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RENCONTRE

Privilégiant la relation directe, le leader européen des courts séjours nature entend être à l'écoute permanente de ses clients. Une stratégie récompensée par la première marche du Podium de la Relation Client 2008, dans la catégorie Tourisme.

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Quelles sont les spécificités de Center Parcs sur le marché du tourisme?

Center Parcs est un concept excessivement original et complexe. Sans équivalent et tous les jours plus moderne.

Nous nous positionnons sur le créneau des courts séjours, avec des domaines situés en forêt, ouverts toute l'année, proches géographiquement de leur clientèle. Nous commercialisons des cottages, avec un prix par maison et non par personne; le reste étant à la carte. Nous sommes en fait un substitut à la maison de campagne, avec tous les avantages, mais sans les inconvénients. C'est un espace de liberté avec, derrière, une organisation qui est immense, mais qui doit être invisible.

Une autre originalité, qui est aussi une des forces de la société, c'est la vente directe. Nous avons considérablement développé cette approche, alors qu'auparavant, il y avait eu des essais de commercialisation par des moyens traditionnels, agences de voyages... Aujourd'hui, environ 93% de notre commercialisation est réalisée directement, sans intermédiaire.

De quels moyens disposez-vous pour cette commercialisation?

Nous avons été pionniers dans la vente par téléphone. En 1993, alors que nous n'avions qu'un seul village, nous avons fait de la télévision nationale; ce qui a contribué à faire connaître le produit et le numéro de notre centre d'appels. Le téléphone est un canal qui continue de fonctionner, puisque nous recevons quelque 400 000 appels par an sur notre call center interne, qui compte une soixantaine de positions. Et, si les temps de communication ont augmenté, le panier moyen aussi. Mais, aujourd'hui, Internet représente environ 55% de notre chiffre d'affaires, contre zéro il y a quatre ans. Sa place va continuer de se développer. Mais je pense que l'on atteindra un plafond autour de 70% du chiffre d'affaires.

Le téléphone et Internet participent à notre objectif qui est de simplifier la vie du client. Notre call center est ouvert 74 heures par semaine, Internet 24 h / 24. Nos clients nous confient, bien sûr, un budget, mais aussi quelque chose d'encore plus important: du temps de vacances, avec leur famille, leurs amis... Et nous entendons être des facilitateurs de bonheur. D'autant plus que nous sommes sur des petites vacances où tout temps perdu est du temps de stress. Nous essayons donc de tout fluidifier au maximum; nous avons beaucoup travaillé sur les temps d'attente à l'arrivée, sur tout ce qui peut se faire en préorganisation, préréservation d'activités... Ce qui, de notre côté, nous permet également d'optimiser notre yield management.

Sachant que vous pratiquez la vente directe, vos téléconseillers ont-ils un profil commercial?

Au départ, le centre d'appels était un centre de prise de commandes. Aujourd'hui, il s'agit véritablement d'une force de vente avec laquelle on vit, en temps réel, toute la marche commerciale de l'entreprise. Nous voyons tout de suite les remontées des opérations publicitaires, sur Internet ou par mailing. Et nous gérons des bases de données importantes, qui comptent 384 000 clients dont 157 000 actifs - c'est-à-dire ayant fait une réservation dans les deux dernières années - et 260 000 prospects de moins de deux ans.

«Il ne suffit pas qu'un client soit satisfait, il faut qu'il soit enchanté»

Quelles sont les relations entre le commercial, et donc le centre d'appels, et le marketing?

Il y a une symbiose complète entre le marketing et les ventes. Dans une entreprise de vente à distance, la vente commence dès la communication et le marketing est présent partout. Il n'y a pas du tout de dichotomie entre les deux. L'équipe du centre d'appels est totalement impliquée dans le marketing et vice versa. Les équipes marketing forment les commerciaux, leur expliquent les promotions... Réciproquement, le centre d'appels fait le relais, informe le marketing de ce qu'il détecte. C'est ainsi que nous avons pu nous apercevoir, à une époque, qu'il y avait un bug dans le circuit d'envoi de nos brochures.

Au-delà du chiffre d'affaires, comment voyez-vous l'évolution du canal internet?

Internet a été et reste pour nous un défi quotidien parce que nous n'avons jamais fini d'apprendre dans ce domaine. C'est une opportunité magnifique, surtout dans notre secteur, puisque notre offre peut être complètement dématérialisée: réservations, brochure en ligne... Les confirmations de réservation, les factures, les informations de pré-arrivée... peuvent être envoyés par mail. Ce qui est d'ailleurs en adéquation avec notre philosophie, puisque Center Parcs a, depuis l'origine, dans son ADN la préservation de l'environnement.

