Quand le bassin d'emploi pose ses conditions
Pour répondre à une forte croissance de son activité, le leader mondial de l'assistance a ouvert en avril dernier au Mans, un centre qui emploie aujourd'hui 260 personnes. Revue de détail d'un lancement, avec le directeur adjoint des assistances, en charge de ce nouveau site, qui explique notamment le poids du contexte local.
Pourquoi avoir ouvert un site au Mans ?
La
problématique de Mondial Assistance, c'est une très forte croissance. Sur les
dernières années, l'activité connaît des évolutions à + 20 %. Il y avait donc
une nécessité de s'agrandir. La question qui s'est posée, c'est : Est-ce que
l'on s'agrandit sur la capitale ou en province ? A Paris, nous sommes installés
entre autres dans le 17e arrondissement, rue Fragonard, sur six étages, où
travaillent environ 800 personnes. Nous avons opté pour la province pour trois
raisons : la qualité de vie, la qualité du bassin d'emploi, l'optimisation des
coûts. Pourquoi Le Mans ? Un appel d'offres a été lancé, auquel ont répondu une
trentaine de villes. Nous avons écarté les grandes métropoles, comme Toulouse,
Lille ou Lyon, pour cibler des villes entre 100 000 et 400 000 habitants. En
short list, on a notamment retrouvé Nîmes, Metz, Bourges, Le Mans. Au final,
les choses se sont jouées entre Le Mans et Nîmes. Le Mans a été choisie pour
quatre raisons. D'abord la proximité avec Paris. C'est la première fois que
nous créons un site en dehors de Paris et le fait de pouvoir aller d'un site à
l'autre en une heure était un plus. Deuxième raison : un bassin d'emploi
favorable. Troisième facteur : le dynamisme et la réactivité du comité
d'expansion économique de la Sarthe et des élus locaux. Il nous fallait ouvrir
avant la "saison", c'est-à-dire avant juin et donc, aller très rapidement. Le
bâtiment était déjà construit, ce qui nous permettait de nous installer très
vite. Quatrième élément d'explication : l'image des 24 heures du Mans colle
assez bien à l'activité du site, qui gère de l'assistance aux véhicules.
Quel sera le rôle de ce nouveau centre au sein du dispositif Mondial Assistance ?
Le site du Mans traite aujourd'hui exclusivement
l'activité assistance aux véhicules France pour tous nos clients
banque-assurance et pour les assureurs. Notre mission est de traiter l'appel du
bénéficiaire ayant souscrit auprès de ces entreprises un contrat d'assistance,
d'identifier le contrat qui justifie l'appel, de faire preuve d'écoute et
d'empathie, et d'organiser l'assistance sur le terrain : identifier le
problème, envoyer un dépanneur, faire remorquer le véhicule chez le garagiste,
trouver un hôtel pour l'appelant et sa famille. L'assistance médicale,
l'assistance domicile, l'assistance à l'emploi et l'international sont traités
à Paris, ainsi qu'une petite partie de cette activité d'assistance aux
véhicules. L'activité du site du Mans représente au moins 35 % de l'activité
totale de Mondial Assistance, c'est aussi l'activité en plus forte croissance.
Nous avons choisi de ne traiter au Mans qu'une seule activité, essentiellement
pour des raisons de richesse du bassin d'emploi. Nous ne voulions pas nous
compliquer la tâche en recherchant des personnes spécialistes des questions
médicales, ou capables de traiter les demandes internationales. L'assistance
aux véhicules France ne requiert pas le multilinguisme. L'activité a commencé
le 9 avril avec un effectif de dix personnes. Nous avons défini un calendrier
de montée en charge progressive de l'activité. Fin septembre, le site emploiera
260 personnes. Nous ne voulons pas dépasser les 400 personnes sur un même site.
Au-delà, nous y perdrions en humanité.
Comment s'organise l'activité ?
Sur les 260 collaborateurs qui travailleront ici à
dater de fin septembre, on compte 95 % d'opérationnels. Le reste se partageant
entre les fonctions support, le high-tech, les RH et les services généraux. Les
effectifs se répartissent en trois pôles correspondant chacun à une catégorie
de clients et de taille comparable : le pôle AGF, le pôle banque-assurance, le
pôle regroupant notamment les mutuelles du Mans (ce dernier pôle sera mis en
place entre le 1er et le 15 octobre). Chaque pôle est placé sous la
responsabilité d'un responsable de service, qui m'est rattaché. Au sein de
chaque pôle, il existe sept équipes de dix personnes, managées par un
responsable de groupe.
Quel est le cheminement d'un appel ?
