Une réserve d'anticipation
A l'instar de n'importe quel établissement commercial à réseau, Europcar
est confronté à une obstruction de son activité commerciale "terrain" par un
flux grandissant d'appels en direct sur les agences. Comme n'importe quelle
banque, le loueur doit désengorger ses relais de distribution. C'est, entre
autres, la mission du centre de réservation de Nanterre et de son organisation
par marché. Une organisation qui repose sur une diversité de canaux d'accès,
tous dédiés à une activité structurelle du loueur : sociétés, particuliers,
véhicules de tourisme, agences de voyages, assisteurs, prestige, véhicules
utilitaires, programme de fidélisation... Cette approche par marché ayant entre
autres avantages celui d'offrir aux chargés de clientèle de Nanterre des
perspectives de variété. La politique de l'entreprise est de faire tourner
l'ensemble des effectifs à un rythme assez soutenu. Les agents restent entre
deux et six mois sur un marché. Quant à la "durée de vie moyenne" d'un chargé
de clientèle sur le centre de réservation, elle est de deux ans. Mais les
perspectives d'évolution des personnels passent également par la voie
hiérarchique - 60 % des superviseurs sont d'anciens chargés de clientèle -
ainsi que par des mutations hors plateau : trois assistantes en poste auprès de
la direction de l'entreprise viennent du service client. Encadrés par un
directeur, un responsable d'exploitation, un responsable de l'administration et
du reporting et cinq superviseurs, les 55 à 60 chargés de réservation présents
en permanence reçoivent en basse saison quelque 3 500 appels par jour et entre
5 000 et 6 000 en période de forte activité. Soit un million par an. Le
caractère très saisonnier propre à l'activité du loueur, l'oblige à faire appel
à des renforts durant les périodes de vacances scolaires, notamment des
contrats de qualification. « Nous n'hésitons pas à surdimensionner quand il le
faut », avance Christian Appadourai, directeur réservation d'Europcar.
L'ANTICIPATION PLUTÔT QUE LA GESTION DES CRÊTES
« A 70
personnes, nous assurons encore, mais à 90 en pleine charge, la qualité de
service s'en ressent », remarque Roland Masia, directeur commercial d'Europcar.
Pour permettre un lissage de la production, tant sur le plan du volume de
contact par agent que sur celui de la qualité de service, Europcar a choisi
d'ouvrir un nouveau centre, en mars 2001, à Dijon (voir p58). Le but visé par
le loueur étant de créer avec ce centre annexe un ballon d'oxygène susceptible
non pas d'absorber toute l'activité de strict débord, mais de fluidifier le
trop plein afin d'assouplir la marge de manoeuvre qualitative du call center de
Nanterre, dont les normes restent des plus standard : 80 % d'appels décrochés
en moins de 20 secondes. « Je ne pense pas que le traitement des appels en
débord soit une approche optimale, souligne Roland Masia. Ne serait-ce que
parce que la crête est toujours prise en charge trop tard, lorsque 3 à 4 %
d'appels ont été perdus. D'autre part, dans une politique de pure gestion des
crêtes, donc purement productiviste, seuls les plus forts s'en tirent. Il y a
des formules de redimensionnement qui laissent davantage place à une gestion
plus humaine et moins tendue. La prise en charge par une structure
complémentaire d'un certain volume prédéfini d'appels est, par exemple, un
moyen d'anticiper les pics d'activité et d'augmenter la performance globale du
service. » Continuité d'activité et transmission des cadres culturels obligent,
la mutation d'un petit pool de Nanterre vers le nouveau site a d'emblée été
encouragée par la direction nationale. Tant il est vrai qu'un collaborateur qui
accepte un projet de déménagement part, a priori, avec des idées et un discours
positif sur l'entreprise. Quant aux critères de recrutement retenus sur le site
dijonnais, ils seront les mêmes que ceux déployés à Nanterre : des têtes bien
faites et "pas forcément trop pleines". « Soyons réalistes, nous recherchons
tous des jeunes femmes et des jeunes hommes de 22-25 ans, tous parfaits,
largement diplômés et qui travailleraient 12 heures par jour. Sur le plateau
d'Europcar travaillent des gens qui ont pour la plupart le niveau bac + 2 et
parlent au moins une langue », détaille Roland Masia.
