous attachons surtout à donner du contenu métier à nos conseillers et à enrichir ce contenu en permanence. Dans cet objectif, nous avons lancé, depuis un an, un vaste programme, dénommé “Revitaliser sa relation client”. Nous avons un effectif en CDI, peu de turn-over, des métiers qui ne sont pas simples, qui peuvent être usants, sur lesquels on peut avoir l'impression de tourner en rond… Et la relation client n'a plus le même visage qu'il y a cinq ou dix ans.

Donc, il fallait aller chercher un nouveau souffle, pour nous et nos équipes, donner une dimension autre à leur métier de la relation client. En la rendant cohérente avec les objectifs d'excellence que nous nous sommes fixés dans notre stratégie générale. Nous avons créé ce programme, en partenariat avec Accor Services, sous le label “Académie France Loisirs”, école de formation au sein de laquelle sont conçus et déployés des programmes de Management, Vente, et ­Relation Clients à l'attention de toutes les équipes des réseaux VAD et points de vente. L'ensemble de nos conseillers VAD, sur tous les métiers, l'ont suivi depuis un an, pendant deux jours en extérieur.

Quel est le contenu de ce programme ?

A. P : L'idée n'était pas de travailler sur les basiques, ni du métier ni de la vente, parce que, sans prétention aucune, je pense que nous avons un très haut niveau de maîtrise de la relation client, avec une équipe ultracompétente. Mais, précisément parce que ce niveau d'expertise existe, il s'agissait de rebondir dessus pour aller chercher une autre dimension, encore plus humaine. Il fallait faire prendre conscience à nos équipes de tous leurs acquis pour qu'elles les mettent au service d'une relation encore plus autonome, plus responsable et qui leur donne plus de liberté pour davantage capitaliser sur la fidélité client. Même si nous sommes dans un cadre qui reste évidemment structuré. C'est un programme très interactif qui utilise beaucoup de mises en situation sur plusieurs registres différents. Nous “envoyons” les équipes assez loin de leur métier pour, avec du recul, leur faire prendre conscience de beaucoup de choses.

Ce programme est aussi une façon de trouver une solution au problème d'évolution de carrière. La relation client étant au cœur de tout ce que l'on développe au sein de France Loisirs, il faut proposer à ses acteurs un projet qui leur redonne de l'ambition, de l'envie pour des années, qui les remettent en ­confiance, pour réinvestir leur haut niveau de qualité dans l'objectif client. C'est très dynamisant et valorisant. Parallèlement, dans le cadre de la gestion des compétences, nous avons la possibilité de faire passer des personnes d'un métier à un autre, de faire en sorte qu'elles s'enrichissent avec d'autres canaux. Plus nous allons pouvoir amener cette diversité de compétences, plus cela va nous permettre de dynamiser les carrières de nos équipes. Et cela crée un état d'esprit qui n'a pas de prix. Nous sommes également en train de proposer une démarche de VAE à nos conseillers. C'est un accompagnement sur le métier qui nous tient énormément à cœur.

On est loin des classiques indicateurs quantitatifs du métier des centres d'appels…

A. P : C'est vrai. Cela dit, comme dans tout centre de contacts, nous avons une approche économique qui sous-tend nos organisations et réflexions. Mais c'est très loin d'être incompa­tible. Sachant que ce type de programme ne peut être déployé sur une équipe qui débute. On ne peut le faire que si l'on a en face de soi une équipe qui, intuitivement, sait qu'elle a un temps d'appel à gérer, sait ce que veut dire la directivité sur un appel… Le point de départ, c'est que les indicateurs et les objectifs quantitatifs ne sont pas compressibles. C'est incontournable. Ceci étant induit, on peut construire sur autre chose, chercher à donner une autre dimension, sortir d'un côté automatisé, parfois robotisé. Nous nous sommes, par ailleurs, fixé des limites rationnelles. Bien sûr, il faut de la qualité ; bien sûr, il faut rechercher l'excellence. Mais, à un moment donné, il ne s'agit pas non plus de faire de la surqualité là où ce n'est pas nécessaire et de générer des coûts là où ce n'est pas utile.

