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« La banque à distance est dans l'air du temps »

Le Crédit Lyonnais a créé son centre d'appels fin 1997. Après une phase d'expérimentation, son activité s'est étendue à toute la France. Aujourd'hui, bien que discrète sur le sujet, la banque prévoit l'ouverture de nouvelles entités.

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Quels sont les enjeux d'une banque par téléphone ?


Il existe, à mon sens, trois principaux enjeux à la création d'une activité de banque par téléphone. Le premier concerne la qualité de service. Les clients expriment une réelle attente dans l'accès à leurs données bancaires à distance. Nous l'avons mesuré. Plus de la moitié voient comme un élément déterminant le fait que leur banque ait développé un canal spécialisé. Le deuxième enjeu consiste à créer un canal de distribution spécifique qui permet de développer les points d'accès pour les clients. Plus nous multiplions les moyens de contacts, mieux nous connaissons les clients et donc développons le business. Enfin, le troisième enjeu est lié à l'accueil téléphonique dans les agences. Aujourd'hui, en canalisant un certain nombre d'appels sur une plate-forme téléphonique, nous libérons du temps commercial pour les conseillers. Du coup, la productivité en est améliorée.

Comment avez-vous lancé votre activité ?


Nous avons tout d'abord expérimenté une plate-forme localisée en région parisienne. En effet, il était nécessaire de mesurer et de définir l'offre tout en appréhendant les conséquences auprès de notre clientèle interne et externe. Après, nous sommes passés à la vitesse supérieure, au cours du mois de décembre 1997, avec l'ouverture de notre centre d'appels. Installé à Paris dans le 11e arrondissement, il était au départ limité à une certaine zone géographique. Puis, tout au long du premier semestre de l'année suivante, nous avons progressivement ouvert notre service "Crédit Lyonnais à l'écoute" à l'ensemble de l'Hexagone.

Comment a été perçue en interne la création de ce service ?


Le lancement de notre plate-forme s'est accompagné de nombreux déplacements à des fins d'explication auprès du réseau. Nous avons également effectué des conférences téléphoniques avec les agences. C'était pour nous le moyen d'utiliser l'outil qui fait notre métier. Nous avons réalisé des vidéos présentant le service. Les responsables locaux devant par la suite appuyer cette communication.

Et aujourd'hui, qu'en est-il ?


Nous avons un écho assez favorable de la part des collaborateurs du réseau qui l'ont utilisé à titre personnel ou qui l'ont cautionné auprès de leurs clients. Ces derniers leur en disent du bien. C'est un outil qui est bien accepté dans la mesure où nous sommes complémentaires. Notre activité est assez spécifique. Orientée service, elle permet également de conclure des ventes : 6 % des appels font l'objet d'un acte commercial. Quand nous en concluons un, il s'ajoute aux résultats d'objectifs de l'agence dont dépend le client.

Quelle organisation avez-vous adoptée ?


Nous avons tenu à offrir un service sur une plage horaire très élargie, de 7 à 22 heures du lundi au vendredi et de 9 à 19 heures le samedi. A partir de là, nous avons arrêté notre choix sur des horaires par équipe. Nous déployons au total sept horaires différents. Les téléconseillers prennent leur service toutes les heures à partir de l'ouverture de la plate-forme. Le dimensionnement pour chaque horaire a été établi avec un outil de planification répondant au plus juste à la volumétrie des appels. Avec cette organisation, les chevauchements nous permettent d'avoir de la disponibilité pour traiter autre chose que des appels entrants. C'est aussi la meilleure façon de pourvoir à nos trois activités.

Justement, quelles sont-elles ?