VERS DU COMMERCIAL PLUS PROACTIF
Pour chaque nouvelle recrue, la formation
initiale est programmée sur trois semaines où se conjuguent sessions théoriques
et pratiques. « Une formation qui s'étire trop sur la longueur laisse toujours
un goût amer », lance le directeur commercial. Les formations pourraient à
terme être enrichies de contenus de plus en plus commerciaux. Chez Europcar,
comme sur tout call center de vente de produits ou de services, l'intégration
et la pénétration progressive d'outils liés à l'Internet impriment à la
méthodologie de gestion une inéluctable évolution : « la vente sera de plus en
plus proactive. D'ici trois ans, nous aurons atteint une première étape dans ce
sens », note Roland Masia. Europcar n'a pas attendu cette échéance pour mettre
en place des éléments de motivation, à commencer par des bonus, délivrés sur la
base de critères conjoints : volumes d'appels perdus (par marché ciblé), volume
d'appels traités mensuellement, taux de transformation (par marché), assiduité
et ponctualité. « La prime peut équivaloir à 20 % d'un fixe défini à 8 000
francs mensuels brut au tarif d'embauche et qui passe à 8 200 francs après 6
mois », précise Christian Appadourai. Au salaire des chargés de réservation
viennent s'ajouter quelques agréments en valeur, comme les cadeaux (billets
d'avion) remis dans le cadre de challenges mensuels. Enfin, l'ensemble du
personnel est intéressé aux résultats de l'entreprise.
RÉUNIONS BIMENSUELLES SUR TOUTE LA HIÉRARCHIE
Parallèlement, le management
a souhaité inscrire le centre de réservation dans une logique de dialogue et de
veille relationnelle systématisée. Deux fois par mois, les agents de
réservation rencontrent leur superviseur, qui remonte, chaque quinzaine
également, l'information au directeur réservation. Deux fois par mois, le staff
de direction se réunit à son tour pour en référer au comité de direction.
Enfin, une fois par trimestre, le directeur commercial déjeune avec les
superviseurs du call center. Certifié ISO 9002, le loueur est soumis à un
certain nombre de normes de procédure. Par exemple dans le traitement des
litiges qui représentent, affirme-t-on chez Europcar, moins de 4 % du trafic
entrant sur le call center. « Je reçois personnellement entre 3 et 5 lettres
par semaine, auxquelles je réponds dans les trois à six jours », signale Roland
Masia. En matière de qualité de service, Europcar enregistre un taux d'appels
perdus de 5 à 6 % en moyenne, avec une amplitude de 2,4 à 22 % en fonction des
marchés et des flux saisonniers. Ce, pour un service disponible de 8 h 30 à 19
heures du lundi au vendredi et de 9 à 17 heures le samedi. « 5 à 6 %, si l'on
inclut les abandons immédiats, c'est en fait un taux d'appels réellement perdus
de 3 % », précise Roland Masia. Or, selon le directeur commercial, le
dispositif humain à mettre en place pour récupérer cette frange serait trop
coûteux au regard de ce qu'il rapporterait ou du moins, de ce qu'il ne ferait
pas perdre. Bref : il vaut mieux faire attendre 3 % des clients, quitte à ne
pas pouvoir traiter leur appel. D'autant que 3 % d'appels perdus, c'est
finalement peu. C'est même, semble-t-il, la limite au-delà de laquelle on tombe
dans des scores trop irréalistes pour être crédibles.
Europcar
Filiale à 100 % du groupe Volkswagen depuis le 1er janvier 2000, Europcar est présent dans quelque 100 pays à travers le monde, chaque entité nationale disposant d'une totale autonomie de fonctionnement. La société réalise 90 % de son chiffre d'affaires sur le véhicule particulier et 10 % sur le véhicule utilitaire. Le business représentant 65 % de son activité et le loisir les 35 % restant. Dans les années 80, le taux de pénétration de la location de véhicules en France était de 3 %. Il est aujourd'hui proche de 15 %.