Tosca, porte-voix des "best practices"
Dans un rapport estampillé Tosca (Table d'observation sociale des centres d'appels), des syndicats de salariés se font l'écho, à la demande de la Commission européenne, des conditions de travail sur les centres d'appels de sept pays. Un rapport à la fois critique et constructif.
Deux millions d'Européens travaillent dans les centres d'appels. Parce que
cette activité préfigure on ne peut mieux les nouvelles formes d'organisation
et de rapports sociaux, la Commission européenne a souhaité diligenter une
vaste réflexion dont la mise en forme, baptisée Tosca (Table d'observation
sociale des centres d'appels), repose sur le travail collégial de syndicats de
salariés réunis au sein d'ETUC (European Trade Union Confederation). Syndicats
qui ont observé les conditions de travail au sein de centres d'appels dans sept
pays d'Europe : Allemagne, Belgique, Bulgarie, Espagne, France, Grande-Bretagne
et Italie. Par-delà des variations trop flagrantes pour permettre les
généralisations, Tosca identifie quelques tendances communes à l'ensemble de
l'activité en termes de conditions de travail. Qui se traduisent par de forts
niveaux de stress, par un absentéisme dont il n'est pas rare qu'il avoisine les
25 %, par une fatigue intellectuelle et physique imputable à des tâches
monotones. La majorité des personnels travaillant sur les centres d'appels en
Europe se recrute chez les femmes, à des niveaux moyens de qualification et
d'études. Le statut des salariés est lié aux pratiques d'emploi des différents
pays. Ainsi, en Grande-Bretagne, il n'est pas rare que la durée des missions ne
soit pas fixée, alors qu'en Espagne, les téléacteurs travaillent souvent sur de
courtes périodes contractuelles. En Italie, le vide juridique balance les
salariés entre le statut de free-lance et celui d'employé. Les métiers du
centre d'appels ne correspondent jamais à une vocation. Ils traduisent bien
davantage un pis-aller. En Irlande, une étude a montré que de nombreux jeunes
intègrent les call centers pour ne pas travailler dans la distribution. Le
turn-over avoisine souvent les 40 %. Les raisons relèvent fréquemment d'une
surqualification des profils par rapport aux tâches exigées. Les conseillers se
plaignent souvent de la limitation des opportunités de carrière que les centres
d'appels leur offrent. Tosca remarque que le problème s'avère parfois de
manière si crue que certains employeurs ont de plus en plus recours à des
populations moins regardantes pour garantir de leur stabilité : femmes en quête
d'un travail après une longue période d'inactivité professionnelle, chômeurs de
longue durée, personnes en situation d'instabilité sociale ou personnes
handicapées.
Petit florilège des vertus de la concertation
Par-delà ces constats, le rapport Tosca identifie un
certain nombre de "best practices", qui témoignent de la possibilité de mesures
concertées entre partenaires sociaux. En voici quelques exemples : - En
Bulgarie, le ministère de la Santé a pris des directives concernant la veille
des écrans, qui peut être déclenchée 15 mn/heure. - En matière d'heures
supplémentaires ou d'annualisation, la convention collective applicable aux
sociétés de télémarketing en Espagne limite la durée du travail hebdomadaire à
39 heures avec impossibilité de dépasser les 48 heures. - En Grande-Bretagne,
les syndicats agissant dans le monde bancaire ont obtenu un certain nombre de
garanties concernant le travail des téléconseillers de nuit : pauses repas avec
accès aux lieux de restauration, repas cuisinés disponibles dans les locaux de
l'entreprise ; accès aux services de soins ; dispositifs de surveillance
effectifs sur le lieu de travail et dans les parkings : dispositifs de
covoiturage ou de transports collectifs financés par l'employeur. - En Italie,
un centre d'appels spécialisé dans les télécommunications a expérimenté un
système d'automanagement pour des équipes de quatre conseillers en
télétravail. - Un call center britannique a opté pour des équipes réduites au
maximum (quatre conseillers pour un manager) afin de conserver à l'encadrement
immédiat une véritable dimension de proximité. - En Belgique, des négociations
sont en cours, sous l'égide du Conseil national du travail, autour de la
présence de caméras dans les entreprises et sur les centres d'appels. Il est
fort probable que le droit privé prime sur le droit des entreprises et que les
caméras, tout comme le contrôle des conversations, soient interdits, en tout
cas, fortement régulés. - Au sein d'une importante compagnie d'assurance en
Grande-Bretagne, les conseillers en télétravail, les représentants des
syndicats et le comité d'hygiène et de santé ont défini, contrôlé en validé de
manière collégiale, les modalités environnementales devant régir les conditions
de travail des salariés à domicile. Un même travail de concertation étant mené
concernant les formations. - Dans la région North West de la Grande-Bretagne,
un partenariat a été établi entre syndicats, comités d'hygiène et de santé,
sociétés spécialisées dans la formation et le recrutement afin de réfléchir aux
moyens d'améliorer les conditions de travail des personnels. De premières
réunions informelles ont débouché sur une manifestation de plus grande ampleur,
réunissant 150 personnes, dont un bon nombre de patrons de centres d'appels, et
débouchant sur la rédaction d'un protocole. - Sur un centre d'appels
britannique dans le secteur financier, dirigeants et employés ont conçu
ensemble un programme de formation tenant à la fois compte des intérêts des uns
et des besoins des autres dans la définition des agendas. Dans le cadre de
cette concertation, il a, par exemple, été décidé de faire appel à une équipe
en intérim afin de combler les plages horaires sur lesquelles il n'était pas
possible de trouver un accord. - Le programme Think, financé par la Commission
européenne, encadre la formation des personnes handicapées à l'exercice en
télétravail des métiers de la relation client et notamment de la hot line
technique pour de grands comptes. Dans le cadre de ce programme, 240 emplois
ont été créés : 60 au Portugal, 60 en Espagne, 60 en Italie, 40 en Grèce et 20
en Ecosse. Et avec succès, semble-t-il, puisqu'une entreprise comme Microsoft a
largement adopté ce modèle d'intégration.