Notre première activité, celle pour laquelle nous avons ouvert le centre d'appels, consiste dans la gestion de "Crédit Lyonnais à l'écoute". Le service est assuré 24 heures/24, 7 J/7 à partir d'un serveur vocal interactif frontal. Les appels pouvant être pris en charge par la plate-forme téléphonique. Notre deuxième activité recouvre des numéros spécifiques en appels entrants à partir de numéros Vert, Azur, Indigo, qui correspondent à des lignes actives en fonction des opérations marketing et publicitaires menées par le Crédit Lyonnais. La troisième activité concerne les appels sortants que nous effectuons soit auprès de clients - dans 95 % des cas - soit auprès de prospects à partir de fichiers que nous achetons. Dans cette circonstance, les appels aboutissent à de la vente directe ou à de la création de trafic pour le compte du réseau.

Combien de contacts gérez-vous ?


Le serveur vocal traite près de 27 millions d'appels par an. La plate-forme 800 000. Ces chiffres correspondent uniquement à l'activité "Crédit Lyonnais à l'écoute". Pour ce qui est de la partie appels entrants sur les lignes spécifiques, nous prenons en charge 60 000 appels par an. Ce sont des volumes beaucoup plus réduits. Les appels sortants sont également limités car ce n'est pas la vocation première de notre centre d'appels. Nos téléconseillers émettent entre 500 000 et 600 000 appels annuels.

Qui sont vos téléconseillers ?


70 % de nos téléconseillers proviennent du réseau traditionnel. Ils étaient conseillers en agence et ils ont souhaité venir sur la plate-forme parce que c'est un nouveau métier. C'est une activité qui présente un intérêt dans la façon d'aborder la clientèle et dans des horaires de travail attractifs. 20 % sont issus de recrutements externes. Nous embauchons des Bac + 2, principalement issus de BTS ou de DUT. Enfin 10 % de notre effectif relèvent de réorientations internes de collaborateurs. Ils ont rejoint la banque par téléphone après avoir exercé des fonctions administratives.

Quelle formation ont-ils suivi ?


Les deux derniers groupes ont suivi une formation commerciale de deux mois à temps plein pour partie sur le terrain et le reste en salle de formation. L'ensemble de nos agents se sont prêtés à un test téléphonique qui devait valider un certain nombre de critères comme la voix, l'élocution, le vocabulaire... Ce qui leur a également permis de valider leur propre choix. Une fois sur place, tous les téléconseillers sont pris en charge par un formateur présent dans nos locaux. Il reprend une formation complète qui dure trois semaines. Elle est partagée entre un apprentissage sur place et un autre réalisé chez un prestataire pour ce qui est de la relation par téléphone.

Comment les motivez-vous au quotidien pour éviter l'effet turn-over ?


Certains de nos salariés sont là depuis l'origine. La motivation est assurée à plusieurs niveaux. Tout d'abord par la promotion interne au sein de la plate-forme où nous retrouvons plusieurs fonctions : téléconseillers généralistes, spécialistes et superviseurs. Un généraliste peut devenir spécialiste puis superviseur. Au lancement de l'activité, les sept superviseurs étaient d'anciens responsables d'agence. Aujourd'hui, sur les sept responsables d'équipe quatre sont d'anciens téléconseillers. Autre facteur de motivation : l'aspect financier. Nous avons établi un système de rémunération variable assez original et innovant qui intègre des éléments collectifs et individuels. Pour chacun de ces éléments, nous mesurons à la fois les performances téléphoniques et commerciales de manières globales et individuelles, ainsi que les notions de qualité. Le tout à partir de notes personnelles et d'un baromètre de satisfaction clientèle trimestriel réalisé en partenariat avec l'Ifop. Cette enquête impacte directement sur la rémunération variable des téléconseillers et des superviseurs. Dernier élément de motivation, les perspectives de changement avec la création d'autres unités...

Ces créations ont-elles un rapport avec le projet de développement des guichets automatiques, comme celui ouvert dernièrement à Nice ?


Le projet d'automatisation des guichets est un projet conjoint à la banque à distance. Les développements que nous entrevoyons concernent la prise en charge des appels puisque nous sommes là aussi pour décharger nos agences d'une part importante de leurs communications et améliorer la qualité de service dans ce domaine. Mais aussi la prise en compte d'un certain nombre d'opérations avec la possibilité de rerouter les appels techniques sur des plateaux spécialisés. Tout ça marche de pair avec l'automatisation des guichets. La banque à distance est dans l'air du temps.

