« Mon rôle dans l'aménagement du territoire est aussi fort que celui de la Datar »
Vous avez plusieurs sites implantés dans l'Yonne, dans l'Aveyron, en Ardèche et une future implantation dans l'Isère. Comment recruter du personnel qualifié à la campagne ?
Emmanuel Mignot : Il est
vrai qu'à Toucy ou à Saint-Affrique, nous sommes entourés par des communes de
200 habitants. Travailler dans ce contexte, c'était impensable il y a dix ans.
Aujourd'hui, s'installer à la campagne rentre petit à petit dans les mœurs.
Nous ne privilégions pas les villes moyennes universitaires, car nous ne
recherchons pas des étudiants, mais plutôt des téléopérateurs fidélisés. Et
nous ne prenons pas de dossiers qui se présentent comme un coup unique.
Uniquement des projets pluriannuels, garantissant une charge de travail pour
nos téléopérateurs. Quand on perd un dossier, nous recyclons le personnel sur
d'autres secteurs. Nous travaillons avec des partenaires locaux de formation.
Pour un projet sur le secteur des assurances, nous avons travaillé avec
l'Académie de Bourgogne pour la création d'un BTS Assurances au lycée de Toucy.
A Saint-Affrique, nous avons établi un partenariat avec une école d'infor-
maticiens. Nous privilégions la formation à la relation client. A Laval, nous
allons mettre en place des formations préalables avec la CCI, l'Agefos,
organisme de financement pour la formation professionnelle des PME, et l'Anpe.
C'est un renfort très intéressant de la part des institutions locales.
Comment gérez-vous les différences dans les infrastructures, l'offre immobilière ?
E. M : En région parisienne, où l'offre immobilière
est abondante, il est préférable de louer dans le parc existant. En province,
dans des villes comme Rennes ou Laval, il est préférable de réaménager un
bâtiment existant. Une ex-chaufferie, par exemple, que nous avons réaménagée en
dix-huit mois. Enfin, en milieu rural où il n'y a rien, il faut construire. Ce
qui a une influence sur les coûts. Notez qu'en ville, les branchements sont
plus faciles. A la Défense, on peut être branché dans la journée. A la
campagne, il nous faut un mois et demi pour installer les lignes spécialisées.
Dans le milieu rural, on est confronté au problème d'accès aux compétences. Il
y a le boucher, le charcutier et le boulanger, mais l'informaticien et le
spécialiste des réseaux n'habitent pas là…
Comment jugez-vous les promesses faites par les régions ?
E. M : Les agences régionales
de développement promettent beaucoup, mais il y a aussi beaucoup de bluff.
Comme ce “guichet unique” et qui ne le sera pas… Les aides sont difficiles à
mobiliser ailleurs que dans le Nord. On vous promet plusieurs milliers d'euros
par emploi créé. En réalité, vous n'en toucherez que 500, mais vous ne
l'apprenez qu'au milieu du projet, quand vous avez déjà monté le dossier. Les
aides sont interdépendantes, avec des règles très complexes d'attribution. Il
faut savoir distinguer à l'avance s'il s'agit d'une aide ou d'une avance
remboursable. Ou bien une prise en charge du taux d'intérêt bancaire ? Ou
encore une exonération des taxes ? Et quelles sont les conditions exactes
d'attribution ? Les décideurs ont tendance à privilégier l'industrie. Ils
pensent toujours aux grands secteurs qui, par le passé, généraient des emplois
: le charbon, le textile, l'automo-bile… Un industriel va bénéficier de
subventions dix fois supérieures, 50 000 euros contre 5 000 au maximum pour les
services. Il est vrai qu'il a un investissement plus important à réaliser. Mais
une embauche dans l'industrie ou bien dans les services, cela fait toujours un
chômeur en moins ! Mon rôle dans l'aménagement du territoire est peut-être
aussi fort que celui de la Datar…