Au-delà de l'e-mail, d'autres technologies vont-elles encore impacter la relation client ?

A. P : Pour l'instant, c'est encore balbutiant. Nous générons de plus en plus de contacts avec nos clients par SMS. Je crois que tout ce qui est issu de la téléphonie mobile va générer beaucoup d'opportunités dans la relation client. Nous avons généralisé des opérations de contacts SMS qui permettent de faire du rebond de contacts en magasins ou sur le ­centre d'appels. Nous faisons aussi de la mixité dans nos plans de contacts. Les technologies ne sont pas toujours matures, mais je suis assez convaincue que des nouveautés vont émerger et permettre d'enrichir notre relation sous d'autres formes. Chaque média amenant quelque chose de différent, de ­complémentaire.

Ce qui est intéressant, c'est de travailler les bonnes synergies. Toutes les mixités sont envisageables en fonction des messages, des cibles. Nous sommes sur un domaine bouillonnant, sur lequel nous essayons d'être en veille et d'être présents au bon moment dans l'optique de modernité de la marque France Loisirs. Notre métier bouge. Il faut se réadapter en permanence, apprendre de nouvelles choses, se remettre en question. Ce n'est jamais statique. C'est dynamisant. Ce métier est riche et véritablement d'avenir.

Quel est le défi pour les années à venir de la relation client chez France Loisirs ?

A. P : Le défi, c'est d'avoir toujours cette ­préoccupation de mettre le client au cœur de toutes les actions que l'on entreprend au ­quotidien. C'est un vrai défi parce que cela nécessite, tous les jours, de se reposer les bonnes questions sur ce que l'on fait. D'avoir toujours conscience de l'impact de ses actions sur le voisin ; notre périmètre métier touchant d'autres périmètres métiers. Il faut s'assurer que notre adhérent vit bien au club, que l'on développe sa fierté d'appartenance, qu'on lui propose l'offre la plus innovante avec le meilleur accompagnement, le meilleur conseil qui soit autour de cette offre, générés par la relation client. Chaque contact doit être un élément fort de fidéli­sation. Et c'est cet état d'esprit qui doit être véhiculé par l'ensemble de l'entreprise. Parce que, finalement, c'est avant tout un état d'esprit.

Biographie

DAnne Perez 36 ans, mariée et mère de deux enfants.

Maîtrise de gestion des entreprises.

1996 : entre dans le groupe France Loisirs à la Direction Relations Clients.

1999 : prend la responsabilité du centre d'appels Marigny&Joly.

2000 : nommée directrice CRM, prend également la responsabilité des relations clients de la Socprest.

2003 : nommée directrice générale de Socprest et Marigny&Joly.

2004 : se voit confier également la direction de l'activité France Loisirs aux Dom-Tom.

2006 : reprend la gérance des trois filiales Nord de France Loisirs - Socprest, Marigny&Joly et Sétralog (supply chain) -, en plus de la direction des Dom-Tom et de la direction Relations Clients

France Loisirs

La société Créée en 1970, filiale à 100 % du groupe Bertelsmann. 3,8 millions d'adhérents.

Chiffre d'affaires 2004 du groupe France Loisirs France (Club France Loisirs + Clubs Spécialisés + Dom-Tom + SPCL + Voyages Loisirs + Sétralog + Marigny&Joly + Socprest) : 404 millions d'euros.

2 608 salariés. 202 boutiques dont 70 libraires-relais. 60 % des ventes réalisées en points de vente.

Vente à distance : courrier, téléphone, fax, Minitel, Internet. Quatre catalogues par an + un catalogue rentrée et un catalogue Noël, soit 20 millions de catalogues distribués.

24 millions de livres vendus par an (70 % de l'activité du groupe, 8 % du marché français de l'édition).

La relation client Sétralog : 83 millions d'articles manipulés chaque année, dont 40 millions de colis expédiés.

Marigny&Joly : 2 millions d'appels traités, 450 000 appels émis, 200 000 e-mails traités.

Socprest : 11 millions de courriers traités en numérisation, 2,4 millions de saisies manuelles, 900 000 courriers en correspondance manuelle

Propos recueillis par François Rouffiac

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