Les clients s'entendent répondre au nom de notre client
banque-assurance ou mutuelle. Nous avons testé au Mans le système CTI Genesys,
également installé à Paris à dater de fin septembre. Un client ayant déjà
appelé, dès lors que son numéro d'appel est identifié par le CTI Genesys, sera
systématiquement orienté vers le dernier chargé de clientèle qui lui aura
parlé. De manière générale, l'appel arrive sur le PABX, le CTI va aller
chercher la personne la plus compétente parmi les chargés d'assistance
disponibles. Nous avons défini trois niveaux de compétence : forte, moyenne,
faible. Prenons un appel orienté vers le pôle AGF. Si tous les chargés
d'assistance de ce pôle sont occupés, l'appel sera routé vers la personne la
plus compétente au sein du groupe banque-assurance. Le modèle étant modulable à
souhait afin d'intégrer les impératifs de mutualisation et de ne perdre ni en
productivité ni en qualité de service. Par ailleurs, si une personne appelle de
l'étranger, le contact sera routé immédiatement sur le site de Paris.
Comment gérez-vous les fluctuations d'activité ?
Le
site du Mans reçoit entre 1 500 et 3 000 appels par jour. Depuis le début de la
saison, nous avons traité 166 000 appels. Avant les 35 heures, nous avions une
forte concentration des appels sur le lundi et le vendredi. Aujourd'hui, le
volume d'appels passés le mardi et le jeudi augmente. Nous travaillons sept
jours sur sept, 24 heures sur 24. Avec, bien sûr, des effectifs restreints la
nuit, 95 % des appels arrivant dans la journée. Nous avons intégré des outils
nous permettant de faire des prévisions très pointues sur le trafic à venir,
sur la base des historiques et ce, quart d'heure par quart d'heure. On saura
ainsi programmer les effectifs pour tel dimanche futur, de 15 h 15 à 15 h 30.
Cette évaluation, très précise, se fait sur la base de paramètres relevant de
statistiques en production entrante. Ce qui est finalement assez paradoxal dans
la mesure où nous gérons sur nos plateaux un peu moins de deux appels sortants
pour un appel entrant. La durée moyenne d'un appel entrant est de trois-quatre
minutes. Mais le traitement d'un dossier ne se mesure pas ici puisqu'il
implique du contact sortant et du back office.
Quelles sont les normes de qualité de service ?
L'objectif est de traiter 97 % des
appels. Au Mans, nous en sommes à 99 %. Deuxième critère : 85 % des appels
doivent être décrochés en moins de 15 secondes. Nos résultats s'approchent des
91 %. Les enquêtes de satisfaction nous disent que 60 % des bénéficiaires sont
très satisfaits du service et 35 % satisfaits. Ce, sur l'ensemble de l'activité
assistance aux véhicules. Le site du Mans calquant ses résultats sur ceux de
Paris après moins de trois mois d'exercice.
La fermeture de l'usine Philips au Mans vous a-t-elle "aidés" dans la constitution de vos effectifs ?
Le contexte Philips a certainement rendu plus actif le comité
d'expansion économique. En ce qui nous concerne, le fait que la société cesse
son activité locale n'a pas influencé notre choix, ni de manière positive, ni
de manière négative. Il se trouve effectivement que 23 % de nos effectifs sont
d'anciens salariés de Philips.
Comment s'est passé le recrutement ?
Nous avons passé un partenariat avec l'ANPE et testé la méthode
des habiletés. Celle-ci consiste à ne pas tenir compte de l'expérience ou des
diplômes, mais à rechercher les profils les plus en phase avec les aptitudes
requises pour les postes à pourvoir. En l'occurrence, le métier de chargé
d'assistance nécessite qualité d'expression écrite et orale, capacité de
rationalisation, aptitude à respecter des consignes internes tout en
développant son autonomie et son sens de l'initiativ... Toutes ces "habiletés"
ont été définies avec l'ANPE. Nous avons ensuite élaboré un questionnaire et
des jeux de rôles, testés sur les équipes de Paris. Au Mans, tous les candidats
qui obtenaient une note supérieure à 12 pouvaient passer les entretiens de
motivation. La sélection s'est faite dans de bonnes conditions puisque le
nombre de personnes qui n'ont pas été reconduites après la période d'essai est
très faible. Le Mans a une tradition industrielle. La reconversion vers le
tertiaire est très récente, même si nous ne sommes pas les premiers à venir
ici. The Phone House ou Hays Ceritex se sont également installés. La majorité
des personnes recrutées n'ont jamais eu d'expérience dans l'assistance. 60 %
avaient déjà travaillé avec le téléphone, mais cela pouvait aller du centre
d'appels au secrétariat. Au total, 13 collaborateurs viennent de Paris. La
grande majorité des effectifs a été recrutée sur place. Il faut dire que notre
but était aussi de jouer un rôle d'employeur local.
Et pour l'encadrement ?
