Trafic régulé
Air France Longtemps, les centres d'appels d'Air France ont été des centres
de réservation. On parlait d'ailleurs de "résa". Aujourd'hui, la compagnie
aérienne est autorisée à émettre des billets au même titre que n'importe quelle
agence de voyages - dans le monde de l'aérien, la vente est effective dès
émission du titre de transport. « Désormais, nous générons du chiffre
d'affaires direct », insiste Florence Désert, directeur de la vente à distance
France de la compagnie. L'intégration de cette activité directement commerciale
a nécessairement gonflé le volume d'appels arrivant sur les centres. En 2002,
la vente à distance d'Air France a reçu 11 millions d'appels et en a traité 8,4
millions. Avec des saillies bien maîtrisées car liées à la saisonnalité du
produit : davantage de volume à traiter entre mars et juillet et, pour la
semaine, moins d'appels le week-end. Pour absorber au mieux le flux des
appels, Air France a procédé à une réorganisation massive de sa vente à
distance. Un chantier (dont la compagnie en 2001 estimait le coût à 26 M€) qui
s'inscrit dans un long processus de concentration, amorcé dès 1996 avec la
fusion d'Air France et d'Air Inter. Lors de la fusion, Air Inter ne comptait
pas moins de 32 numéros de téléphone en France. Lorsque la nouvelle compagnie
décida d'opter pour un numéro Air France unique (le 0802 802 802), les appels
ont, dans un premier temps, continué d'être routés sur les agences régionales.
En 1997, l'entreprise a entamé une rationalisation systématique et programmée
de ses entités de vente à distance. L'objectif étant ainsi de passer d'une
bonne trentaine de centres à moins d'une dizaine en cinq ans. En 2001, ne
restaient plus que 10 call centers. Et aujourd'hui, au début de l'année 2003,
la vente directe France de la compagnie nationale recouvre six centres d'appels
: Montreuil, Cachan, Strasbourg, Lyon, Toulouse, Marseille. Auxquels s'ajoute
un septième site, à Nice, employant une quinzaine de personnes et dédié à la
clientèle handicapée. « L'objectif était de rationaliser le dispositif et de
réduire le nombre de centres. Mais la question centrale était : comment faire
pour distribuer un appel sur un site quand un autre sature », explique Florence
Désert, nommée directeur VAD il y a un peu plus d'un an. La problématique
d'Air France est donc très vite celle d'un centre d'appels virtuel, du moins
appelé à le devenir. L'entreprise lance un appel d'offres, qui sera remporté
par France Télécom avec son offre de routage intelligent Contact Multicentre.
Air France opte alors pour un numéro 0820 adossé à un routeur dont le paramètre
d'activation sera le critère de disponibilité. La première interconnexion sera
actionnée en juin 2001. Dès novembre 2001, les six centres fonctionneront en
réseau virtuel.
UN CHANTIER DONT LES EFFETS SUR LE VOLUME D'APPELS SONT MAL MAÎTRISÉS
La transformation d'un dispositif en réseau
virtuel ne repose pas que sur des conditions techniques. Le facteur
psychologique est capital. « Avant, chaque site maîtrisait son trafic. Ce n'est
plus le cas aujourd'hui », souligne Florence Désert. Malgré la centralisation,
il est difficile à Air France de mesurer l'efficience de la réorganisation en
termes de volumes de production. La mise en réseau a été généralisée juste
après les attentats du 11 septembre 2001. Du jour au lendemain, le trafic
aérien s'est littéralement effondré, entraînant dans sa chute le trafic des
appels vers la télévente. Pour Air France, les éléments de comparaisons se sont
donc trouvés faussés dès la mise en route du nouveau modèle de routage des
appels. Aujourd'hui, Air France propose trois lignes : le 0820 820 820 pour la
clientèle individuelle, le 0820 320 320 pour l'après-vente billets
électroniques, ainsi qu'un numéro noir pour la clientèle club. Une quatrième
ligne a été spécialement ouverte pour les clients handicapés, leur donnant
accès au petit centre d'appels de Nice et à ses agents spécifiquement formés.