En matière de relation client, quelles sont les grandes lignes de la philosophie de Center Parcs?

D'abord, il faut essayer de mettre en place une organisation efficace. Il existe un paradoxe entre le fait d'avoir une organisation lourde - nous possédons pratiquement 2 500 maisons qui changent d'habitants deux fois par semaine -, avec près de soixante métiers différents, et celui de ne pas être intrusif, de laisser la liberté au client, tout en lui apportant le service qui lui correspond.

Dans notre philosophie, il existe également une part d'écoute très importante. Par exemple, tous les mardis en fin d'après-midi, sur chaque domaine, plus d'une centaine de clients sont invités à un cocktail avec les managers, qui sont là pour avoir un contact direct et les écouter.

A côté des études classiques, nous utilisons de plus en plus Internet pour tester des idées, faire évoluer le produit, tout en conservant les piliers du concept. D'autant plus que nous sommes en phase de développement important avec la construction d'un quatrième domaine en Moselle et la conception d'un cinquième en Rhône-Alpes. Ce qui est extraordinaire, c'est la réactivité des internautes: sur des questionnaires assez longs, nous avons des réponses immédiates avec des taux de retour de 40%. Ce qui montre l'implication dans la marque, le produit et aussi la fierté qu'on leur demande leur avis sur des développements d'un futur Center Parcs.

Le client vous rend mille fois ce que vous lui donnez en l'écoutant. On apprend beaucoup et, même si, bien sûr, il existe une relation commerciale quelle que soit l'entreprise, dans notre secteur, il y a une relation affective très importante. Le client est attaché à un concept auquel il adhère et, quelque fois même, lorsque l'on est imparfait, il est aussi triste que nous de nous adresser un reproche. Le client est notre première agence de publicité et de voyages. 54% de nos clients viennent sur la recommandation de familles ou d'amis qui sont venus chez nous. La publicité à la télévision, c'est moins de 20%. L'équation économique est claire.

Comment réagissez-vous en cas de problème?

Notre philosophie en la matière est de traiter au maximum instantanément et sur place les problèmes. Et, s'il y a une compensation à fournir, de le faire immédiatement sur le séjour. Si le problème est résolu tout de suite, le client est content et n'en gardera pas d'amertume. On a le droit d'être imparfait. On a droit à l'erreur, si on la reconnaît et, si on la corrige, les clients ne nous en tiendront pas rigueur.

Quand un client nous envoie une lettre, un e-mail, l'idée, là encore, c'est de répondre vite. Nous avons mis en place une cellule dédiée au dialogue avec les clients via Internet. 98% des e-mails obtiennent une réponse en moins de deux jours et probablement 80% dans la demi-journée.

Toutes les entreprises n'ont pas votre réactivité...

C'est dans les gènes de la société: nous respirons et nous vivons avec nos clients. L'une des originalités du secteur du Tourisme est que les clients font partie du produit. Et nous, nous sommes là 24h/24 pour les servir, gérer leurs demandes et résoudre les problèmes qui peuvent surgir. Nous devons être disponibles avant, pendant et après leur séjour. Nous allons même au-delà. Lorsque des clients nous disent qu'ils n'ont pas l'intention de revenir, nous les rappelons afin de savoir pourquoi, pour connaître les raisons d'une déception éventuelle... Les clients sont surpris de cette démarche. Et, un quart de ceux qui avaient déclaré ne pas vouloir revenir reviennent. Uniquement parce que l'on a pris le soin de reprendre contact. C'est quelque chose d'important en matière de relation client

Comment mesurez-vous la satisfaction clientèle?

Nous menons une enquête de satisfaction systématique. Auparavant, un questionnaire papier était déposé dans chaque cottage. Il était rempli par près de 40% de la clientèle. Nous sommes maintenant passés totalement en version électronique. Le questionnaire est rempli à près de 30%, de manière représentative des clients.

L'un des intérêts de cette version électronique, c'est la rapidité à la fois de la réponse et du dépouillement, qui fait que les villages reçoivent les scores une semaine après et peuvent ainsi faire rapidement des corrections, si besoin.

