A la croisée des chemins
Alors que le groupe BNP Paribas annonce une refonte radicale de son
approche clients pour un investissement d'1,5 milliard de francs (voir CA n°
27, p. 6), le Crédit Agricole opte de son côté pour la stratégie des petits
pas. Délibérément. Et par touches décentralisées, marque de fabrique d'un
réseau mutualiste qui tient à conserver sa dimension composite de proximité. Ce
qui n'enlève rien à l'engagement de certaines caisses régionales dans le
processus irréversible du multicanal. Simplement, on privilégie très nettement
l'empirique. C'est le cas au sein de la caisse régionale des Côtes d'Armor, qui
poursuit un chantier initié il y a deux ans sous le nom de code interne de
"Banque à Accès Multiples". Aujourd'hui, le sigle BAM a été abandonné au profit
de la marque Crédit Agricole en Ligne. Mais l'esprit du projet demeure. Il fait
même, au bout de deux ans, la preuve de sa pertinence, du moins si l'on compare
les résultats obtenus et les faits et objectifs annoncés 24 mois plus tôt.
Quelques exemples. Le centre d'appels proprement dit du Crédit Agricole des
Côtes d'Armor à Ploufragan près de Saint-Brieuc, inauguré fin avril 1999, s'est
ouvert avec une équipe de 22 personnes et un objectif de croisière à 35
téléconseillers. Aujourd'hui, il emploie 52 collaborateurs. En 1998, le SVI de
la banque recevait quelque 450 000 appels. La caisse régionale en a recensé 600
000 en 2000. Quant au nombre des connexions internet (500 000 en 2000), il
devrait dépasser cette année celui des accès Minitel (600 000 en 2000).
TREIZE MILLIONS DE FRANCS INVESTIS
Les choses avancent,
donc. Ce qui est plutôt rassurant pour un projet dans lequel la caisse
régionale a investi pas moins de 13 millions de francs. Aujourd'hui, le
multimédia est devenu une pierre angulaire pour le Crédit Agricole des Côtes
d'Armor. « Nous sommes à la croisée des chemins », avance Benoît Lucas,
responsable des services Crédit Agricole en Ligne de la caisse régionale. Une
expression qui, non seulement traduit cette dimension multicanal chère à
l'établissement, mais qui montre également que la route n'est pas finie.
L'organisation de la relation client au sein du Crédit Agricole des Côtes
d'Armor repose sur un certain nombre d'activités. A commencer par le traitement
des appels entrants pour lequel l'entreprise, rapidement, a renoncé au système
d'accès en RTC et adopté un Numéro Azur. La réception d'appels étant
conditionnée, dans son fonctionnement, au filtrage d'un serveur vocal
interactif, qui propose les services classiques des SVI bancaires.
Parallèlement au Numéro Azur, Crédit Agricole en Ligne prend en charge le
routage des appels émis sur les agences du réseau, ainsi qu'un service
après-vente pour le compte de Pacifica, la filiale assurances de
l'établissement bancaire. Aujourd'hui, les téléconseillers du call center
gèrent également l'ensemble des mails émis par la clientèle. Côté émission
d'appels, Crédit Agricole en Ligne dispose également d'une cellule de
télémarketing et d'une activité complète de prestations bancaires à distance
(hors opérations de cash).
CERTIFICATION ISO 9001 DERNIER CRI
Reconnaissance de ses efforts en matière de déploiement et
d'intégration des canaux d'interaction, le Crédit Agricole des Côtes d'Armor
vient d'être certifié ISO 9001/2000, bénéficiant ainsi de la toute dernière
estampille Afnor. « La différence par rapport à la norme 9001 réside dans la
dimension centrale de la satisfaction client, ce qui confère à l'ISO 9001/2000
une dimension moins statique », note Benoît Lucas. Selon ce dernier, une caisse
régionale sur deux aurait déjà déployé les diverses branches du dispositif
multimédia : centres d'appels clients et prospects, télémarketing, Web. Dans le
département des Côtes d'Armor, cette approche repose sur un pilotage intégré. «
Sans aller jusqu'à un système relevant du pur CRM, où l'on serait partout
informé en temps réel de la teneur du contact de tel ou tel client avec la
banque via tel ou tel autre canal, nous sommes d'ores et déjà en mesure de
positionner correctement les différents médias par rapport aux différents
enjeux », souligne le responsable des services Crédit Agricole en Ligne. Ce
qui, dans ce processus d'intégration tant rebattu par les zélateurs du CRM, a
au moins le mérite de la tangibilité. « Faire admettre en interne qu'un canal
supplémentaire va apporter un volant d'affaires supplémentaires sans créer de
concurrence, cela prend au moins quelques mois et pourquoi pas quelques années
», remarque Benoît Lucas.