Pour le grand public, le service est accessible 7 j/7 de 6 h 30 à 22 h (trois
centres restent ouverts jusqu'à 22 h). Pour la clientèle "club", qui représente
6 % du chiffre d'affaires, des agents sont disponibles 24 h/24 (deux personnes
restent en poste la nuit sur le site de Montreuil). Mais le directeur de la
vente à distance tient à moduler la question horaire : « Nous avons une
consigne stricte : un agent ne clôt jamais une conversation. C'est le client
qui seul y met fin. Par ailleurs, les agents commerciaux savent que chaque
appel constitue une opportunité de vente. Il vont donc essayer d'émettre du
chiffre d'affaires. Si bien qu'on peut prendre un appel à 21 h 45 et être
encore en contact avec le client une heure plus tard, a fortiori pour des
produits complexes. » En France, gérer un call center de 1 000 personnes, comme
le fait par exemple Delta en Grande-Bretagne, compagnie partenaire d'Air
France, relève de la gageure. Dans son mouvement de concentration, l'entreprise
a donc renoncé à augmenter davantage la taille de ses sites parisiens,
réservant à la province le gonflement des centres. Ce qui n'écarte pas d'emblée
toutes les difficultés. Un exemple avec Strasbourg. Lorsqu'il a été décidé que
ce site ferait partie des six call centers du réseau virtuel, le plateau de
Strasbourg n'employait qu'une dizaine d'agents. Aujourd'hui, ils sont 180 (200
avant le 11 septembre). « Pas simple à gérer », remarque Florence Désert. Même
montée en charge pour Lyon, qui est passé de 30 à 170 personnes. Aujourd'hui,
sur les sites de Cachan et de Montreuil, qui emploient respectivement 280 et
300 agents, la tendance serait même plutôt à la baisse (légère) d'effectifs.
Mais, dès décembre 2003, le site de Cachan doit fermer et les équipes déménager
à Montreuil. Il n'y aura donc plus qu'un centre d'appels en région parisienne.
« Ce n'est pas seulement le centre d'appels qui déménage à Montreuil, mais
toute la direction marché France. Le bâtiment de Cachan sera revendu et Air
France construit d'ores et déjà un nouvel immeuble à Montreuil », précise
Florence Désert. Le déménagement aura donc le mérite de rassembler sur un même
site la vente directe et toute l'activité commerciale France de la compagnie. «
Il n'est pas bon que les centres d'appels soient dans leur bulle », affirme le
directeur VAD. La formation initiale dure six semaines, trois "en chambre"
(formation plus théorique), trois en "plateau junior" sous tutorat. Pour
rentabiliser cet investissement, Air France veut fidéliser ses agents au moins
30 mois avant de les laisser partir vers d'autres entités du groupe, les
agences, les comptoirs aéroports, les services fonctionnels... « Le centre
d'appels chez Air France, c'est un point d'entrée dans l'entreprise. Mais, du
fait de l'amplitude des prestations, les agents sont très demandés par les
autres départements du groupe », rappelle Florence Désert. Les agents sont des
vendeurs. Pour étayer cette logique, le management a institué un système
d'incentive, toujours collective, jamais individuelle. La prime est indexée à
70 % sur un seuil de chiffre d'affaires réalisé par la vente à distance et à 30
% sur le taux de transformation moyen de chaque centre. « La condition
préalable nécessaire à ce dernier résultat étant que la vente à distance ait
atteint ses objectifs », précise Florence Désert. Condition drastique qui peut
virer au paradoxal : en 2002, si les taux de transformation de certains centres
ont été particulièrement excellents, personne n'aura pu bénéficier des 30 % de
variable car les résultats commerciaux de la vente à distance n'auront pas été
au rendez-vous. Mais, même pour les plus individualistes, le cadrage fait
force de loi. Pour capter le maximum d'appels, Air France a dû développer un
outil logiciel, interfacé au système de réservation Amadeus, et garantissant le
respect des balises de qualité imposées par le management du centre d'appels.
23 balises exactement, autant de jalons qui permettront aux enquêteurs mystère
de contrôler la qualité de service individuelle et générale exprimée sur les
plateaux. Pour respecter au mieux le fil des balises qualité, les agents
disposent d'un script qui les empêche de franchir les étapes du contact-type.
Pour accéder à telle ou telle procédure, ils devront nécessairement avoir
clôturé telle ou telle fenêtre. L'objectif étant de respecter en moyenne 86 %
de la grille. Selon le directeur de la vente à distance, le taux effectif est
de 89 %. Moyenne plus qu'honorable, a fortiori en période de réorganisation.
Les réseaux de distribution d'Air France
Air France a déployé un dispositif de distribution recouvrant différents canaux : 1) Distribution en "vente tierce" : agences de voyages et partenaires revendeurs (les trois quarts du chiffre d'affaires d'Air France). 2) Distribution en direct via les canaux Air France (un quart du chiffre d'affaires) : - une soixantaine d'agences Air France, - les plateaux d'affaires, - les comptoirs aéroports, - la vente à distance par téléphone et par Internet (20 % des ventes directes et 5 % du chiffre d'affaires global France).
VAD : les données clés
La vente à distance France concerne exclusivement les titres de transport avec un départ depuis l'Hexagone. Le centre d'appels virtuel d'Air France fédère six sites : Montreuil (300 personnes), Cachan (280 personnes), Strasbourg (180 personnes), Lyon (170 personnes), Toulouse (100 personnes), Marseille (100 personnes). Au total, l'activité vente à distance d'Air France rassemble 1 100 personnes, dont 800 agents vendeurs et leurs encadrants. En 2002, 8,4 millions d'appels auront été traités.