Cette enquête est réalisée de la même façon sur tous les domaines, en France, en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas. Elle permet donc un benchmark, un classement, une émulation. Nous en avons changé les critères. Nous ne nous contentons plus d'avoir des taux de satisfaction, nous avons aussi des taux de «delightness» - le nom du programme d'études est d'ailleurs «Delight». Nous considérons en effet que, pour qu'un client revienne, il ne suffit pas qu'il soit satisfait; il faut qu'il soit enchanté. Notre benchmark repose sur ce score des «très satisfait». C'est très important puisque nous sommes dans un business de fidélisation. Bien sûr, nous avons encore de la conquête à faire, mais notre modèle ne fonctionnera jamais si nous n'avons pas une clientèle fidèle.

Quel est le taux de clients fidèles?

Aujourd'hui, nous avons 20% de clients qui reviennent d'une année sur l'autre et, avec ceux qui reviennent les années suivantes, nous avons, sur chaque arrivée, environ une moitié de clients qui sont déjà venus et une moitié de clients nouveaux. Nous aspirons à atteindre 70% de clients fidèles et 30% de clients nouveaux.

Disposez-vous d'un programme de fidélisation?

Non. Nous n'avons pas de système de fidélisation structuré avec des cartes ou autres techniques. Nous avons toujours refusé de monétariser la fidélité. Mais nous essayons de travailler le plus possible sur la reconnaissance. Prendre en considération le client, c'est le minimum. Le reconnaître est encore mieux. D'ailleurs, c'est ce que nos clients nous demandent. D'autant plus que beaucoup d'entre eux se sont approprié le produit.

Par exemple, nous demandons aux directeurs de domaines de faire un geste pour les clients fidèles (un coup de téléphone, un mot, une bouteille de champagne...). Cela n'a pas de prix. Nous sommes sur un secteur paradoxal où il y a beaucoup d'acteurs et où chacun est unique. Dans une industrie qui est restée artisanale et où chaque client est unique et doit être traité comme tel. Ce qui implique un gros travail réalisé sur place par le personnel; sachant que nous devons disposer des moyens d'identifier le client, de le reconnaître.

Cette année, la relation client participative était le thème du Podium de la Relation Client. Quelle est votre conception en la matière?

Une relation n'est jamais à sens unique. Si vous n'avez pas la participation du client, vous n'avez pas de relation. Si l'on oublie le client, on met en danger la pérennité de l'entreprise. Aujourd'hui, le client a clairement changé; il dispose de beaucoup plus de moyens de s'exprimer, de se faire entendre via Internet, les blogs, les forums... Il peut facilement faire du terrorisme. Il faut être lucide là-dessus. Si nous n'écoutons pas le client, si nous sommes arrogants, il saura le faire savoir... Nous avons mis en place un système de veille. Cela nous arrive d'être mis en cause et je pense qu'il est important de répondre objectivement. Les choses se calment immédiatement. La société s'engage, s'explique. Cela fait partie de la relation client participative et va s'amplifier.

«Le client est notre première agence de publicité et de voyages.»

@ Photos: Marc Bertrand

«Le client est notre première agence de publicité et de voyages.»

Parcours

Diplômé de l'ESC Dijon (1971), Daniel Mougeotte a démarré sa carrière chez Colgate Palmolive en 1973. En 1978, il rejoint Unisabi comme chef de groupe. Après avoir été directeur marketing de Maison du Café (Douwe Egberts/Sara Lee) de 1984 à 1986, il devient consultant international chez Watchmann Crossley & Partners en 1987 puis passe six mois à l'état-major de la Citibank NA avant d'être détaché dans la filiale Diners Club International en tant que directeur marketing. En 1989, il intègre Center Parcs France comme directeur marketing et commercial et membre du comité de direction. Directeur délégué depuis 2000, il représente Center Parcs France auprès du Board européen.

Entreprise

- Fondée en 1968 aux Pays-Bas et présente en France depuis 1988. Propriété du groupe Pierre?& Vacances depuis 2003. 17 domaines en Europe continentale dont trois en France: Normandie (1988), Sologne (1993) et Aisne (2007). Projets d'ouverture en Moselle (2010) et Rhône-Alpes (2012).
- Chiffre d'affaires Europe (2006 - 2007): 530 MEuros.
- 10 000 collaborateurs, dont 1 700 en France.
- Données France (oct. 2006 - sept. 2007): - taux d'occupation annuel des domaines: 87% en moyenne,
- 485 000 résidents, -500 000 appels reçus au centre d'appels,
- 160 000 réservations (à septembre 2008: 196 000 réservations, correspondant à 3,2 millions de nuitées),
- 97% de réservations effectuées en direct (dont 54% via le centre d'appels et 46% par le Web),
- 50 230 questionnaires clients traités,
- 97% d'avis favorables après séjour.

François ROUFFIAC

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