Pour l'image des marques
Lever Fabergé Cif, Omo, Skip, Cajoline... Toutes ces marques font partie du
quotidien des Français, leur notoriété est entretenue régulièrement par
quelques piqûres de rappel en affichage ou à la télévision. Mais ces médias
puissants ont un inconvénient : ils fonctionnent à sens unique. Ils sont
nécessaires, mais insuffisants quand on a les objectifs de Lever Fabergé
(groupe Unilever) : développer autant que possible une image de proximité avec
sa cible, coller aux besoins des ménagères, anticiper leurs désirs et, quand il
y a lieu, corriger les erreurs de tir. Pendant plusieurs années, les stratèges
de Lever Febergé se sont creusé la tête. En 1997, ils ont créé le magazine
publicitaire Pour tout vous dire qui a introduit une touche d'interactivité.
Les lecteurs peuvent y poser des questions, envoyer leurs suggestions. Mais le
vrai tournant, c'est Skip qui l'a initié. En 1999, la marque de lessive se
lance en solo dans la création d'un centre d'appels. Le numéro de téléphone
apparaît sur l'emballage, et en signature de chaque message publicitaire.
L'expérience est concluante. Les autres marques du groupe décident d'en faire
autant. Après la fusion avec Elida Fabergé, les dirigeants de Lever décident de
coordonner toutes ces initiatives pour structurer la relation avec les
consommateurs. Un centre d'appels unique constituera désormais l'ossature de
leur CRM. Ouvert au printemps 1999 à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), le
centre fonctionne aujourd'hui avec un seul numéro, pour le prix d'un appel
local. Une douzaine d'employées polyvalentes traitent l'ensemble des contacts,
qu'il s'agisse de coups de fil, de lettres ou de mails. Le téléphone est de
loin le principal vecteur de communication. Pour la marque, c'est du 100 %
gagnant : la proximité n'est plus une vague notion qui transparaît à travers un
message publicitaire, c'est du concret ! En plus, Lever propose le cas échéant
un autre produit du groupe et surtout, entre quasiment chez le consommateur,
découvre ses habitudes, ses attentes. Ainsi, un simple coup d'oeil à la courbe
des appels quotidiens donne une idée des heures de ménage dans les foyers
français : on observe un pic entre 9 heures et 11 heures 30. Soixante-douze
mille contacts par an, c'est une mine d'informations sur le profil de la
cible.
SERVICE APRÈS-VENTE
Gadget, le call center ?
Aucun cabinet conseil n'est capable de mesurer l'impact réel sur les ventes ou
sur la fidélisation. Mais les études qualitatives montrent que la simple
présence d'un numéro sur l'emballage suffit à rassurer le consommateur, à
renforcer l'image de proximité de la marque. Une autre donnée objective achève
de convaincre de l'efficacité d'un tel outil : quand un produit est conseillé
par une opératrice, l'appelant l'achète 7 fois sur 10 ! Et pourtant, il n'y a
aucune incitation, aucune agressivité, pas de "vente forcée". Cela irait à
l'encontre des objectifs fixés. « Chez nous, il n'y a pas de productivité pure
et dure, explique Marianne Loustau-Grillier responsable du centre d'appels.
Bien sûr, les opératrices ont une petite pression sur les chiffres : nous leurs
demandons de traiter sept appels par heure. Mais l'important, c'est d'abord la
qualité de l'accueil. » Et pas seulement pendant l'appel : dès qu'elles ont
raccroché, les hôtesses assurent le suivi courrier (chaque contact est
répertorié dans une base de données Conso+). Elles glissent une lettre-type
dans une enveloppe, y ajoutent quelques coupons de réduction sur des produits
du groupe. Le tout est envoyé dans la demi-journée. C'est du cocooning, mais
Lever n'a pas le choix : il faut se distinguer des marques de distributeurs
(MDD) ou des produits discount. Le consommateur est de moins en moins convaincu
de la différence de qualité entre un produit de marque et ses concurrents bas
prix. Alors il faut offrir un plus. Chez Lever, c'est le "service
après-vente".
FORMATION PERMANENTE
Pour des raisons de
simplicité, de cohérence, mais aussi d'économies d'échelle, Lever a choisi un
numéro unique pour l'ensemble de ses marques. Cela n'a pas que des avantages.
L'une des difficultés, c'est la multitude de produits que les opératrices
doivent connaître. Cela les oblige à se former en permanence. Pour cela,
l'employeur ne lésine pas : avant d'entrer en piste, la nouvelle recrue subit
trois semaines de tests, quizz, séances d'observation. Une fois formée, elle
passe près de deux heures par semaine en briefings. Dans la plupart des cas,
les questions sont simples et peuvent être traitées par toutes les opératrices.
Lors d'un problème plus délicat, une "experte" prend les choses en main. Elles
sont trois, sélectionnées pour leur expérience, leur sens aigu du contact et de
la diplomatie. Ce sont elles qui s'occupent des réclamations dures (produits
défectueux, mal utilisés). Leurs réponses personnalisées sont validées par le
service juridique. A ce propos, l'usage a montré que l'implantation du centre
d'appels au coeur de l'entreprise évite des déplacements aux juristes et aux
chefs de produits qui sont régulièrement appelés. Inévitablement, certains
consommateurs appellent alors qu'ils ont entre les mains un produit de la
concurrence. Dans ce cas : « On ne se prononce pas ». Pas de dénigrement, et
bien sûr aucun conseil. L'interlocuteur comprend très vite que Lever ne
souhaite pas faire bénéficier ses rivaux de ses structures (un centre d'appels
comme celui de Levallois coûte plusieurs millions d'euros par an). Le SAV de
Darty n'est pas tenu de s'occuper des produits de Conforama ! Le consommateur a
parfaitement conscience que la marque fait du donnant-donnant. Il sait que les
informations qu'on lui apporte ne seront pas objectives, qu'on l'orientera
souvent vers un autre produit de la gamme pour le lui faire acheter. Mais à ses
yeux, cela n'enlève rien à la validité des conseils. Au bout du compte, le
centre d'appels change considérablement les rapports de Lever avec ses
consommateurs. Aussi aujourd'hui, les trois-quarts des appels sont des demandes
de conseils. La philosophie CRM s'en trouve bouleversée. « Nous voulons traiter
le consommateur comme un privilégié », résume Marianne Loustau-Grillier.
Bientôt un deuxième centre d'appels
Le centre d'appels de Levallois-Perret (92) se concentre sur les produits d'entretien et de soin de la personne. L'autre activité d'Unilever, la branche food, est implantée à Rueil-Malmaison (92). C'est là qu'ouvrira au printemps prochain un nouveau centre, sur le même modèle. Le numéro unique sera bientôt présent sur tous les emballages Fruit d'Or, Boursin, Amora, Lipton, Planta Fin... En attendant, les consommateurs peuvent déjà trouver une multitude de conseils sur le site internet pourtoutvousdire.com, déclinaison du magazine publicitaire.