PREMIÈRE ÉTAPE : DÉFINITION D'UN TABLEAU DE BORD
La première étape d'intégration du multimédia a donc
consisté pour le Crédit Agricole des Côtes d'Armor à piloter les différents
canaux sous la forme d'un tableau de bord dont la finalisation devrait prendre
entre trois et quatre ans. En interne, côté téléacteurs, l'intégration se
traduit par la diversification des modes de contact gérés : au téléphone sont
venus s'adjoindre les mails et les demandes d'achat en ligne. Pour les clients,
cette politique est décelable par l'agrégation progressive de nouveaux modes
d'interaction. Comme le symbolise l'attribution, en janvier dernier, d'un code
multimédia unique tenant en six caractères numériques permettant à tous les
clients de Crédit Agricole en Ligne de s'identifier, quel que soit le mode de
contact choisi, en étant assurés d'une qualité d'accueil homogène et d'une
reconnaissance immédiate et "universelle". Chaque client peut, à tout moment
(et pourquoi pas à chaque transaction), modifier à distance son code
identifiant. La nouvelle série de chiffres sera alors immédiatement validée
pour l'ensemble des canaux. Autre traduction tangible de l'intégration du
réseau au canal de diffusion "à distance" : la procédure orchestrée dans le
cadre du service de recouvrement par téléphone, développé tout récemment dans
le cadre du projet Crédit Agricole en Ligne. Et donc la facture multimédia du
projet mis en oeuvre par l'établissement bancaire. « Il s'agit d'une procédure
unique pour tous nos clients, détaille Benoît Lucas. Le service recouvrement
par téléphone prend le relais des agences à partir du quarantième et jusqu'au
soixante-dixième jour. Si aucune solution n'est trouvée dans ce laps de temps
d'un mois, le dossier est à nouveau transmis à un chargé de recouvrement en
agence, qui entre en phase de précontentieux. » Dans ce mouvement
d'aller-retour avec le réseau, les trois conseillers du recouvrement "à
distance" ne sont jamais en contentieux réel avec la clientèle. Parallèlement à
l'infrastructure de contact par téléphone, le Crédit Agricole des Côtes d'Armor
développe une activité d'e-banking, comprise comme recouvrant toutes les
transactions hors téléphone et hors réseau physique. Un service d'hébergement
de sites proposé à des entreprises tierces comme à deux autres caisses du
groupe (Deux Sèvres et Nord). En mars 2000, le Crédit Agricole des Côtes
d'Armor crée un module de courtage en ligne. Qui aujourd'hui dépasse largement
les pronostics les plus optimistes quant à son taux d'utilisation. 70 % des
ordres de Bourse passés auprès de l'établissement bancaire le sont par Internet
(et par Minitel). Contre une moyenne marché de 50 % et une moyenne groupe
Crédit Agricole de 60 %. Avant la mise en fonction du module de courtage, le
canal on line ne représentait que 30 % des passages en Bourse. Au succès de
l'outil, deux explications majeures : sa praticité et une facturation de moins
40 % par rapport au média agence. Mi-2001, 3 % des prêts habitats étaient
entièrement réalisés via Crédit Agricole en Ligne. Un chiffre qui peut sembler
assez infime, mais qui prend du poids si on lui rapporte le chiffre d'affaires
généré par ce type de transaction. L'objectif du multicanal n'étant surtout
pas, selon Benoît Lucas, de démultiplier sans freins les objectifs imputables à
tel ou tel canal dans l'absolu. Car, ici encore, la notion de pilotage reste
maîtresse, consistant à attribuer à chaque média la part de chiffre d'affaires
qui lui revient pour chaque cible donnée. Ce, afin de ne pas laisser
s'installer les prémisses d'un jeu concurrentiel. « Si l'on ne fait pas la
démarche en amont de définir précisément des cibles pour chacune des offres et
des canaux de diffusion, le système ne peut pas marcher. Parce que l'on va
accumuler les coûts sans aucune maîtrise de la rentabilité. Il faut donc
travailler sur une logique de niches en croisant des segments de produits avec
des segments de clientèle », affirme Benoît Lucas. C'est pourquoi le Crédit
Agricole des Côtes d'Armor a opté pour une démarche empirique de mesure,
d'analyse et d'ajustements. Ainsi, c'est bien l'intégration des canaux de
gestion à distance de la relation client qui a poussé la banque à définir des
produits et monter des offres spécifiques, plus simples et facilement
descriptibles, pouvant commercialement exister sans une galerie annexe de
documents et supports papier et avec une moindre logistique.
40 EMPLOIS CRÉÉS, PAS DE POSTES RÉSEAU SUPPRIMÉS
La création et le
développement du Crédit Agricole en Ligne auront-ils eu un effet "dégraissant"
sur les effectifs de l'établissement bancaire ? La direction a choisi
d'affecter aux services en ligne les effectifs supplémentaires imputables aux
35 heures. En l'espace de deux ans, 40 emplois sur les 950 de la caisse
régionale auront été créés, dont les services en ligne auront donc largement
bénéficié. Mais aucun emploi n'aura été supprimé au sein du réseau "physique".
Quant à l'activité proprement "en ligne", elle semble pouvoir aujourd'hui se
satisfaire de manière productive des effectifs déjà en place. « Avec 52
personnes, nous en sommes arrivés à une dimension qui correspond au déploiement
multicanal attendu. Au vu de la taille de la caisse régionale, il n'est pas
souhaitable d'aller plus loin. Les perspectives de développement sont
maintenant davantage dans une collaboration entre les différentes caisses »,
affirme Benoît Lucas.
Le Crédit Agricole des Côtes d'Armor
La caisse des Côtes d'Armor est l'une des 49 caisses régionales du groupe Crédit Agricole. Elle emploie 972 salariés pour un réseau de 110 agences et points de vente répartis sur le département breton. Parmi les 280 000 ménages clients, 20 000 sont utilisateurs réguliers des services en ligne déployés par la banque (SVI, Internet, Minitel). En 2000, le serveur vocal a enregistré 600 000 appels (450 000 en 1998). Le centre d'appels a traité pour sa part 500 000 contacts entrants et 40 000 sortants. Le site ca-cotesdarmor.fr a comptabilisé 500 000 visites et reçoit une vingtaine de mails quotidiens. Quant au Minitel, il continue d'enregistrer quelque 600 000 visites annuelles.