Recherche

RELATIONS PROFESSIONNELLES DESEQUILIBREES: SOUS CONTROLE JUDICIAIRE...

Publié par La rédaction le
Lecture
7 min
  • Imprimer

En cette période de négociation des relations pour 2012, l'analyse de la jurisprudence apporte de précieux enseignements sur les moyens à mettre en oeuvre pour faire face aux risques de sanction.

DANIEL ROTA et REGIS PIHERY, avocats associés du cabinet Fidal, conseillent et défendent les entreprises dans le cadre de leurs contentieux commerciaux, devant les juridictions tant judiciaires qu'arbitrales.

Les conditions de la relation

Le juge procède à un contrôle de fond des conditions de la relation, à travers la condamnation des clauses manifestement déséquilibrées entre professionnels (article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce) .

Ce contrôle judiciaire a été instauré par la loi LME du 4 août 2008, afin de «renforcer l'effectivité de la sanction de l'exploitation abusive d'un rapport de force par l'une des parties». Le juge dispose ainsi d'un nouveau moyen pour s'immiscer dans les relations professionnelles. Dans une décision du 7 septembre 2011 , le tribunal de commerce de Lille s'en est saisi pour considérer qu'une clause de révision de prix stipulée dans un contrat de fourniture était abusive. Celle-ci prévoyait, de manière non réciproque:

- En cas de hausse des coûts du fournisseur, des conditions restrictives d'augmentation des prix de vente, avec possibilité pour l'acheteur de bloquer la négociation ou tout au moins d'imposer des contreparties à la charge du fournisseur ;

- Mais, au cas de baisse des coûts du fournisseur, la réduction immédiate des prix de vente, sous peine de résiliation du contrat par l'acheteur.

Ce contrôle judiciaire invite à rédiger les contrats conclus entre professionnels avec le plus grand soin, au même titre d'ailleurs que les documents commerciaux (conditions générales de vente, conditions d'achat, etc.) , et à éviter de trop grands déséquilibres, ou tout au moins à les justifier.

La rupture de la relation

Le Code de commerce (article L. 442-6, I, 5°) sanctionne le fait «de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale».

Ce texte nourrit une grande partie des contentieux entre professionnels, dans la mesure où, en cas de rupture, il est aujourd'hui presque systématiquement invoqué par la victime.

Le succès de cet article tient notamment à son champ d'application, très large. Il a vocation à s'appliquer à toute relation professionnelle, commerciale ou non (application à une société d'assurances mutuelles, par exemple) , que la rupture concerne un contrat, une suite de contrats ou une relation établie sans contrat formalisé, que la rupture soit totale ou partielle (comme la diminution brutale des commandes) .

Pour déterminer si le délai de préavis accordé par l'auteur de la rupture est suffisant, les juges tiennent compte de la durée des relations (cour d'appel de Paris, le 16 juin 201 1: 20 mois de préavis pour une relation de 1 7 années) , mais aussi parfois des usages de la profession, voire de l'état de dépendance économique de la victime.

Le non-respect d'un tel préavis expose l'auteur de la rupture à réparer le préjudice subi par la victime (en général, la marge brute qu'aurait réalisée la victime pendant la durée normale du préavis. Par exemple, la cour d'appel de Paris, le 16 juin 2011, avait ordonné une indemnisation de 405 000 euros). Il incombe ainsi à chaque professionnel de veiller au traitement de la fin de ses relations d'affaires. Pour ce faire, il peut mettre en oeuvre différentes stratégies:

- Lors de l'établissement de la relation, il peut limiter la relation dans le temps (contrat non tacitement reconductible) ou statuer sur l'intérêt en jeu (courant d'affaires ne représentant qu'une faible part de l'activité du partenaire) , en assurant la précarité de la relation (recours à une procédure d'appel d'offres).

- Lors de la fin de la relation, le professionnel peut appliquer un préavis tenant compte de la jurisprudence en la matière, en imputant la charge de la rupture au nouveau partenaire... Il est bon pour les opérateurs de garder ce cadre à l'esprit: le fort s'en préservera, le faible s'en prévaudra...

La rédaction

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page