Se remettre à niveau en français ne doit plus être un tabou !
Tribune de Flore Firino Martell, cofondatrice et p-dg de TeleRessources, prestataire de services en ressources humaines pour les centres de relation client (activité de délégation de ressources), puis création du cabinet de recrutement et de l'organisme de formation.
Historiquement, le métier de la relation client est affaire de communication orale. Le guide de l’Observatoire de la Relation Client* nous l’indique explicitement : si 95 % des centres de contacts à distance utilisent le canal téléphonique, 54 % utilisent en parallèle les e-mails et 26 % les courriers. Cette multiplicité de contacts, et la polyvalence qui en découle, va dans le sens de l’intérêt de la mission et de l’attrait que peut avoir la génération Y (entre autre) pour notre profession.
Mais qui dit courrier, e-mail, SMS… dit rédaction, et c’est là que le bât blesse ! Toutes les strates de l’entreprise sont concernées, du conseiller au manager, impliquant de ce fait l’image de l’entreprise vis-à-vis de ses clients.
Que se passe-t-il en France pour que la maîtrise de notre langue ne cesse de se dégrader ?
Commençons par les enfants. Le “portrait social” 2011 de la France, publié en novembre dernier par l’INSEE**, indique que la proportion d’élèves en difficulté “face à l’écrit” a augmenté depuis une dizaine d’années. Elle concerne aujourd’hui “près d’un élève sur cinq en début de 6e”. Des statistiques inquiétantes. “La maîtrise des mécanismes de base de la lecture est stable, mais les compétences langagières (orthographe, vocabulaire, syntaxe…) sont en baisse, ce qui explique l’aggravation des difficultés de compréhension des textes écrits des élèves les plus faibles”, assure l’INSEE. Et nous ne pouvons même plus accuser la méthode dite “globale”, aujourd’hui interdite…
Et quand les enfants deviennent adultes ? Selon l’Agence Nationale de Lutte contre l’Illettrisme, plus de 3 000 000 de personnes ayant été scolarisées en France sont en situation d’illettrisme, c’est-à-dire dans l’incapacité de maîtriser les compétences de base indispensables pour être autonomes dans les situations simples de la vie courante. Quant aux autres, combien maîtrisent parfaitement notre langue ? Qui peut se prévaloir de ne commettre aucune faute de français dans ses communications ? Aucun chiffre n’est communiqué à ce sujet et personne ne se vante de ses lacunes !
C’est là que nous retrouvons notre population de téléconseillers, mais également leurs managers et l’ensemble de la hiérarchie… Il est temps de faire tomber les tabous : nous avons tous (ou presque) besoin de remises à niveau !
En France, nous sommes très forts pour les certifications en anglais (TOEIC, TOEFL, IELTS…), annoncées fièrement par les candidats, mais beaucoup moins pour les certifications en langue française. Ainsi, sur 15 000 CV composant la cv-thèque de TeleRessources, un seul candidat met en avant la certification Voltaire (qui atteste du niveau de maîtrise des difficultés de la langue française des candidats à l’écrit, et qui peut être mentionnée sur un CV). Alors que le fait de valoriser son CV par un bon résultat au test peut faire la différence au moment du recrutement.
Bien évidemment, l’orthographe est un critère de recrutement, particulièrement pour nos métiers. Les recruteurs le savent, exiger zéro faute d’orthographe exclurait un trop grand nombre de candidats. Mais il y a un seuil inacceptable, malheureusement de plus en plus souvent rencontré, comme le prouve cet exemple :
Question écrite du recruteur : “Que faites-vous pour reprendre la maîtrise d’un entretien face à un client trop bavard ?” Réponse du candidat : “Tout en gardant le sourire au téléphone, je fais comprendre au client que tout les informations on bien était prit en compte avant de conclure et de prendre congè”. On imagine aisément les conséquences sur l’image de l’entreprise si un contact client de ce niveau s'effectue par e-mail !
La question de l’orthographe est en train de devenir un “enjeu national”, et, puisque nous sommes tous logés à la même enseigne, le sujet ne peut plus être tabou ! Assumons nos faiblesses pour progresser et libérer nos plumes ! Comme toujours, l’entreprise a un rôle clé à jouer. En témoigne le nombre de cadres qui doivent suivre des stages de remise à niveau “en cachette”. Quelques sociétés commencent à proposer des ateliers à l’ensemble de leurs collaborateurs de façon innovante, non scolaire, et font l’unanimité. L’Élysée serait en tout premier lieu concernée, après la publication d’un communiqué de presse bourré de fautes à la mort de Danielle Mitterrand ! Quand le bénéfice personnel rejoint le bénéfice professionnel, l’adhésion de tous est au rendez-vous… même sur des thématiques délicates.
* Mission Nationale Relation Client, Guide de l’Observatoire de la Relation Client, 1re édition 2011.
** “France, portrait social”, INSEE Références, édition 2011.
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