Sur-dimensionner, sous-dimensionner : un savoir-faire de funambule
Comment conformer son équipe aux flux volumétriques d'appels de façon à
éviter une déperdition trop importante tout en tenant compte des impératifs
budgétaires ? Les grandes erreurs de profilage, de l'ordre de 30 à 40 %, ne
sont pas exclues, mais elles sont rares. « De manière générale, on s'accorde à
penser qu'avec un taux de 95 % de prise d'appels, on atteint un bon score,
souligne Jean Reignier, directeur commercial de Phonepermanence.
Paradoxalement, on considère même qu'à 100 % on est sur-staffé. Il s'agit
néanmoins de moyennes, chaque situation nécessitant une approche spécifique. »
En s'accordant néanmoins sur cette base de 5 %, vaut-il mieux sur-staffer ou
sous-staffer ? La voix qualitative tendrait vers le sur-dimensionnement, celle
de la rentabilité vers le sous-dimensionnement. « Sous-dimensionner, c'est
prendre des risques d'autant plus importants que les conséquences en termes
d'appels perdus sont exponentielles. Lorsque vous sous-dimensionnez à 2 %, le
manque à gagner volumétrique est, lui, nettement supérieur à 2 % », note
Christian Doguet, directeur du support européen de BEA.
Intégrer la dimension temporelle
Côté annonceurs, on discerne parfois chez
les prestataires une propension à sur-staffer les équipes. « Lorsque l'on
démarre sur une nouvelle opération, avec un nouveau client ou une nouvelle
problématique, il vaut mieux donner une bonne image de l'entreprise, éviter de
mécontenter les premiers contacts, de perdre trop d'appels, affirme Sonia
Serfaty, directrice générale adjointe de Matrixx Marketing. L'annonceur vous
fera remarquer que vous lui faites payer la formation des téléconseillers en
sur-dimensionnement. Il faut lui faire comprendre à quel point il peut être
dangereux de ne pas prendre d'emblée certaines garanties de sécurité et de
qualité. » Le sur-dimensionnement ne doit pas obséder des annonceurs qui, de
toute façon, sont plus nombreux à facturer les prestations au contact effectué
qu'à l'heure de travail. Mais le dimensionnement n'est pas qu'affaire de
calibrage en ressources humaines. Il intègre également la dimension temporelle.
« Dans une situation d'appels sortants, je préfère mettre en place une plus
petite équipe et programmer l'opération sur une durée plus longue. Ce, dans un
objectif d'optimisation du fichier, souligne Denise Bengioar, directeur général
d'Addibell Marketing. Le dimensionnement, c'est aussi la capacité à gérer les
rappels et ce qu'on peut nommer les "indisponibles". Je considère qu'il est
difficile de mener à bien une opération B-to-B sur un laps de temps très
restreint. Un étalement sur une dizaine de jours ouvrés me semble raisonnable.
»
Quelle qualité le client acceptera-t-il de payer ?
Si le discours le plus communément répandu recommande un sur-dimensionnement,
la multiplicité des situations, l'unicité de chaque problématique oblige à
pondérer ce point de vue. « Imaginons une plate-forme en appels entrants,
explique Charles-Emmanuel Berc, président d'Eos Télérelations. On peut
considérer que, dans la journée, le centre d'appels va connaître à deux
reprises, le matin et le soir, une sur-sollicitation. Si l'on a tablé sur un
staffing de dix téléconseillers, faut-il affecter deux téléconseillers
supplémentaires pour éviter que des appels ne soient perdus ? Mieux vaut
regarder les choses avec circonspection. Tout d'abord, grâce au CTI, les appels
ne sont pas forcément perdus. Ensuite, le centre d'appels obéit à des objectifs
de rentabilité. Deux téléconseillers supplémentaires pour deux périodes de
débordement de 10 ou 15 minutes, est-ce bien justifié ? » Car, derrière les
déclarations de bonnes intentions qualitatives, il ne faut pas oublier qu'en
dernier ressort, cette fameuse qualité, c'est le client qui la paie. Jusqu'où
acceptera-t-il d'aller ? La réponse est aussi un ingrédient de dimensionnement.