Ce n'est pas l'émotion qui sauvera votre Relation Client !
Les marketers ne jurent plus que par l’émotion. Elle envahit leurs discours sur la Relation Client. Ce qui compte dans la Relation Client, c’est avant tout l’émotion, vous dit-on. Peut-être. Mais à une condition, bien plus exigeante qu’il n’y paraît : la sincérité.
Si ce n’est déjà fait, votre direction marketing ne va pas tarder à vous faire ce que j’appelle « le coup de l’émotion ». Elle va vous expliquer, force références à l’appui, que c’est dans l’émotion qu’il faut investir d’urgence – parce que, définitivement, en 2017, c’est l’arme ultime pour sortir du lot, susciter l’engagement, vendre, fidéliser… Bref, l’émotion est le nouveau sésame de la Relation Client. Et, c’est comme ça que vous vous retrouvez – vous, dirigeant d’entreprise – à valider des budgets pharaoniques (de comm’, de pub, de marketing d’influence…) censés propulser votre marque dans les sphères éthérées de l’émotion.
Bien sûr que la dimension émotionnelle est centrale dans la relation entre une marque et ses clients ! Mais quand ce sont les marketers qui en parlent, il va de soi qu’on n’envisage l’émotion que sous des angles positifs et valorisants : fun, bien-être, joie, bonheur, estime de soi, bienveillance, plaisir, grands sentiments, nobles causes… Je ne doute pas que tout cela rende votre marque éminemment sympathique, admirable ou encore plus désirable. Je ne doute pas non plus que cela vous vaille force « like » et partages sur tous les réseaux sociaux où, comme on n’a pas manqué de vous l’expliquer, votre marque « ne peut pas ne pas être ». Ce dont je doute, en revanche, c’est que votre marque réussisse à tenir – dans la vraie vie – les belles promesses auxquelles toutes ces campagnes « émotionnelles » vous engagent. Parce que, plus vous promettez, moins vos clients vous pardonneront de ne pas être en tous points à la hauteur de l’expérience de rêve que vous leur avez promise.
Le problème, c’est que l’expérience réelle de vos clients réels – ceux qui achètent vos produits ou services – ne se réduit pas aux émotions « positives » si chèrement suscitées par vos campagnes de communication. C’est même fou le nombre de choses adverses, parfois minuscules, qui peuvent survenir dans le parcours d’un client et le faire basculer dans un registre tout aussi émotionnel, mais nettement moins positif :
§ colère de ne pas être cru quand il explique qu’il n’a pas reçu son colis ou qu’il y manquait un article ;
§ exaspération de ne pas arriver à vous joindre, de devoir répéter pour la nième fois qu’il a changé d’adresse ou qu’il veut résilier son abonnement ;
§ agacement de recevoir une campagne marketing pour un produit qu’il vient d’acheter ou une enquête de satisfaction alors qu’il a déposé une réclamation il y a 3 jours ;
§ frustration d’attendre des mois durant le remboursement ou le produit de remplacement qui devait arriver sous quinzaine ;
§ déception de n’être pas reconnu alors qu’il est client depuis 3 ans ou 10, de voir que sa fidélité n’est pas prise en compte ou que sa bonne foi est mise en doute…
Rien de tout cela n’arrive dans les campagnes de communication. Dans la vraie vie, en revanche, c’est le quotidien « émotionnel » des Services Clients. Charge aux conseillers d’encaisser les coups, de calmer le jeu et de ramener ces clients – en colère, exaspérés, déçus, frustrés, agacés – à de meilleurs sentiments… Ou pas.
Année après année, les baromètres de la Relation Client nous rappellent que les décisions de ré-achat des clients et leur propension à recommander une marque dépendent avant tout de la qualité du Service Client. Le passage par le Service Client est donc – et sera de plus en plus – un moment de vérité pour votre marque.
Quoi qu’on en dise, on contacte rarement un Service Client de gaité de cœur, en se disant qu’on va passer un super moment. On le fait par nécessité, parce qu’on n’a pas trouvé ailleurs la réponse à une question ou parce qu’on veut résoudre un « problème », quel qu’il soit. La plupart du temps, le Service Client n’est pas à l’origine du problème qu’on lui soumet. Celui-ci peut venir du point de vente, du service facturation, de transporteur, du préparateur de commande, d’une panne de réseau… Aucune entreprise n’est parfaite. Les processus et les organisations sont complexes et il peut y avoir des ratés ou des erreurs partout. Mais il y a fondamentalement deux catégories d’entreprises :
§ celles qui reconnaissent sincèrement les erreurs, les prennent à leur compte, s’excusent auprès de leurs clients et se démènent pour qu’elles ne se reproduisent pas ;
§ celles dont ce n’est jamais la faute et qui la rejettent en premier lieu sur leurs clients, souvent en les prenant de haut.
Les premières enchantent leurs clients. Les secondes peinent à les retenir. Et croyez-moi, aussi débordés soient-il par des émotions « négatives », les clients qui contactent votre Service Client savent très vite à quelle catégorie vous appartenez.
Que faites-vous réellement pour ne pas provoquer chez vos clients ces émotions soi-disant « négatives » qui ne sont, au fond, que la conséquence des promesses que votre marque ne tient pas ? Oui, je le répète, la dimension émotionnelle est au cœur de la Relation Client, mais quels moyens concrets mettez-vous en œuvre pour que votre Service Client cesse d’être une machine à fabriquer de l’insatisfaction et de l’irritation ? Qu’avez-vous mis en place pour que chaque contact vous en apprenne davantage sur vos clients et fasse progresser l’ensemble de votre organisation ?
La réponse à ces questions se trouve noir sur blanc dans le montant des budgets que vous allouez à la Relation Client en tant que telle. Les marques dépensent 50 fois plus en pub en tous genres qu’elles n’investissent dans la Relation Client. Il y a quelques mois, Manuel Diaz, patron de l’agence digitale Emakina, s’en alarmait. C’est tout dire ! Il recommandait aux marques de prendre 20% de leur budget pub et marketing pour les injecter dans des projets de Relation Client – des projets allant de l’adoption d’une vraie plateforme de Service Client, pour reconnaître les clients et les enchanter à chaque contact, à la mise en place d’outils de selfcare intelligents.
Alors, je vous pose la question : Etes-vous prêt à consacrer 20% de votre budget pub à la Relation Client ?
Si votre démarche est sincère, si vous vous souciez vraiment de vos clients et de leurs émotions, la réponse ne peut être que oui.