L'air du temps, c'est aussi l'euro. Le passage à la monnaie unique a t-il impliqué une nouvelle organisation ?


Il n'y a pas que la banque par téléphone qui soit impliquée dans le passage à l'euro, heureusement ! Nous assurons déjà des informations à la clientèle en euros avec une ligne spécifique joignable à partir d'un numéro Indigo. Le Crédit Lyonnais qui a déjà commencé à informer va intensifier sa communication. A l'heure actuelle, nous n'enregistrons que quelques centaines d'appels par mois sur cette ligne avec, cependant, une évolution sensible. De toute façon, plus nous allons nous rapprocher de l'échéance plus cette ligne deviendra active. Cela a déjà commencé avec l'envoi du premier chéquier en euros.

Avez-vous dédié des ressources et opéré une formation particulière autour de l'euro ?


Nous avons effectivement dédié une petite trentaine de nos téléconseillers aptes à répondre sur la ligne spécialisée euro. La formation a duré une demi-journée avec comme base de travail une documentation reprenant les questions les plus fréquentes auxquelles ils auraient à répondre.

"Crédit Lyonnais à l'écoute" est opérationnel depuis quatre ans. Quelles en ont été les différentes évolutions ?


Les ressources humaines ont été renforcées avec l'élargissement de nos prérogatives à l'ensemble du territoire. Aujourd'hui, la plate-forme regroupe 70 téléconseillers pour sept superviseurs. Une autre évolution a été de se doter d'un lien CTI avec Edge permettant une amélioration sensible dans le traitement des appels, et enrichi le serveur vocal. Avant cette modification, 7 à 8 % des appels passaient du serveur vocal à la plate-forme. Aujourd'hui, ce taux se situe entre 2 et 3 %. Ce qui signifie que 97-98 % des appels sont traités sans intervention humaine. Enfin, dernière évolution, notre certification Iso 9002.

Pourquoi avoir entrepris une démarche de certification ?


Nous avons reçu la certification en 2000. Elle a été l'aboutissement de toute l'organisation que nous avions développée depuis trois ans. Nous avons tout créé ici : les procédures, la formation, les règles et techniques de management... C'est le moyen pour une petite unité comme la nôtre d'imposer ses règles de fonctionnement. Et puis, cela permet d'unifier et d'uniformiser la qualité de traitement sur la plate-forme. Nous avons travaillé sur un certain nombre de processus fonctionnels et opérationnels qui constituent un socle solide. Sans dupliquer totalement, les futures plates-formes vont intégrer une part importante de ce qui a été construit ici. Dans une phase de développement, c'est assurément un gain de temps et d'efficacité.

L'équipement du centre


Le centre d'appels du Crédit Lyonnais est équipé d'un PABX Lucent, du CTI Edge et de son logiciel de front-office. L'émission repose sur l'outil Digiline de Digifrance, les appels étant suivis de près par PCTaxation d'Informatel. Les neuf SVI frontaux sont hébergés en partie chez l'opérateur Prosodie et en partie en interne. Un progiciel de planification, TCS d'Aspect Communication, rationalise l'activité des téléconseillers qui sont équipés de casques GN Netcom. Ils restent informés de l'activité du centre par des bandeaux lumineux Activox.

Biographie


Après quelques années dans l'enseignement (droit et sciences éco) à Poitiers, Jean-Jacques Lavenac, 57 ans, intègre le Crédit Lyonnais en 1970. Diplômé du CESB (Centre d'Etudes Supérieures de Banque), il a occupé des fonctions commerciales notamment en qualité de directeur de marché sur Paris où il animait une force de vente pour quatre arrondissements de la capitale. En 1997, il prend en charge la création de l'activité banque par téléphone dont il est, aujourd'hui, le responsable.

Nicolas Seguin

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