Le cross canal, une réalité pour les distributeurs
Le commerce ubiquitaire est en marche. Acheter n'importe où, n'importe quand et depuis n'importe quel terminal est désormais à la portée de consommateurs hyperconnectés et adeptes de comportements cross canal, favorisés par le développement des NTICs et les innovations des distributeurs.
Sans oublier que les contraintes budgétaires et les choix de consommation des ménages alimentent ces logiques cross canal. L'analyse exclusive des experts de Xerfi-Precepta révèle une étroite corrélation entre comportements cross canal, sensibilité aux arbitrages et poids du e-commerce.
En clair, plus le poste est sensible aux arbitrages de consommation des ménages, plus le poids des ventes en ligne est élevé et plus la probabilité que les clients adoptent un comportement cross canal est forte. Et inversement. Quand les consommateurs valident une dépense, ils vont chercher à optimiser leur achat en passant d'un canal à l'autre pour obtenir le meilleur de chacun aux différents stades du processus d'achat (information, livraison, SAV...). Ils arbitrent donc dans leurs dépenses mais aussi entre les canaux.
Pour favoriser l'achat " sans couture "...
Dès lors, la problématique pour les distributeurs est de fluidifier le parcours des clients en éliminant les ruptures (physique, émotionnelle, économique...) lors du passage d'un canal (ou d'un terminal) à un autre tout au long du parcours d'achat.
Il ne s'agit donc pas de proposer plusieurs canaux de distribution dans une logique multicanale (en silo). La satisfaction client et la fidélisation qui découlent des logiques cross canal (" web-to-store ", " store-to-web " ou web-in-store ") ne sont pas les seuls facteurs qui doivent inciter les distributeurs à élaborer des dispositifs adéquats. La vente physique (en magasin) et le commerce électronique (depuis un ordinateur, une tablette...) sont en effet complémentaires, compte tenu de leur trafic et de leur taux de transformation respectifs. Les canaux digitaux, vers lesquels convergent des millions de visiteurs, doivent être considérés comme des vecteurs d'acquisition clients et des générateurs de trafic en magasin.
Si les ventes en ligne auront progressé 35 fois plus vite que celles générées par le commerce physique entre 2004 et 2015, les taux de transformation en magasins sont aujourd'hui au moins 20 fois plus élevés que dans l'e-commerce.
... les distributeurs rivalisent d'innovations...
La logique cross canal la plus répandue est le " web-to-store ". Toutefois, l'essor des terminaux mobiles favorise l'extension rapide du " web-in-store " (digitalisation des points de vente). La mise en place de dispositif " web-to-store " va contribuer au développement du e-commerce dans certains marchés encore embryonnaires sur le web, en particulier ceux où la dimension de services est importante. C'est notamment le cas du marché de l'optique correctrice. Le pure player easy-verres.com garantit ainsi une prestation de services de qualité grâce à un réseau d'opticiens partenaires. Le " web-to-store " offre par exemple à Allopneus.com une opportunité de développer ses ventes grâce à des prestations de services assurées par un réseau de garages indépendants. Le potentiel des dispositifs " web-to store " est aujourd'hui sous-exploité dans les services (restauration, instituts de beauté...).
Toutefois, cette situation pourrait rapidement évoluer alors que l'e-réservation fait de plus en plus d'émules. Le groupement coopératif Intersport propose ainsi de réserver en ligne une sélection d'articles que le client règle et retire ensuite dans un point de vente. Avec le " web-to-store ", les têtes de réseaux sont de plus en plus nombreuses à trouver des solutions gagnantes-gagnantes avec leurs adhérents. Le cross canal semble en effet le moyen idéal pour déployer l'e-commerce dans les réseaux indépendants (franchise ou commerce associé). Sur la base de dispositif cross canal, les distributeurs en profitent aussi pour innover afin de proposer des alternatives au paiement en ligne par carte bancaire à des consommateurs encore réticents à communiquer leurs données personnelles sur internet. Amazon, le leader mondial du e-commerce, offre aux cyberacheteurs la possibilité d'acheter des chèques cadeaux vendus dans un des 4 000 commerces de proximité partenaires (bureaux de tabac, marchands de journaux) et de régler leurs achats sur son site en renseignant le code apposé sur le chèque. Un bel exemple de " store-to-web ", élaboré en 2012 par Up&Net, spécialiste des solutions monétiques en ligne.
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... et font évoluer leur business model
Le déploiement des stratégies cross canal accélère les mutations des business models. A défaut d'imaginer des concepts de vente pour le web, les enseignes physiques rachètent des pure players, investissent dans le commerce électronique (plateforme marchande, site et applications mobiles) et développent des dispositifs " web-in-store ".
D'ailleurs, les deux tiers des enseignes non alimentaires ont mis en place au moins un dispositif " web-to-store ", en tête desquelles celles de l'équipement automobile et de l'équipement de la personne, selon l'étude de Xerfi-Precepta.
De leur côté, les pure players ouvrent des points de vente physique : boutiques éphémères (eBay, Spartoo...), futurs réseaux de franchisés (LDLC.com)... Les synergies online-offline s'intensifient et les frontières entre les différentes catégories d'acteurs s'estompent. D'autant que la mise en place de ces stratégies et dispositifs cross canal requiert parfois de conclure des partenariats entre pure players et click & mortar. En réinventant le rôle et la place des points de vente, le cross canal doit permettre aux distributeurs d'évoluer d'une logique purement transactionnelle vers une logique expérientielle. Dès lors, il n'y a qu'un pas pour passer d'une logique du produit à une logique du besoin, d'une logique de l'offre (consommer plus) à une logique du client (consommer mieux). La prochaine étape du développement du commerce est celle des bouquets dont le principe consiste à créer une nouvelle offre autour du client afin de répondre à ses besoins.
Dans ces conditions, il est indispensable d'accompagner le client, de le former aux nouveaux dispositifs. Une fois ces derniers en place, mieux vaut limiter les investissements technologiques et consacrer davantage de moyens à la compréhension des besoins des consommateurs et à la pédagogie/formation.
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