Dans les fonctions d'encadrement, nous avons
enregistré à Paris beaucoup de candidatures au transfert sur Le Mans. Nous
avons choisi des personnes qui, pour la plupart, ne connaissaient pas le monde
de l'assistance mais bénéficiaient d'une expérience similaire dans le
management d'équipes. Nous avons donc eu des cas un peu extrêmes où le
responsable de groupe connaissait moins bien l'assistance que les membres de
l'équipe dont il était en charge. Mais nous avons alors mis en place des
formations pour compenser le handicap. Au niveau du poste de responsable de
groupe, je pense que la connaissance métier compte pour 50 % et l'aptitude au
management pour l'autre moitié.
Quel est le profil moyen de vos collaborateurs sur le site du Mans ?
Il n'y avait pas de critère
d'âge dans la sélection. Nous avons une très grande majorité de jeunes femmes,
souvent des mères de famille. D'une manière générale, la moyenne d'âge est un
peu plus élevée au Mans qu'à Paris. Mais je pense que la variation dans le
profil moyen est moins due à la méthode des habiletés qu'au fait que nous
recrutions cette fois-ci en province.
Quelle est votre politique de formation ?
La formation porte sur quatre axes majeurs : les
outils, le métier, les contrats et la qualité de service. Elle a duré quatre
semaines, avec alternance de théorie et de pratique, plus trois semaines en
tutorat avec des chargés d'assistance que nous avons fait venir de Paris
pendant plusieurs mois. Durant la première phase de tutorat, les personnes
étaient formées à l'abri du stress du "baromètre", c'est-à-dire du panneau
indiquant l'état du trafic, les appels en attente, les appels perdu... Puis,
petit à petit, elles ont été intégrées à la vie du plateau. Chaque semaine, un
bilan individuel était fait avec les formateurs, le tuteur et le responsable de
groupe. Pour ceux qui en ressentaient le besoin, nous avons mis en place un
coaching personnalisé centré sur un aspect donné. Nous avons investi davantage
sur la formation au Mans qu'à Paris. A Paris, les nouvelles recrues sont
rapidement intégrées par un ensemble de personnes déjà expérimentées. Au Mans,
nous n'avions pas de référentiel. Il nous fallait former quasiment 97 % de nos
effectifs. Nous avons donc fait venir une trentaine de formateurs du site de
Paris. Tout cela nous a permis de monter très vite en puissance et sans accroc.
Comme quoi, avec un suivi individualisé, un coaching de proximité, de bons
plans de formation, les choses fonctionnent bien et vite.
Et la formation continue ?
Nous prévoyons deux heures de formation par
mois et par personne et un quart d'heure de briefing tous les matins au sein de
chaque équipe. Ainsi qu'un certain nombre de formations complémentaires sur les
outils, la qualité de service, ou tout autre point qui le méritera. Des phases
d'enregistrement des conversations seront bientôt initiées. Cette technique est
considérée chez Mondial Assistance comme un outil pédagogique. Nous ne ferons
pas d'enregistrements sauvages. Le chargé d'assistance aura la possibilité de
s'enregistrer quand il le voudra pour ensuite faire avec son responsable de
groupe un débriefing. Les formations permanentes seront en partie organisées
sur la base de ces séances de débriefing. Nous aurons deux
recruteurs-formateurs en permanence sur le site du Mans. Les tuteurs conservant
toujours leur fonction pédagogique Pour la saison prochaine, nous ferons
vraisemblablement encore appel à nos formateurs de Paris. A partir de juin,
nous enregistrons en effet chaque année une pointe d'activité de l'ordre de 30
à 40 %. Il faut donc faire appel à des saisonniers.
Quelle est la politique de rémunération ?
Le salaire des chargés d'assistance
repose principalement sur du fixe. Il y a un intéressement aux résultats de
l'entreprise et des primes aux résultats, qui restent minimes. Ce n'est pas le
variable qui fait le salaire. Pour la région, nous sommes plutôt dans la
fourchette haute, avec une rémunération d'entrée d'environ 1 500 euros sur
treize mois. Le but n'est pas de multiplier les primes et les incentives, mais
de bien payer nos collaborateurs et de les fidéliser.
Biographie
Pierre-Henri Zoller, 35 ans, précédemment en poste auprès de la filiale espagnole de Mondial Assistance, a rejoint au printemps 2002 Mondial Assistance France en tant que directeur adjoint des assistances, en charge du site du Mans. Titulaire d'une MSTCF de l'Université Paris IX Dauphine et d'un DESCF, il a commencé sa carrière chez Arthur Andersen avant d'intégrer la direction internationale de Mondial Assistance en 1995. En 1997, il crée et développe la filiale Argentine puis entre au comité de direction de Mondial Assistance à Madrid, en charge des plates-formes et du réseau de fournisseurs.
L'équipement du centre
Le centre de Mondial Assistance utilise un socle téléphonique Nortel Meridian complété d'une couche CTI Genesys. La relation avec les bénéficiaires est gérée par Siebel, avec une base de données Oracle.